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Paris, capitale de l'ours polaire et de l'Arctique?

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Plus que par la chasse, l’animal est menacé par le réchauffement climatique et la pollution régionale, estime Farid Benhammou. Et son sort est indissociable de celui de la banquise arctique.

par Farid Benhammou
Quel avenir ours polaire
Quel avenir pour l’ours polaire ? Ainsi s’intitulait le 2e colloque international sur la question qui se tenait à la Cité des sciences de La Villette, à Paris, les 28 et 29 mars, à l’initiative de l’association Pôles actions et de Rémy Marion, photographe et spécialiste de l’espèce  [1]. À l’heure de la mondialisation, des experts principalement venus de Norvège, du Canada et du Danemark ont croisé leurs connaissances et replacé la situation de l’ours blanc dans les contextes plus larges du changement climatique, des écosystèmes marins, de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), des polluants, de la géopolitique des ressources… et tout cela en français !
L’écologie de l’ours polaire étant indissociable de la banquise pour la chasse au phoque, deux communications, dont une de la brillante chercheuse Valérie Masson-Delmotte, membre du Giec, sont revenues précisément sur les effets régionalisés du réchauffement climatique. Un degré de croissance moyenne de la température sur la planète correspond en réalité à 2 °C dans la zone arctique, et ce sont surtout les masses océaniques qui accumulent cette chaleur. Des impacts déjà visibles en 2007 et en 2012, années records du recul de la banquise estivale. Celle-ci pourrait disparaître à l’horizon 2100, voire 2050.

Tout en apportant ces éléments, déjà disponibles dans le rapport du Giec, le colloque est revenu sur des affirmations simplistes ou des idées à nuancer. Ainsi, l’océan Arctique n’est pas près de devenir une autoroute maritime. Même si des convois ont été médiatisés, la faiblesse des infrastructures, la réticence des assureurs et surtout la dangerosité de la navigation sont de sérieux obstacles. De plus, le réchauffement climatique augmente les épisodes violents de tempête en Arctique.

En revanche, la prospection des hydrocarbures a bel et bien commencé, mais les firmes pétrolières, ayant conscience de marcher sur des œufs, semblent précautionneuses. Une marée noire serait une catastrophe durable vu la fragilité des écosystèmes, les températures froides qui ralentissent la dilution naturelle et surtout les difficultés à intervenir dans une zone si rude. Par ailleurs, si le statut de conservation de l’espèce est vulnérable, le constat n’est pas unanime sur les dix-neuf sous-populations existantes. Ainsi, les populations progressent en mer de Baffin alors qu’elles régressent en baie d’Hudson.

Toutefois, plus que le nombre d’individus, c’est surtout leur état de santé qui compte. Or, dans les secteurs problématiques, la masse graisseuse des ours tend à diminuer, pénalisant la gestation des femelles. La concentration des polluants dans les tissus peut entraîner une baisse des défenses immunitaires et des perturbations hormonales.

Quant au fameux « pizzly  [2] », qui se voit accuser d’être le signe avant-coureur de la disparition de l’ours blanc, il a toujours existé. Les ours blancs ne sont séparés des ours bruns que depuis 600 000 ans ! Et ce « métissage » peut se révéler au contraire un réservoir de biodiversité pouvant permettre une adaptation de l’espèce.
Enfin, la question de la chasse ne doit pas cacher les vrais enjeux de la conservation. La dernière réunion de la Cites a vu certaines associations écologistes demander le classement de l’ours blanc à l’annexe 1, interdisant toute chasse, en remplacement de sa place actuelle en annexe 2, permettant une chasse contrôlée. Le Canada, où la chasse traditionnelle et sportive fait vivre des communautés inuits, s’est vigoureusement opposé à ce nouveau classement alors que la Russie et les États-Unis ont souhaité le passage en annexe 1.

Il ne faudrait pas que les écologistes se trompent de combat et se laissent instrumentaliser dans les manœuvres en cours en Arctique entre les pays riverains. La chasse n’est pas une menace à l’heure actuelle pour l’ours polaire, contrairement au réchauffement climatique, dont les principaux responsables sont les États-Unis, et à la pollution régionale, notamment causée par la Russie.
Farid Benhammou
Docteur d'Agro Paris Tech
Chercheur associé, Laboratoire RURALITéS - Université de Poitiers

Article paru dans Politis n° 1297 du 3 avril 2014

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