Les Promeneurs

Publié le 04 avril 2014 par Adtraviata

Présentation de l’éditeur :

Après le décès de sa compagne, Christophe, n’ayant pour tout bagage que ses souvenirs, emménage dans une cité. Résolu à n’avoir aucun contact avec les autres habitants, il y mène au jour le jour une existence dépourvue d’avenir. Les mois passent, âpres et mornes, jusqu’au moment où une brèche vient s’ouvrir dans cette vie dévastée. 

Qu’est-ce qui redonne le goût du bonheur quand on a tout perdu ? Qu’est-ce qui rend l’espoir, le désir de vivre ? 

Roman d’ombre et de lumière, Les Promeneurs brosse le portrait de personnages blessés mais non brisés, d’êtres égarés dans un monde gagné par la violence mais où subsiste, comme une forme de résistance, l’aventure humaine qui naît des rencontres.

Avec son troisième roman, Marc Pirlet, qui a été finaliste du Prix Rossel en 2006 et a obtenu en 2007 le prix de la Première œuvre de la Communauté française pour Le Photographe, continue à construire une œuvre singulière dans le paysage de la littérature francophone de Belgique. Dans un style pudique et dépouillé, il parvient à donner une voix à ceux qui tentent de survivre dans les marges de notre société.

Au début, c’est le dénuement : un homme seul, qui peine encore à faire le deuil de sa compagne Michèle, qui vit dans une cité, anonyme parmi les anonymes de ces tours élevées, dont l’appartement ne contient aucun meuble ou presque : il a vraiment tout lâché, tout quitté quand Michèle est morte. Il s’est blindé contre les autres, entretient le minimum de contact avec ses semblables, croyant se protéger encore mieux du malheur et des blessures. Il a quand même noué contact, malgré lui, avec une femme seule de la cité des Marais, Nassima, qui vit avec son grand ado de fils, Pascal. Et voilà que Nassima est morte à son tour, de mort violente. Alors il s’est renfermé un peu plus dans sa coquille, encore plus convaincu qu’il ne faut plus s’attacher à personne. Jusqu’au jour où Pascal vient sonner à sa porte…

Au début, c’est un homme qui vit tellement dans la solitude et le retrait qu’il m’a fait penser à L’Etranger de Camus : et voilà que deux pages plus loi, un court passage de ce roman est explicitement cité ! Marc Pirlet cite aussi Rosetta, le personnage et le film éponyme des frères Dardenne : autant de "modèles" de dénuement, de solitude, de vide affectif, d’indifférence à soi comme le précise bien le narrateur, dont nous ne connaîtrons le prénom qu’au moment où Pascal entrera dans sa vie et le fera sortir de cet isolement si lourd. On sent chez l’auteur le sens de l’observation et de l’exploration intime, l’authenticité de la description de cette vie d’un homme perdu dans la ville et dans sa propre existence.

Et puis, de conversations en silences partagés, de promenade en promenade, Christophe va, grâce au jeune homme, oser de nouveaux projets, être un peu à l’écoute de lui-même et des autres, prendre conscience de la "double peine" qu’il s’est infligée. Oser être vulnérable, se laisser toucher par un visage, une silhouette, risquer l’inquiétude pour l’être aimé, essayer de ne rien attendre en retour… même quand la vie continue à vous frapper.

Et c’est ainsi qu’au fil des pages, Marc Pirlet passe avec Christophe du dénuement voulu mais subi, au dépouillement choisi, librement accepté. Et quel dépouillement ! Quel cheminement pour cet homme, quel sens dérisoire de l’épure… L’écriture sobre, sans pathos laisse pourtant la place à l’émotion et on ne sort pas de cette lecture tout à fait indemne… Je me suis interrogée sur mon propre rapport à la solitude et cette finale apaisée certes mais qui laisse une telle place au manque ne donne vraiment pas envie de chanter à tue-tête. Mais le roman a fait son chemin en moi aussi et rester sur cette impression aurait été bien peu respectueux pour le travail et le message de l’auteur !

"Pour l’instant je suis bien. Le silence s’est fait en moi. Il faut que j’en profite. Je me souviens d’une phrase que j’ai lue, il y a bien longtemps, dans L’Etranger d’Albert Camus, et que je me suis répété tant de fois : "J’ai souvent pensé que si l’on m’avait fait vivre dans un tronc d’arbre sec, sans autre occupation que de regarder la fleur du ciel au-dessus de ma tête, je m’y serais peu à peu habitué." Et si j’y étais enfin arrivé ?… J’aimerais rester ici, couché dans le soleil, et que, l’un après l’autre, viennent s’allonger près de moi Michèle, mon vieux papa, ma soeur, ma mère, Nassima aussi, et qu’on se parle comme nous n’avions jamais su le faire, et que tout soit réparé entre nous, que tout soit clair et serein, comme cette fleur du ciel au-dessus de ma tête."  (p. 35)

"Je n’ai pas insisté. Je n’insiste jamais. C’est un reproche que me faisait fréquemment Michèle et qu’elle mettait sur le compte de mon indifférence. Mais, dans son esprit, cela voulait dire : indifférence aux autres. Alors qu’en réalité, c’est de l’indifférence aux autres." (p. 71)

Marc PIRLET, Les Promeneurs, Editions Murmure des soirs, 2012

J’ai découvert ce livre et cette maison d’édition grâce à Mina (merci pour le prêt !), et nous vous proposons toutes les deux aujourd’hui de connaître un peu mieux Murmure des soirs et l’auteur Marc Pirlet. Elle vous présente un autre titre : Une Vie pour rien.

Le site de l’éditeur


Classé dans:De la Belgitude Tagged: Le Mois belge, Les Promeneurs, Marc Pirlet, Murmure des soirs