La vie sans Sherlock Holmes
Londres 1892. Sur les docks, Billy, Charlie, Tom et leur chat Watson ruminent leur tristesse : Sherlock Holmes est décédé dans les chutes de Reichenbach entraînant avec lui son meilleur ennemi Moriarty. Alors que Billy lit les nouvelles dans le journal concernant cette triste disparition, les petits détectives sont suivis par un grand homme maigre moustachu. Les présentations faites, il les emmène chez lui dans un appartement malfamé. Cet individu c’est Sherlock Holmes ! Oui, le célèbre détective n’est pas mort. Pendant un mois, il s’est caché et même son meilleur ami Watson n’en a rien su. Au bord des chutes, Holmes fut entraîné dans un guet-apens, lui qui pensait que ce ne serait qu’un duel avec Moriarty. Un tireur embusqué du nom de Sebastian Moran l’attendait pour le tuer. Mais il échoua.
De leur côté, Moran, Keene et Blackstone de Scotland Yard préparent la succession du malfrat. Apprenant la nouvelle, Sherlock Holmes décide de se débarrasser des 3 héritiers pour pouvoir enfin réapparaître au grand jour. Pour cela, il a besoin de l’aide des 3 jeunes enfants qui reformeront alors les Francs-tireurs de Sherlock Holmes.
De l’autre côté de Londres, dans un parc huppé, trois individus louches kidnappent Arthur, le fils des Trevelyan, un riche homme d’affaires. Le tout jeune bébé du magnat de la finance a été enlevé par une équipe de Keene. Sherlock Holmes demande alors au trio de surveiller les allers et venues de ce dernier. En le pistant, ils se retrouvent alors chez Madame Tussaud, le célèbre musée de mannequins de cire…
Encore une fois, cet album de la série Les 4 de Baker Street est une véritable réussite, un excellent moment de lecture ! Le récit mené tambour-battant de Jean-Blaise Djian et Olivier Legrand mêle habilement le suspens, l’action et l’humour. L’intrigue à tiroirs soignée est extrêmement intéressante à plus d’un titre : le retour sous couverture de Sherlock Holmes, les héritiers de Moriarty et l’enlèvement d’Arthur. L’ambiance très bien rendue du Londres de l’époque victorienne est à mi-chemin entre Conan Doyle, bien évidement pour Sherlock Holmes mais aussi Charles Dickens, pour le côté orphelins débrouillards des enfants, les bas-fonds de la ville et les laissés-pour-compte. L’histoire captivante est merveilleusement mise en images par David Etien. Le talentueux dessinateur réalise de belles planches fouillées et minutieuses, magnifiées par des couleurs éclatantes et pleine de clarté.
Pour en savoir un peu plus sur la série, cliquez sur le lien suivant (chronique Case Départ) : Le monde des 4 de Baker Street.
Les 4 de Baker Street : une série très maîtrisée, tout public, populaire, captivante, extrêmement bien écrite et dessinée. Case Départ vous recommande vivement de (re)découvrir les albums de ces trois enfants débrouillards et de leur petit chat.
- Les 4 de Baker Street, tome 5 : La succession Moriarty
- Auteurs : Jean-Blaise Djian, Olivier Legrand et David Etien
- Editeur: Vents d’ouest
- Prix: 14,50€
- Sortie: 02 avril 2014
En(quête) en Inde
Aéroport de Kolkata (Calcutta). Adélaïde, une belle jeune française rousse et enceinte de plusieurs mois, débarque, déterminée à retrouver Matthieu, son mari. Comme lorsque les touristes arrivent, des chauffeurs de taxi les accostent aussi. Mais, pour le plus grand bonheur de la future maman, elle tombe sur un être charmant et débrouillard, Imran Suresh.
Leur premier trajet : le poste principal de police de la ville. Dans ce commissariat, elle raconte son histoire à Sanjay Dutt, un officier peu compréhensif. Matthieu, informaticien, a été embauché par un grand groupe indien, la Satosh Computers. Mais il n’a plus donné de nouvelles depuis 30 jours. Aucun signe, plus aucun mail. Un brin sarcastique dans ses réponses, le policier reste évasif et dit qu’il va enquêter.
Alors que le jeune taximan la loge dans un petit hôtel agréable, elle apprend que la société de son mari n’existe pas. Voulant en être sûre et certaine, elle demande à Imran de l’emmener à l’adresse indiquée par la publicité de l’entreprise. Là, elle ne peut constater qu’elle n’a jamais existé. Pire, le futur papa n’a jamais été enregistré à l’ambassade d’Inde en France, en gros, il n’aurait jamais mis les pieds dans le pays.
Pensant qu’elle dérange le policier, elle va s’évertuer à continuer son enquête. Pour cela, le chauffeur fait jouer ses relations et demande à ses collègues d’identifier l’homme. La piste les conduit à l’hôpital Amri mais au lieu du mari, ils croisent Christophe Beaufort, un autre français.
Le duo décide alors d’aller chercher une piste du côté du temple Kalighat, dédié à Kali la noire. Là-bas, ils découvrent l’appartement qu’a utilisé Matthieu grâce à une tablette de médicaments anti-allergies. Pourtant celui-ci est vide ; des déménageurs étant venus furtivement en pleine nuit vider les lieux. A bord d’une camionnette volée, les mystérieux hommes percuteront un rickshaw et en perdront leur plaque d’immatriculation. Une nouvelle piste pour Adélaïde et Imran.
Voilà un album formidable ! Cette belle enquête policière contemporaine est menée tambour-battant dans les rues de Calcutta. Le récit riche en rebondissements de Eddy Simon happera le lecteur tant il est habile pour apporter de nouvelles pistes fréquemment. La mégalopole indienne et ses bas-fonds sont merveilleusement dépeints, entre lieux de spiritualité, misère ou folie des hommes. La ville grouille, vit, respire à 100 à l’heure. Le tableau décrit par l’auteur de Violette Nozière (Casterman, 2014) met en lumière la corruption, la passivité des autorités ou des policiers mais aussi les zones d’ombre dans les grands groupes industriels. D’ailleurs, Eddy Simon maîtrise parfaitement son sujet ; il vit en Inde depuis plusieurs années. Le duo Adélaïde – Imran fonctionne à merveille ; la femme si déterminée malgré le fait qu’elle soit enceinte et le chauffeur de taxi débrouillard, si prévenant et qui se révélera très valeureux au fil des pages. L’histoire, un peu politique aussi, est parfaitement réussie et atteint ses objectif : faire passer un excellent moment de lecture et tisser une belle enquête à suspens. Le final étant surprenant mais habilement amené. Le trait à la ligne simple de Pierre-Henry Gomont est très agréable à l’œil. L’auteur de Crématorium (Kstr en 2012) est d’ailleurs venu sur place pour y effectuer des recherches graphiques, s’imprégner de l’ambiance et cela se ressent très bien dans l’album. Les planches sont magnifiées par des couleurs à l’aquarelle, rendant bien les teintes si singulières de ce pays de 1,2 milliard d’habitants.
Rouge Karma : une belle enquête menée sur les chapeaux de roue dans un pays très peuplé et aux cultures diverses, soulignée par un dessin somptueux. Case Départ vous recommande de plonger dans cette moiteur indienne pour suivre Adélaïde et Imran dans les ruelles de Calcutta.
- Rouge Karma
- Auteurs : Eddy Simon et Pierre-Henry Gomont
- Editeur: Sarbacane
- Prix: 22€
- Sortie: 02 avril 2014
Ragemoor : château maudit
Perché sur un rocher, le château de Ragemoor impressionne par sa grande et grosse stature et il effraie aussi ses rares visiteurs. Des forces surnaturelles l’animent quasiment comme un être humain, respirant, souffrant ou avalant ses contradicteurs.
Herbert est le maître des lieux depuis peu, s’isolant de plus en plus. Accompagné de son majordome Bodrick, serviteur loyal depuis plusieurs années et de Machlan, son père, devenu fou à cause du Ragemoor et qui erre nu entre les murs de la cour du château.
Le jeune homme reçoit la visite de JP, son oncle et d’Enoria, sa belle jeune fille. Alors que ces derniers doivent prendre congé le lendemain, Herbert ne souhaite pas les voir partir cassant ainsi sa monotonie. Pourtant l’oncle aimerait récupérer les lieux voyant la forteresse mal gérée par son frère et son neveu.
Après avoir raconté l’histoire de Ragemoor à ses hôtes d’un soir, Herbert et Anoria partent se coucher ; des bruits lugubres venus du fin fonds des entrailles du château commencent à s’entendre, faisant tout d’un coup peur à ses occupants. La bête se réveille…
Le récit sombre de Jan Strnad est ciselé et précis. Laissant peu de place aux temps morts, emportant avec lui le lecteur. L’intrigue fantastique et d’horreur monte au fur et à mesure des pages, passant d’une simple histoire à un summum de tension bienvenue. Les personnages s’effacent presque devant le véritable héros de l’album : le château de Ragemoor, prenant vie sous nos yeux. Sinistre, lugubre et avide de chair fraîche, la forteresse ressemble à beaucoup de tueurs en série. Les dialogues rares sont aussi très bien pensés. Proche des romans de H.P Lovecraft et Edgar Allan Poe, le scénario propose une ambiance oppressante et de peur, extrêmement bien écrit. Le trait d’une très grande qualité de Richard Corben est incroyable ! Pour ses personnages, il travaille à l’ordinateur à partir de photos de proches pour les tordre et les détourner : l’effet rond est sensationnel. Alors que l’ambiance est sombre, les visages rayonnent grâce à un léger glacis très lumineux. A noter qu’une interview croisée des deux auteurs est adossé à l’album, permettant au lecteur d’en apprendre un peu plus sur Ragemoor.
Ragemoor : un album fantastique d’horreur à l’intrigue très maîtrisée et dessiné par le talentueux Richard Corben. Une grande réussite !
- Ragemoor
- Auteurs : Jan Strnad et Richard Corben
- Editeur: Delirium / çà et là
- Prix: 20€
- Sortie: 14 février 2014
Malpasset :
témoignages sur la plus grande catastrophe
civile française
Le barrage de Malpasset fut construit entre 1952 et 1954 sur la rivière Le Reyrant, affluent de l’Argens. Le conseil général du Var en était le maître d’œuvre. Sa retenue devait alimenter l’agglomération de Fréjus Saint-Raphaël et les communes rurales limitrophes. Cinq ans après sa mise en route, sa rupture provoque le déferlement d’une cinquantaine de millions de mètres cubes d’eau en crue. Cette catastrophe provoqua la disparition de 423 victimes et de nombreux dégâts matériels (maisons, rues, routes ou voie ferrée…).
Alors qu’un premier géologue avait indiqué de difficultés liées au sol et avait conseillé la construction d’un barrage-poids plus en amont, il ne fut pas écouté. Seuls quelques sondages mécaniques furent effectués et il n’y eu quasi aucun suivi géotechnique de chantier.
Aux causes des erreurs techniques dues à l’homme, il faut en plus ajouter une cause naturelle. En effet, comme souvent en Provence, une longue période de sécheresse fut suivie d’une courte période de pluies diluviennes durant la deuxième quinzaine de novembre 1959 (130 mm en moins de 24h). Une crue très violente et le niveau de la retenue qui était à une dizaine de mètres sous crête du barrage monta alors très rapidement – 4 m en 24 h. Alors que l’eau montait dangereusement, on décida de ne pas ouvrir les vannes d’évacuation pour éviter des dégâts sur le chantier de l’autoroute A8 à un kilomètre du barrage. A 18h, on fit ouvrir enfin les vannes mais ce fut insignifiant face à la montée des eaux. A 21h13, le barrage céda libérant 50 millions de mètres cubes d’eau déferlant à 70km/h ! La ville de Fréjus fut touchée en moins de 20 minutes, ne permettant pas son évacuation. Malgré de grands manquements humains, le Conseil d’État écarta toute responsabilité humaine le 28 mai 1971 !
C’est ce jour-là et ces moments de grandes douleurs que les témoins ont décidé de raconter dans cet album : 17 personnes au plus près du drame ont été questionnées par Eric Corbeyran pour transmettre leurs souvenirs encore présents au plus profond d’eux. Avec toujours les mêmes : alors que beaucoup étaient sur le point de se coucher, un énorme bruit de craquement fendit le silence de la nuit, puis une panne d’électricité survînt, des voisins qui criaient et tout le monde qui courait pour se réfugier, là dans un arbre, là sur le toit de la maison, là sur une petite colline… Les petites filles en chemise de nuit et les petits garçons en pyjama, le tout souvent pieds nus… Puis ces images : de la famille proche, des voisins emportés par la vague immense et enfin le lendemain : des rues, des routes, des maisons, des immeubles éventrés… Un spectacle de désolation.
Très touchants et à toutes les pages bouleversants, ces récits d’anonymes sont racontés avec beaucoup de pudeur, de retenue dans ce qui changea leur vie : « J’ai eu deux vies, une vie avant, et une vie après… » [Y. Allamand] ou encore : « J’ai perdu mes parents, mon oncle, ma tante… Vous avez quelque chose… et tout à coup, il n’y a plus rien… » [S. Mercier]. Cet événement tragique vieux de 55 ans est profondément ancré dans les mémoires des Fréjusiennes et Fréjusiens, encore aujourd’hui. Après deux ans d’enquête, Eric Corbeyran livre une bande dessinée-reportage forte mais non romancée, brut et sans aucun filtre. Les différents témoignages sont poignants, sincères et le rendu très sobre, tout en retenue et sans pathos. Très bien documenté, le propos est simple et très clair. Le trait de Horne est à l’unisson de ces souvenirs personnels chocs : simple, clair, lisible et sans fioriture.
Malpasset : un bel hommage pour réhabiliter une catastrophe méconnue du grand public. Pour les victimes, pour les survivants, pour la vie d’après…
- Malpasset (causes et effets d’une catastrophe)
- Auteurs : Eric Corbeyran et Horne
- Editeur: Delcourt, collection Mirages
- Prix: 18,95€
- Sortie: 19 mars 2014
Une vie à 100 à l’heure
Région parisienne. Chantier de BTP. Pacifique, alias Paci est un conducteur d’engins, en liberté conditionnelle. Avec son collègue Yvan, ils sont très consciencieux dans leur travail. N’ayant pas peur de délivrer son passé à ses camarades du travail, il leur explique aisément qu’il a fait de la taule et qu’il est marié avec le diable. En effet, l’homme serait dépositaire de secrets de magies ancestrales.
En raccompagnant Yvan, il écoute avec grand soin un des rêves que ce dernier a pu faire, lui indiquant que la femme de son songe est en réalité un djin, sorte de mauvais esprit. Alors qu’il vient de percuter un chevreuil, Paci décroche son téléphone. Au bout du fil, Ashram, un ancien commanditaire qui lui propose un nouveau job : acheminer une grosse cargaison de drogue entre Calais et Bordeaux en contrepartie de 40 000 euros. Ne voulant pas déroger à sa nouvelle vie rangée, il raccroche. Pourtant, le dealer ne compte pas en rester là et se poste devant l’entrée de son mobile-home.
Alors qu’il a ramené une conquête féminine chez lui, le lendemain matin, un homme de main du parrain anglais de la drague l’attend toujours devant chez lui pour le persuader d’accomplir la mission. L’homme adepte du go fast, sort sa voiture, fonce dans celle de son ennemi et s’ensuit une course-poursuite dans la ville…
Premier tome de la série Paci et première réussite. Le récit contemporain de Vincent Perriot, s’il commence en douceur, rattrape vite le lecteur et l’emmène dans une course-poursuite de tous les dangers. Dans le même tempo que la folle vie de son héros, l’auteur installe un véritable polar digne des grands films du genre. La très belle énergie qui se dégage de l’histoire n’est pas essentiellement due à la vitesse des voitures mais aussi à la personnalité mystérieuse de son personnage principal : pourquoi fut-il envoyé en prison ? (pour une affaire de drogue?) Pourquoi est-il si proche des rites ancestraux africains ou chamaniques ? L’ambiance, sur le fil du rasoir comme la vie de Pacifique, est bien restituée, entre misère, mafia- gang et volonté de réinsertion. Le trait vif de l’auteur de Taïga Rouge (Dupuis, 2009) rend parfaitement ce sentiment d’urgence et se permet même de déformer les perspectives et les décors lors des prises en chasse en voiture. Un très bon travail sur les couleurs est à mettre à l’actif d’Isabelle Merlet. Les albums de ce triptyque seront tous publiés pendant l’année 2014 afin de ne pas faire languir le lecteur.
- Paci, tome 1 : Bacalan
- Auteur : Vincent Perriot
- Editeur: Dargaud
- Prix: 13,99€
- Sortie: 21 mars 2014
Gargamel est amoureux
Forêt attenante aux village des Schtroumpfs. Par un beau soleil, les petits êtres décident de se promener. Alors que deux d’entre-eux sont attirés par leur met préféré, la salsepareille, le Grand Schtroumpf déjoue un piège tendu par Gargamel. Ce dernier énervé par cet ultime échec en devient même triste. Il pense à son ami Gandolphe, le géant, qui a quand même réussit à trouver une belle femme, alors que lui est seul le soir lorsqu’il rentre chez lui. Les Schtroumpfs entendant sa complainte, pensent que s’il trouvait l’âme sœur, il s’arrêterait de les pourchasser.
Pour cela, ils décident d’aller consulter Homnibus l’enchanteur. A l’aide de sa boule de cristal, le magicien propose Margot, une jeune fille simple qui vit seule et cultive des plantes aromatiques. Pour les faire se rencontrer, ils élaborent un stratagème : les faire gagner chacun un repas gastronomique à l’Auberge du Gras Goret.
Se retrouvant face à face à table, Gargamel se comporte mal vis-à-vis de la jeune femme qui part en claquant la porte. Le piège n’a pas fonctionné.
Par un malheureux hasard, le Schtroumpf farceur se retrouve dans le cabas du sorcier. En sortant de l’auberge, Margot se confie à Roxanna qui ne se fait pas prier pour rabrouer le vieil homme. Tombant sous son charme, Gargamel ne sait plus où donner de la tête. En contrepartie de la libération de Farceur, les Schtroumpfs devront aider le sorcier dans sa tache de séduire la belle herboriste.
Les jeunes lecteurs (et les moins jeunes aussi) connaissent parfaitement l’univers des Schtroumpfs. Alors que le talentueux raconteur d’histoires Peyo est décédé, la série ne connaît pas de baisse de régime. Le succès est toujours au rendez-vous avec 250 000 exemplaires vendus pour chaque nouveauté. Le scénario de Alain Jost et Thierry Culliford est d’une grande qualité rendant Gargamel presque agréable. Sous sa carapace, le sorcier peut faire preuve d’un grand cœur, passant de l’homme méchant à un gentil ado amoureux. Même ses plus intimes ennemis vont voler à son secours pour l’aider dans sa quête. D’ailleurs, la vedette de l’album c’est bien le maître d’Azraël, éclipsant les Schtroumpfs. Suspens, action, amour : de bons ingrédients pour maintenir le lecteur en haleine. Côté graphisme, Jeroen de Coninck fait bien le travail, marchant fidèlement dans les pas de Peyo (même si le visage de Gargamel sur la couverture est un peu manqué). Les couleurs de Nine, la veuve du génial créateur, égayent magnifiquement les planches de l’auteur belge.
A noter la publication des 6 premières planches de l’œuvre originale des Taxis rouges de la série Benoît Brisefer à la fin de l’album pour la future sortie en salle du film éponyme le 17 décembre de cette année (au casting : Jean Reno et Gérard Jugnot).
- Les Schtroumpfs, tome 32 : Les Schtroumpfs et l’amour sorcier
- Auteurs : Alain Jost, Thierry Culliford et Jeroen de Coninck, d’après Peyo
- Editeur: Le Lombard
- Prix: 10,60€
- Sortie: 04 avril 2014
Histoire & gastronomie japonaises
16e siècle, Kyoto au Japon. Ken et son compagnon de voyage, restaurateurs du 21e siècle, se retrouvent projetés dans un lieu inconnu. Habilés de leur veste de chef de cuisine, ils sont pourchassés par les soldats de Miyoshi. Touché par une flèche, l’homme décède, laissant seul Ken livré à lui-même. Pour échapper à ses poursuivants, il plonge dans la rivière voisine.
En remontant sur la berge et alors qu’il a eu le temps de pêcher une anguille, il croise la route de Natsu, qui le ramène chez elle. La jeune femme, forgeron d’armes, se voit proposer un somptueux dîner par le jeune homme. Amnésique sur le reste de sa vie, il se souvient néanmoins de ses compétences en matière culinaire. A l’aide de techniques inconnues pour l’époque, il va devenir la coqueluche du village, préparant à merveille de nombreux mets.
Sa réputation grandissante, le daimyo (gouverneur féodal) Oda Nabunaga se déplacera exprès pour le rencontrer et faire de lui son cuisinier personnel. Alors que la vente des plats rapportaient beaucoup d’argent à Natsu, elle doit laisser partir sa pépite d’or au palais voisin de Gifu, contre son grès. Avant de partir, la jeune femme lui offre des katanas (couteaux) qu’elle a fabriquée.
Au château, l’arrivée de Ken est mal perçue par les anciens. Il doit alors affronter Inoue, le cuisinier actuel dans un duel de cuisine dont le thème est le canard. Le gagnant aura alors la vie sauve. Le jeune homme décide de flamber le volatile au saké, tandis que le chef en place joue la carte de la tradition avec des légumes.
Alors qu’il a remporté le fameux duel culinaire, Ken ne peut pas se résoudre à tuer froidement son adversaire et par la même occasion s’attire les foudres du daimyô. Lui laissant la vie sauve, Nobunaga lui ordonne de lui préparer des plats d’une plus grande qualité que les précédents. Devenu le cuisinier en chef de l’armée, il aura désormais sous ses ordres Inoue, l’ancien chef qu’il a battu à la régulière.
Le 27 mars dernier, les éditions Kommiku publiaient les deux premiers tomes de la série Le chef de Nobunaga et l’on peut dire qu’ils ont eu le nez creux en décidant d’offrir ce manga aux lecteurs français. Le récit historico-culinaire de Mitsuru Nishimura est captivant, surprenant et d’une excellente qualité narrative. Vendue à plus de 1,2 millions d’exemplaires au Japon depuis 2011, la série mêle habilement l’histoire médiévale du pays du Soleil levant (une société agraire fondée sur les clan et l’Empire), la gastronomie japonaise, l’action et la politique, le tout teinté d’un petit brin d’humour bien senti. La cuisine nippone de l’époque sera revisitée par celle plus contemporaine ; les plats de Ken influenceront parfois des décisions politiques de Nobunaga. La réalité et la fiction sont au cœur des albums : le daimyô ayant existé et le jeune chef de cuisine, pure création. Les personnages sont très intéressants, bien marqués et donnent la possibilité de belles ouvertures pour la suite. Pourquoi et comment Ken s’est-il retrouvé dans ce Japon du 16e siècle ? Le trait classique de Takuro Kajikawa est diablement efficace. De plus le découpage dynamise fortement l’histoire. On se laisse rapidement entraîner dans cette histoire si singulière, happé par cette civilisation asiatique disparue et les délicieux plats de Ken.
Le chef de Nobunaga : manga à l’histoire solide, captivante et très bien documentée. Une véritable réussite scénaristique et graphique !
- Le chef de Nobunaga, volumes 1 et 2
- Auteurs : Mitsuru Nishimura et Takura Kajikawa
- Editeur: Komikku
- Prix: 8,50€ par volume
- Sortie: 27 mars 2014
Lutin Spirix : pastiche de choc
50 avant Blueberry. Tous les gaulfs sont occupés par les romains ? Lutin Spirix et son acolyte (alcoolique ?) Obésio pratiquent leur sport favori. Le héros de tous les héros confie au gros bonhomme à la barbe fleurie qu’il a aperçu en ville les Daploncx, les super-vilains. Les trois affreux frères sont les dignes descendants des plus grandes crapules du 9e art. Chapeau melon vissé sur la tête, ils portent une moustache en D ou en T…
Le célèbre héros mi-Tintin mi-Astérix doit aussi faire face à l’invasion des Strumpführers, les petits enfants de Adolf, tout verts avec leur bonnet phrygien. Pour réussir sa mission, il demande à la plus fine gâchette à l’Ouest de Bruxelles, Jeanine Castor, meilleure ennemie des petits hommes verts…
Sur un parcours sablonneux de golf en Egypte, les deux compères, découvrent l’entrée d’un tombeau de pharaon. Pas peu fiers, ils décident de rapporter un souvenir : une momie…
Difficilement résumable, cet album est dans la plus pure tradition des pastiches chers à Roger Brunel, sans être porté sur le sexe comme son prédécesseur, à cela près qu’il combine et assimile toutes les séries en même temps et dans un même personnage. Complètement loufoque et absurde, les récits sur quelques pages de B-gnet sont fous à souhait. Multipliant les clins d’œil et hommages à ses albums préférés, l’auteur de Pères indignes, met à mal les héros de notre enfance. Pourtant cela est toujours réalisé avec élégance et sans méchanceté, juste pour s’amuser et donner du plaisir aux lecteurs. Comme peut le noter son éditeur Vraoum : « [Lutin Spirix] qui devrait valoir à son auteur et son éditeur un procès retentissant par les plus grandes maisons d’édition. On a hâte ! ». Graphiquement, c’est très efficace. Le trait de B-gnet permettant de souligner le caractère humoristique de l’album. En plus, l’auteur nous gratifie d’une très belle 4e de couverture, pastiche des plus belles 4e de chez Dupuis.
Lutin Spirix : un album hommage et pastiche à l’humour ravageur. On en redemande !
- Lutin Spirix
- Auteur : B-gnet
- Editeur: Vraoum
- Prix: 11€
- Sortie: 02 avril 2014
Et pour quelques pages de plus…
Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :
Kompilasi Komikus
[carnets de résidence] en Indonésie
De 2009 à 2012, Sylvain-Moizie, Clément Baloup, Simon Hureau et Joël Alessandra se sont succédé pour animer des rencontres et ateliers de la bande dessinée, dans les différents Instituts français d’Indonésie.
Du décalage horaire à la barrière de la langue, de la découverte insolite de décors somptueux à la rencontre de talents émergents de la bande dessinée indonésienne, cet ouvrage emporte le lecteur dans l’immersion totale qu’ont vécu quatre talentueux auteurs de la Boîte à bulles.
Avec l’humour et le style qui leur est propre, chacun dévoile une facette de son séjour, loin du chemin touristique.
Sylvain-Moizie (voyage février-mars 2009) : En novembre 2008, l’auteur est choisi par l’éditeur Vincent Henry pour participer au Cergamboree, second forum consacré à la bande dessinée de Surabaya en Indonésie.
Clément Baloup (voyage avril-mai 2010), l’auteur de Mémoires de Viet-Kieu, séjournera à Jakarta, Bali et Surabaya pour présenter son travail, animer des discussions et des ateliers auprès d’artistes et d’étudiants locaux.
Simon Hureau (voyage du 5 au 27 février 2011). L’auteur de Hautes Oeuvres et de Intrus à l’étrange, aura le même rôle que ses deux collègues précédents.
Joël Alessandra (voyage en mai 2012). L’auteur du Périple de Baldassare a lui aussi connu le Festival Komik Cergamboree et les ateliers-discussions multiples.
Kompilasi Komikus : Un album vivant et coloré qui invite à découvrir ce pays lointain qu’est l’Indonésie.
- Kompilasi Komikus [carnets de résidence] en Indonésie
- Auteurs : Joël Alessandra, Simon Hureau, Clément Baloup et Sylvain-Moizie
- Editeur: La Boîte à Bulles
- Prix: 29€
- Sortie: 03 mars 2014
Bande dessinée et littérature
La BD n’est pas définissable, elle ne se retrouve pas réellement dans la littérature ni dans un art précis, elle navigue entre les deux.
L’auteur de l’essai souligne un fait évident : le monde du 9e art semble toujours largement incompris du grand public et surtout invisible dans les grands médias. Pour autant, il ne faut pas enfermer cet univers dans un simple monde pour enfant et donc cela semble normal de s’intéresser aux interactions entre la BD et la littérature comme cela se pratique pour tous les autres arts qui ne cessent de s’inspirer (la littérature et la peinture, la littérature et le cinéma…).
Historiquement pour trouver sa place dans le monde des arts, la BD va s’auto-revendiquer d’être un art spécifique avec notamment la publication dans les années 70 de Pour un neuvième art : la bande dessinée, véritable manifeste et qui fera école pour les générations suivantes.
D’ailleurs il y aurait littérature pour le genre BD parce que l’on s’inscrit dans le monde du livre. Que le dessin et le texte doivent se lire ensemble et non indépendamment afin de comprendre l’histoire.
Si avant 1960, le lectorat ciblé était celui des enfants (on nomme les BD des illustrés comme si le dessin n’était là que pour servir le texte) ; c’est à partir de 1970 avec la revue (A suivre…) que la BD aura la prétention de s’agréger à la littérature. C’est aussi la mise en lumière d’œuvres américaines comme Maus (Spielgeman) qui sera lauréat du prix Pulitzer ou Watchmen (Moore et Gibbons) qui reste encore aujourd’hui comme la seule BD à faire partie de la liste du Time des 100 plus grands romans de langue anglaise.
D’ailleurs ce sont souvent les scénaristes qui partagent plus cette vision de la relation littérature-BD puisqu’ils sont les dépositaires du texte et des dialogues. Si quelques-uns, comme Corbeyran, ne se considèrent pas comme écrivain, d’autres, comme Dufaux, le revendiquent.
Les premières liaisons entre les deux arts sont des adaptations de romans d’Agatha Christie (Hercule Poirot) puis d’oeuvres plus classiques (Jules Verne…) Des écrivains adapteront eux-même leurs propres romans (Djian, Manchette, Vargas, Daenincks…) en bande dessinée. D’autres feront preuve de plus d’audace en proposant des œuvres originales (Pennac pour Tardi).
Dürrematt est aussi très critique vis-à-vis des festivals qui ressemblent plus à des foires à la dédicace qu’à des manifestations culturelles et soulignent que les différents prix décernés à Angoulême ou dans d’autres salons sont surtout là pour légitimer et asseoir ce manque criant de reconnaissance du grand public, comme ont pu le faire les festivals axés sur le cinéma.
L’essai revient aussi largement sur la production de Hergé et ses tentations vis-à-vis de la littérature. Il met aussi en lumière un phénomène très singulier et propre à la BD : la représentation de grands écrivains ayant existé dans de nombreuses série (Hugo, Balzac, Raimbaud…). C’est à dire la biographie de ces auteurs.
Découpé en 4 grandes partie : Etre ou ne pas être de la littérature, S’emparer de la littérature, S’inspirer de la littérature et Rivaliser avec la littérature, Jacques Dürrenmatt livre un essai solide, très bien documenté et argumenté. Se reposant sur l’histoire de la bande dessinée (Töpffer ou Rodolphe), il étaye son argumentation de nombreuses citations d’auteurs du 9e art qui auraient réfléchi sur le processus de création ou sur le monde de la bande dessinée en général. Un livre essentiel pour comprendre les relations BD-littérature.
- Bande dessinée et littérature
- Auteur : Jacques Dürrenmatt
- Editeur: Classiques Garnier, collection Etudes de littérature des 20e et 21e siècles, numéro 39
- Prix: 29€
- Sortie: 15 novembre 2013
Surprise surprise
(album pour adultes)
Grégory, bel homme trentenaire, est kiné dans la vie. Alors qu’il marche dans la rue, il est abordé par deux femmes la brune Lisa et la blonde Sophie. Cette dernière lui propose de venir la rejoindre dans son atelier en fin d’après-midi pour lui servir de modèle parce qu’elle est peintre.
L’homme curieux ne se fait pas prier et la séance débute. Alors qu’elle peint, Sophie a des idées coquines en tête et décide de ligoter gentiment l’homme à une échelle, lui expliquant que cela lui permettra de mettre en valeur ses muscles pour son prochain dessin.
Mais la suite va rapidement dégénérer en jeux sexuels sado-maso, la blonde sera rejointe par la brune Lisa. Les deux femmes veulent se venger de Grégory qui avait eu une relation forcée avec la belle brune…
Ce petit album souple ravira les lecteurs d’albums extrêmes pour adultes, entre soumission et domination. L’histoire de vengeance est au cœur de l’intrigue, somme toute sommaire, mais ce n’est pour cela que l’on achète ce style d’album. Le trait en noir et blanc de l’auteur de Itinéraire d’un soumis est toujours aussi précis et assez élégant.
- Surprise surprise
- Auteur : Axterdam
- Editeur: Dynamite
- Prix: 7€
- Sortie: 21 février 2014