Nous connaissions déjà les vignes, souvent prestigieuses, au cœur de l’agglomération, tels de très grands Pessac-Léognan à deux encablures de la rocade. Il y avait encore, il y a une petite dizaine d’années, des moutons dans un minuscule pré à proximité des Boulevards. Les ovins ont laissé la place à un programme immobilier. Dans tous les parcs et jardins, les carpes sautent dans tous les sens, les cygnes couvent, les hérons draguent et les canards se mettent la pâté, parce-que c’est fou ce que c’est susceptible ces bestioles-là. Il y eut aussi un couple de faucon dans les enchevêtrements de pierre de la cathédrale, j’ignore ce qu’il est devenu, et pourtant c’était bien parce-que ça se tapait un pigeon-burger à chaque repas.
Désormais, à Bordeaux, on élève des vaches. Le cheptel est modeste : cinq têtes, pas de quoi créer un vent de panique dans la PAC ! La jolie bovine est d’assez petite taille, elle fait un peu penser à la vraie vache bretonne (pas l’affreuse laitière venue de Hollande, massue et lourdaude). C’est une laitière en voie de disparition, d’où son installation en forme de sauvetage du côté du Parc Floral. L’enclos est immense et l’herbe grasse à souhait. L’animal intrigue les mouflets : l’un d’eux m’a ainsi demandé “tu crois qu’elle mord la vache ?”. Comme quoi introduire des animaux presque en ville, c’est non seulement écologique et ludique, mais aussi pédagogique. Faut dire que pour sa défense, le minot ne pouvait pas être trop au courant, sa mère lui criant peu après : “T’approche pas du taureau, c’est plein de maladies ces bêtes-là”. Mes contemporains parfois m’émeuvent …
Le retour de la vache bordelaise (c’est son nom) avait été annoncé par des petits panneaux tout autour du futur enclos, puis dans le bulletin municipal de décembre 2007. Au milieu des guirlandes de Noël, je n’y avais pas prêté une attention soutenue. La décision fut prise dans le cadre de la Charte municipale d’écologie urbaine. D’après ce que j’ai pu en lire, l’entretien du pré est assuré par un agriculteur local. Le but du jeu est bien de sauver une espèce en voie de disparition, celle-ci ayant été supplantée au début du XXè siècle par des bêtes d’Europe du Nord, plus productives, après avoir nourri en lait et beurre toute la Gironde, et après avoir fertilisé les terres à vin du Médoc. La petite vache bordelaise connut ainsi le sort de ces animaux qu’on oublie parce-qu’ils n’ont plus d’intérêt économique, comme le cheval de trait (pourtant si mimi avec ses pantalons patte d’eph’) ou l’âne. Ce retour parmi nous me plaît bien.