DENIS (d'après Maupassant)
Un matin, M. Rambaud lisait la lettre
Que venait de lui remettre
Son valet, Denis.
Il était écrit :
Je recule devant le procès
Dont vous m’avez menacé.
Je vous adresse 50 000 francs
Pour tout dédommagement.
M. Rambaud n’avait pas saisi
Pourquoi Denis s’était mis
Dans la journée à chantonner gaiement
Tout en balayant, lavant et astiquant.
Vers minuit, muni d’un grand couteau,
Denis avait voulu égorger M. Rambaud
…Mais il ne réussit qu’à l’égratigner.
Son maître ne dormait pas
Il s’était dressé et renseigna ainsi son valet :
-« Mon pauvre Denis, ne rêve pas ;
…Je n’ai pas encore reçu l’argent ! »
Tout penaud, le serviteur se sauva
…Puis revint avec alcool et pansement.
Il soigna son maître avec dévouement.
-« Si vous ne me dénoncez pas,
Je vous servirai toujours fidèlement. »
M. Rambaud, ne voyant pas malice,
Garda Denis à son service.
Or, huit jours après,
À l’angle de la rue de Parme,
M. Rambaud vit son valet encadré
Par deux gendarmes.
Denis lui lança :
-« Ce n’est pas bien, çà !
Vous m’avez dénoncé ! »
-« Non, je n’ai jamais parlé à quiconque. »
Le brigadier eut alors un sursaut :
-« Si je comprends, cet homme a donc
Voulu vous tuer, monsieur Rambaud ? »
-« Oui, mais je n’ai pas fait de déposition.»
-« Je prends note de votre déclaration
Et la justice appréciera.
J’arrête votre serviteur
Car c’est un voleur.
Il a braconné
Sur les terres des Murat. »
Sur ce, Denis fût emmené.
L’avocat plaida la folie mentale
Nécessitant des soins à l’hôpital.
M. Rambaud fut interrogé
Par le Président :
-« Pourquoi avez-vous protégé
Ce dément ? »
-« Voyez-vous,… il est si difficile
Aujourd’hui de trouver un bon domestique…»
Denis fut placé dans un asile
Et soigné pour troubles psychiques.