« Chez lui, on considérait les Blancs comme une entité vague mais puissante, un peu comme les forces qui contrôlent le temps, des forces qui possèdent un grand pouvoir de destruction, mais demeurent invisibles. »
1923, Hattie, seize ans, fuit la ségrégation du Sud des États-Unis pour la Philadelphie.
Ayana Mathis a choisi de décrire une femme par le biais de ses douze enfants. En mettant sciemment en retrait son personnage principal, elle démontre avec force le rôle tragiquement effacé d'une femme au foyer afro-américaine.
L'auteure tisse une toile aux multiples ramifications, exigeante et ambitieuse. Au travers de la famille d'Hattie, l'histoire américaine du XXe siècle s'égrène devant le lecteur impuissant. Les fêlures d'une femme qui, finalement, ne s'est jamais remise de l'innommable, sa douleur, sa rage contenue, son rêve de liberté, ses sacrifices, son chant d'amour, ses regrets, les conséquences de ses choix. Et cette terrible distance, cette façon d'être aux autres, tenir pour que rien ne lâche.
Un premier roman maîtrisé, peut-être un peu trop car à l'instar d'Hattie, rien ne semble s'échapper du cadre, une saga à l'écriture lyrique et poétique. Mélancolique et subtil, une auteure à suivre !
Gallmeister, 313 pages, 2014, traduit de l'anglais par François Happe
Entretien Gallmeister