Claire Barsacq

Publié le 05 avril 2014 par Oz

Réconciliée - Si la vie se prêtait aux bancs d’essai, il faudrait inscrire la sienne au sommaire de son émission. Dans une séquence fictive de « On n’est plus des pigeons ! », programme ludique sur la consommation diffusé sur France 4, on l’imaginerait alors s’avancer vers la caméra, silencieuse et troublante, baskets et décontraction bien lacées, tandis qu’une voix off annoncerait le programme : « Cette semaine, Claire Barsacq a testé pour vous la notoriété. Attention aux arnaques ! » Suivraient les astuces pour ne pas se tromper, les conseils pour bien choisir.

Pour ne pas confondre : on peut tomber sur de petites réputations artisanales solides, sans conséquences. Et puis il y a la véritable gloire d’appellation contrôlée, sertie et clinquante. Celle-là vous tombe généralement dessus du jour au lendemain sans crier gare. Vous vous réveillez un matin avec votre visage en « une » des magazines et le patronyme en grosses lettres sur l’arrière des autobus. On sait que certains en raffolent et seraient prêts à tout pour l’apprivoiser. D’autres s’en méfient, y goûtent parfois, et s’en détournent finalement. C’est le cas de Claire Barsacq. La célébrité, elle n’en a certainement pas fait le tour pour un sujet des « Pigeons ». Mais grandeur nature, propulsée égérie de l’info sur M6, présentatrice du premier journal télévisé de la chaîne, le « 19.45 ». Soit un rendez-vous quotidien, du lundi au jeudi soir, quinze minutes avant la cérémonie du « 20 heures » célébrée sur les autres chaînes.

D’ABORD DOUBLURE DE MÉLISSA THEURIAU

C’était en 2009. Elle n’a pas 30 ans quand M6 l’installe aux commandes du journal. Diplômée de l’Ecole supérieure de journalisme de Paris, elle a débarqué sur la chaîne moins d’un an plus tôt, après avoir fréquenté les bancs de montage et les plateaux de TPS et de NT1. D’abord doublure de Mélissa Theuriau pour l’émission « Zone interdite », Claire Barsacq a donc déjà testé un peu la lumière des projecteurs. Mais rien de comparable avec l’exposition de 19.45. Une autre planète.

JOURNALISTE
1980 NAISSANCE, LE 10 DÉCEMBRE, À FONTAINEBLEAU
2004 DIPLÔME DE L’ÉCOLE SUPÉRIEURE DE JOURNALISME DE PARIS
2007 « ON VA TOUT VOUS DIRE » SUR NT1
2008 PRÉSENTE « ZONE INTERDITE » SUR M6
2009 LANCEMENT DU « 19.45 » SUR M6
2013 « ON N’EST PLUS DES PIGEONS ! » SUR FRANCE 4
La journaliste n’a jamais fait de JT. Qu’importe ! M6 la prépare à affronter l’épreuve. Elle va passer l’été dans cette espèce de bocal bien clos de l’avenue Charles-de-Gaulle, à Neuilly-sur-Seine. Après la porte d’entrée et l’accueil, il faut descendre un escalier pour rejoindre la rédaction. Puis descendre encore pour se rendre sur le plateau du JT. Il lui reste aujourd’hui le souvenir d’avoir « passé l’été dans la cave ».

L’aventure est nouvelle, excitante et très riche professionnellement. Elle voudrait que cela ne change rien à sa vie par ailleurs. Impossible. Comment se dérober au jugement des autres qui vous renvoient votre image comme un boomerang. « Est-ce que vous aimez rire ? », lui demande-t-on un jour.« Pourquoi cette question ? » « Parce que vous avez l’air tellement austère ! » « C’est vrai qu’à l’antenne tu as un côté mur de Berlin », lui rapporte un autre jour un ami. Dans le regard d’autrui, elle s’observe. Ne voit qu’un personnage dur et glacial qui ne lui ressemble pas.

FORMATAGE DE RIGUEUR À M6

Les relations avec la direction de la chaîne sont un peu tendues. Elle aspire à plus de liberté, quand dans « l’écurie » M6 le formatage est de rigueur. Une maternité plus tard, un retour à l’antenne avec un magazine hebdomadaire, une mise à l’écart, un dernier remplacement de Mélissa Theuriau, des perspectives pas bien tracées… En août 2012, la jeune femme quitte la chaîne. « Ce n’était pas ma place, résume aujourd’hui Claire Barsacq. Or, la notoriété, on ne la vit bien que si on est bien dans ce que l’on fait et qu’on a le sentiment de la mériter. » Pour elle, tout est certainement allé trop vite. Au point qu’elle n’hésite pas à évoquer un « sentiment d’imposture »« J’ai pris conscience de pas mal de choses cette année-là. En particulier de ce que je suis prête à concéder ou non pour le simple prestige d’un poste. »

La jeune femme est solide. Il ne lui faut pas moins se reconstruire après l’épreuve dont elle ne sort pas indemne. Claire Barsacq s’achète d’abord un piano pour se remettre à la musique, dont elle voulut faire un temps son métier. Puis obtient sa ceinture noire de karaté. Comme une forme de symbiose du corps et de l’esprit en somme, afin de se rassembler et se retrouver.

Quand France 4 l’appelle pour évoquer une nouvelle émission de consommation, le courant passe immédiatement. « Un vrai coup de cœur, professionnel et personnel », évoque Sandrine Roustan, alors directrice de France 4. « Il m’a fallu réapprendre à être naturelle, après avoir été tellement contrainte », confie pour sa part Claire Barsacq. Depuis le 18 mars, « On n’est plus des pigeons ! » est passé sur un rythme hebdomadaire, tous les mardis soir à 20 h 45. Le ton est décalé, amusant, jubilatoire presque. Deux fois par mois Claire Barsacq anime par ailleurs un débat politique sur Public Sénat en alternance avec Benoît Duquesne. Elle peut dire que les « Pigeons » l’ont aussi aidée à « recoller les morceaux » et à « rendre sa vie plus riche ». C’est testé et approuvé. (Article publié dans Le Monde du 27 mars 2014)

  • Olivier Zilbertin
    Journaliste au Monde