13 avril – 8 juin 2014
Vernissage samedi 12 avril à 18h30.
Rencontre entre l’artiste et un débat critique avec le public
Pour Muriel Rodolosse, l’exposition est plus que le seul accrochage de ses tableaux, c’est le lieu où interroger la peinture. La scénographie, qu’elle crée en écho à la topographie du centre d’art contemporain, fait de ses oeuvres les hypothèses et les arguments d’une pensée de la peinture qui s’invente dans le déplacement. Sans socle ni double fond invite le visiteur à en faire l’expérience. Les oeuvres se découvrent au fur et à mesure du cheminement dans les trois espaces successifs du centre d’art. S
C’est dans cette tension constante entre nature et contingence, entre ce qui est vu et ce qui est dissimulé, que l’artiste construit le parcours de l’exposition. Le visiteur est accueilli par un pénétrable, fait de tableaux recto-verso, mobiles et suspendus à hauteur du regard. Le franchissement de cet espace instable et mouvant est une expérience physique et mentale qui prépare à la découverte du grand tableau fixe et frontal Mais la grande nymphe n’a pas de socle de ni de double fond*.
Le personnage – qui était déjà son modèle dans l’exposition x degrés de déplacement présentée au Frac Aquitaine en 2011- avance paré ou parasité par des prothèses végétales et appareillages divers qui s’attachent au corps, le grandissent, le transforment ou
Quelques socles blancs déstructurés sont disposés au sol et appellent à franchir l’espace
intermédiaire. Là encore, les obstacles gênent la fluidité du trajet, obligeant le visiteur à enjamber, à contourner, pour aller au-delà de cette accumulation de volumes. Ce passage par le blanc dispose à un effacement des images précédentes pour faciliter la plongée dans l’ultime proposition. Celle-ci contrarie la vision idéalisée et mentale de la première salle pour montrer ce que pourrait être le lieu des contingences. La peinture s’identifie à un vaste ouvrage en construction qui cherche, dans l’hybridation des genres et l’articulation des différentes échelles, à échapper aux classifications, à tenir l’équilibre d’un entre-deux entre fantasmes et réalités. Derrière le tableau, de l’autre côté du monde… Le visiteur est immanquablement projeté à l’intérieur de la peinture. Il s’en trouve ainsi augmenté, comme l’exposition devenue elle-même oeuvre.
Le procédé d’exécution des tableaux n’est pas étranger à ce principe de déplacement. Muriel Rodolosse n’a jamais peint sur toile, refusant l’autorité de sa texture et de sa souplesse, lui préférant un support lisse et plus neutre. Depuis 1996, elle peint sur Plexiglas. Rigide et transparent, il permet de franchir le plan zéro du support et de passer toute la peinture à l’arrière. L’artiste construit le tableau dans son inversion: elle commence par les détails et finit par le fond. La hiérarchisation des plans est donc inversée, parfois mixée dans certaines oeuvres récentes. Dans ce mouvement entre la face lisse – offerte au regardeur et qui interdit tout repentir – et la face intérieure – les coulisses en quelque sorte, qui accueillent le geste, la touche, l’intimité de l’oeuvre – se joue le lieu de la peinture entre ce qui est montré et ce qui est caché. Muriel Rodolosse renverse la vision perspectiviste de la fenêtre ouverte sur le monde et interroge la nature de l’oeuvre regardée.
Martine Michard, commissaire de l’exposition