La main est douce, rude, belle, osseuse, calleuse, grande, menue, épaisse, droite, gauche, tendue, armée, jointe, tremblante, gantée, nue, moite, experte, molle, pleine, vide, chaude, glacée, sèche, menottée, baladeuse… Tant de qualificatifs pour si peu de chair. Plus de 7 200 000 000 paires de mains différentes. Oui, plus de quatorze milliards quatre cents millions mains distinctes. Mais une similarité : elles sont toutes recouvertes de bibittes microscopiques, de bactéries, champignons, virus. Toutes, sans exception !
La main vous infecte. Principal vecteur des maladies infectieuses, la main saine assure un corps sain. Négligez-la et elle se vengera. Vous serez malade. Pas que la main soit malveillante. Précieuse à notre quotidien, elle rend tant de services. C’est justement là le problème. Nous l’utilisons à toutes les sauces. La main touche à tout. Consciemment, nous ouvrons les portes, attrapons les dossiers, donnons la main, tâtons un fruit au marché. À quoi notre main avait-elle touché avant ? Euuuhhh… Pour un geste lucide, des milliers se posent dans l’inconscience totale. La fesse vous pique, vous vous grattez à travers le pantalon qui, quelques minutes avant, reposait sur une chaise où d’autres fesses s’étaient détendues en succession, des fesses qui avaient visité la salle de toilettes une heure avant. Avant d’y sortir vous-même, fier de vous, vous vous lavez les mains. Un malotru omet de le faire, passe derrière vous, attrape la poignée de la porte, sort. Vos mains fraîchement assainies hésitent à prendre l’objet souillé. Vous êtes séquestré dans ce lieu malsain ! Vous avez séché vos mains sous le souffleur. À votre grand désespoir, à cet endroit, pour vous protéger, il n’y a pas de papier. Mais diantre ! Vous avez des vêtements ! Vous sortez votre chandail de votre pantalon, couvrez votre main, attrapez la poignée, tirez, sortez. Vous êtes sauvé ! Vraiment ? Pas tout à fait. Car le soir, l’incident oublié, vous vous déshabillez. Vous attrapez le bout de chandail contaminé, le lancez sur la pile de vêtements à laver. L’esprit en paix, vous vous couchez, sans réaliser qu’en touchant votre chandail, vous avez cueilli quelques virus et bactéries au passage, que votre main aura, après avoir contaminé votre pyjama, transmis à votre contenant de lait en préparant votre bol de céréales, à votre comptoir, aux cuillères que votre main aura touchées en tentant d’attraper la bonne, ustensiles que plus tard toute la tribu aura tâtés. Une semaine passe, la maisonnée se mouche, tousse, frissonne. Tout ça pour des mains frivoles.
La solution ? Vivre dans une bulle ? Circuler les mains gantées et un filtre au visage ? Bien sûr que non ! Certains ont testé cette solution. La folie les a tués.
La vraie solution est si simple. SE LAVER LES MAINS !!! SOUVENT !!! TRÈS SOUVENT. Au cas qu’elles aient manipulé du souillé.
Bon, vous me direz qu’on ne traîne pas son lavabo dans ses poches. C’est vrai. Alors ?
Nous vivons au vingt et unième siècle. Dieu merci, le gel désinfectant existe, les plus efficaces étant ceux qui contiennent de 60 à 80 % d’alcool. Pas d’alcool, pas d’effet sur les virus et les bactéries. Et c’est rapide. Alors qu’un lavage efficace des mains requiert un frottage de 40 à 60 secondes, 15 à 30 secondes à se frictionner avec un gel suffisent. La solution hydroalcoolique ne nettoie pas cependant. Vous avez les mains souillées de terre ou de nourriture ? Le produit n’agira pas. C’est de l’eau et du savon qu’il vous faut.
Vous avez la peau sèche, ça vous inquiète ? Sachez que la plupart des solutions aujourd’hui disponibles contiennent de la glycérine. Elle protège les mains contre les fissures et les gerçures. Vos mains resteront toutes douces.
Bon, c’est vrai, le gel n’est pas parfait. Il ne vous protège pas contre les postillons ou les éternuements. Vous riez ? On sous-estime le pouvoir du nez. Les virus squattant l’air que vous respirez menaceront toujours votre santé. En outre, avis aux parents : vous vous lavez plus promptement les mains après avoir changé la couche de votre progéniture qu’après l’avoir mouché. C’est prouvé ! Toute la flore microbienne de la garderie vous guette !
Alors, lavez-vous les mains, ou usez de gel hydroalcoolique. Avec une hygiène irréprochable, vous serez en santé et vos mains vous serviront sans relâche sans se voir accusées de tous les maux.
Source : http://www.lapresse.ca/vivre/sante/201401/08/01-4726786-guerre-aux-virus-mythes-et-verites-sur-le-gel-desinfectant.php
© Jean-Marc Ouellet 2014
Notice biographique
Jean-Marc Ouellet grandit dans le Bas-du-Fleuve. Médecin-anesthésiologiste depuis 25 ans, il pratique à Québec. Féru de sciences et de littérature, de janvier 2011 à décembre 2012, il a tenu une chronique bimensuelle dans le magazine littéraire électronique Le Chat Qui Louche. En avril 2011, il publie son premier roman, L’homme des jours oubliés, aux Éditions de la Grenouillère, puis un article, Les guerriers, dans le numéro 134 de la revue Moebius. Chroniques d’un seigneur silencieux, son second roman, paraît en décembre 2012 aux Éditions du Chat Qui Louche. En août 2013, il reprend sa chronique bimensuelle au magazine Le Chat Qui Louche.