[Critique] LES NOCES FUNÈBRES
- 4 avr 2014
- Audrey Cartier
- STAR VIDEO CLUB
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Titre original : Corpse Bride
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateurs : Mike Johnson, Tim Burton
Distribution en voix : en V.O : Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Emily Watson, Tracey Ullman, Paul Whitehouse, Joanna Lumley, Albert Finney, Richard E. Grant… / En V.F : Bruno Choël, Laurence Bréheret, Céline Mauge, Brigitte Virtudes, Lily Baron, Patrice Dozier, Michel Fortin, Bruno Magne…
Genre : Animation/Fantastique/Romance/Comédie musicale
Date de sortie : 19 octobre 2005
Le Pitch :
Dans la société du XIXème siècle, au cœur d’un petit village, Victor Van Dort et Victoria Everglot sont destinés à se marier sous l’autorité de leurs parents respectifs, pour des raisons financières et familiales. La première fois qu’ils se rencontrent, ils tombent directement amoureux l’un de l’autre. Mais Emily, une mystérieuse défunte, va venir s’immiscer entre les deux jeunes gens, en entraînant Victor dans le monde fantasmagorique de l’au-delà…
La Critique :
L’une des grandes qualités des Noces Funèbres est le traitement singulier de son sujet principal, à savoir la mort et l’au-delà. En effet, le thème est ici abordé de manière joyeuse, voire presque enthousiaste. Le monde des vivants apparaît sombre, triste et austère, alors que le monde des morts qui baigne dans un tas de couleurs, apparaît très joyeux et plutôt amusant. Cette histoire s’amuse à inverser les codes de manière déroutante et le monde d’en bas est beaucoup plus festif.
Il se dégage de l’ensemble une gaieté communicative très présente de bout en bout, qui est à mettre principalement en parallèle avec la bande-son fantastique signée Danny Elfman. Ce dernier est d’ailleurs un ami de Tim Burton, et a souvent signé les bandes-originales de ses films. L’ensemble de l’œuvre se voit aussi gratifié d’un humour tantôt noir et fin, tantôt absurde, en osmose totale avec l’ambiance voulue. Cependant ce n’est jamais sinistre ou glauque bien au contraire ! En effet on sourit, on rit, et l’on est agréablement entraîné grâce à une mise en scène fluide. Malgré la solennité du thème abordé, le tout est léger et ça fait du bien ! Cet humour très présent permet une réflexion de fond, tout en douceur.
La version française est tout à fait correcte mais n’égale jamais l’originale. Il est important de stipuler que le film perd grandement de son identité et de son cachet s’il n’est pas visionné dans sa version originale. Et ceci concerne principalement les passages musicaux, qui valent vraiment le détour ! Non seulement des sonorités envoûtantes et oniriques viennent parfaitement se marier à cet univers sombre, mais de manière contradictoire ça swinge aussi sacrément lors de certaines séquences absolument grandioses ! Toujours côté musique, Helena Bonham Carter dans le rôle d’Emily interprète un solo tout à fait sublime. Cette riche palette d’influences musicales variées constitue l’une des grandes forces du film.
Long-métrage original et audacieux, Les Noces Funèbres a été réalisé en stop motion, et autant dire que cela a représenté un travail immense. Les dessins et maquettes du réalisateur prodige ont donné naissance à de véritables marionnettes, actionnées et photographiées dans des décors beaucoup plus vastes qu’à l’accoutumée pour le domaine du film d’animation. Et le travail a payé puisque le résultat est majestueux.
Doté de qualités artistiques indéniables, le film est également critique envers les mœurs de la société du XIXe siècle (des pays de l’Est ou du Nord, le lieu géographique exact où se déroule l’histoire n’est pas mentionné). Cette diatribe est incarnée par le biais de personnages durs et austères que sont les parents de Victor et Victoria, et plus particulièrement ceux de Victoria effrayants au possible. Les personnages baignent dans une société patriarcale où la femme est placée au rang d’objet (à noter que le sort de Victor ne vaut guère mieux). Plus largement, on soulignera également une égratignure faite à la société de classe et sa hiérarchie arbitraire. Les deux personnages principaux quant à eux, représentent cette jeunesse brisée de l’époque, dépourvue de droits ou de choix.
Mais ce qu’il y a de plus intéressant finalement dans le film, c’est la tendresse qui en émane. L’union entre les êtres et la thématique de l’amour universel sont traités avec finesse et clairvoyance. Le film est une ode à la vie qui se déroule principalement dans le monde des morts, et ça c’est brillant ! En découle une réflexion profonde sur notre rapport à la mort, à la perte et à l’existence. Un message fort d’universalité est véhiculé, non sans une certaine moralité palpable. Les Noces Funèbres est un film qui se veut fédérateur et c’est d’ailleurs souvent l’ambition des œuvres de Tim Burton, mais toujours avec un côté enfantin. On observe aussi souvent cette dualité entre légèreté et profondeur, une dualité qui se retrouve aussi dans l’aspect clair-obscur des long métrage du réalisateur en général.
Les Noces Funèbres est un petit bijou unique en son genre, également bourré de clins d’œil, mais il est aussi un film paradoxal qui mélange joie et tristesse avec juste mesure. C’est un long-métrage hautement poétique, teinté par moments de sublimes envolées lyriques. La scène finale (créée quant à elle par synthèse) en est le parfait exemple. Représentant la liberté retrouvée, cette dernière atteint des sommets de beauté.
Les Noces Funèbres est clairement magnifique, c’est le mot ! Et c’est avant tout un film authentique porteur de valeurs louables, qui fascine le spectateur par sa beauté, et le saisit par son propos.
@ Audrey Cartier