Dix jours après que le référendum non constitutionnel pour l’indépendance de la Vénétie récoltait plus de deux millions de oui (soit 89,5 % des votants, un résultat que les commentateurs qualifieraient de soviétique), la police italienne a arrêté aujourd’hui 24 séparatistes accusés de préparer une insurrection populaire et une action violente contre l’État central.
Ils voulaient obtenir « l’indépendance vis-à-vis de l’État italien en faisant recours à des méthodes violentes et à l’insurrection populaire »; ces 24 membres du groupe séparatiste vénitien ont été arrêtés aujourd’hui par la police italienne.
Parmi eux, les carabiniers du Ros ont passé les menottes au leader régional des Forconi (les « fourches », mouvement de protestation contre le fisc et l’Euro) et l’ex parlementaire Franco Rocchetta, un des principaux fondateurs de la Liga Veneta, qui a, par la suite, généré la Ligue du Nord. « Le groupe est susceptible de remonter à différentes sigles de l’idéologie sécessionniste et qui avait planifié diverses initiatives, même violentes, dans le but de solliciter l’indépendance de la Vénétie et d’autres parties du territoire national de l’État italien » selon les acteurs de l’arrestation. De nombreux attentats auraient été prévus, notamment aux directions d’Equitalia (société italienne chargée de percevoir les impôts et les taxes en Italie).
Les arrestations et les perquisitions ont été menées dans les provinces de Padoue, Trévise, Rovigo, Vicence et Vérone. 151 personnes sont concernées par cette enquête. Les 24 séparatistes arrêtés sont accusés d’association à finalité terroriste et atteinte à l’ordre démocratique, atteinte à l’article 5 de la Constitution Italienne sur la souveraineté territoriale ainsi que pour fabrication et détention d’armes de guerre.
Comme en 1997
Parmi les arrestations, figurent deux « Serenissimi » qui, dans la nuit du 8 au 9 mai 1997, s’emparèrent du clocher de St-Marc à Venise, en l’occasion du bicentenaire de la fin de la République de Vénétie. Cette nuit-là, Luigi Faccia et Flavio Contin grimpèrent au sommet du clocher et, en signe de protestation, hissèrent le drapeau avec le lion, symbole de la République de St-Marc. À cette occasion, un char artisanal avait été utilisé par les séparatistes.
Un char artisanal
Comme en 1997, un nouveau char improvisé était en gestation. La police dénonce « la construction d’un char, construit dans un hangar dénommé ‘arsenal’ à Casale de Scodosia (Padoue) et qui aurait été utilisé afin d’accomplir une action d’éclat à Venise, place St-Marc ». Le tracteur transformé en engin blindé — qui a été séquestré — fonctionne. L’engin, doté d’un canon artisanal, avait également été testé pour ses aptitudes au tir.
Une alliance de séparatistes
Selon les autorités italiennes le mouvement séparatiste n’entretient aucun lien direct avec le parti de la Ligue du Nord. Tommaso Bonanno, procureur chef de la République de Brescia décrit cette organisation lors d’une conférence de presse : « Alleanza, a été constituée dans la commune d’Erbusco, dans la province de Brescia, le 26 mai 2012, et comprent différents mouvements séparatistes qui vont de « Brescia Patria » à certains représentants de « Veneto Stato » ainsi que d’autres mouvements séparatistes présents en Italie ». Les organisateurs se rencontrent au cours de réunions privées et manœuvrent de sorte à échapper aux contrôles de la police qui toutefois enquête depuis 3 ans sur les opérations. De cette enquête émergent des contacts avec la criminalité albanaise pour l’achat d’armes de guerre ainsi que des « activités servant à la réalisation d’un projet subversif, avec l’organisation de conférences et de manifestations en place publique, sans oublier la constitution d’une sorte de directoire du nouveau gouvernement "Serenissimo", pour les négociations avec l’État italien dans le but d’une sécession de la Vénétie vis-à-vis de l’Italie ».
Une interception téléphonique de Tiziano Lanza, membre actif dans le recrutement et le financement de l’Alleanza : « Allez-vous en de l’Italie et demandez pardon pour les 147 ans de crimes contre notre population et pour tous les vols. Allez-vous en et vous vivrez, restez et vous mourrez… puisque nous instaurerons un climat de terreur, tu sais comme on va s’amuser, la mafia ici aussi ».
Pourquoi l’indépendance ?
Une grande partie de la population du nord, notamment dans ces régionss développées, où la Ligue du Nord bénéficie d’un large consensus, exprime son raz-le bol vis-à-vis de Rome. Elle accuse de « nourrir » le Sud des Apennins plus pauvre et, plus qu’une indépendance « nationaliste », réclame une indépendance financière.
Les autorités vénitiennes mentionnent que la région verse actuellement au Trésor italien, 70 milliards d’€uros, soit 20 milliards d’€uros d’impôts de plus par rapport aux investissements et services qui retournent dans leur région. Rome ne confirme pas ces données et de son côté la stratégie de Matteo Renzi est celle de la tranquillité et l’ironie face aux revendications de la Vénétie.
Alors que dans de nombreux milieux séparatistes — également parmi les rangs de la Ligue Nord — on invite à brandir le drapeau de St-Marc, force est de reconnaître que cette indépendance est plus l’expression du mécontentement par rapport à l’état de crise en Italie qu’une soudaine nostalgie de cette ancienne République.
Des membres de la Ligue du Nord ont par ailleurs appelé leurs sympathisants à manifester dimanche à Vérone par solidarité avec “les Vénitiens et Lombards injustement emprisonnés”.