Les coulisses du remaniement par Gilles Leclerc

Publié le 03 avril 2014 par Delits

 

Expert de la vie politique Française et Président de la chaîne Public Sénat, Gilles Leclerc décrypte en exclusivité pour Délits d’Opinion les coulisses du remaniement.

Délits d’Opinion : Comment caractérisez-vous ce Gouvernement ? 

Gilles Leclerc : C’est d’abord un gouvernement socialiste. Il n’y a pas de représentants du Parti communiste, pas de Verts, pas de société civile. C’est un gouvernement Hollando- Valls, qui est de tendance sociale démocrate.

Délits d’Opinion : N’y a t-il pas un risque que l’aile gauche montre des signes de désaccords ?

Gilles Leclerc : Il y a une petite part de risques, mais l’histoire démontre que plus le Gouvernement est resserré, plus il est facile de faire passer des textes. Michel Rocard, par exemple, disposait seulement d’une majorité relative, mais elle était paradoxalement moins dissipée. Car la fragilité qui pèse sur le Gouvernement est la même que celle qui pèse sur les députés. Si un député ne vote pas une loi importante, il met en péril la majorité : la seule issue est alors le dissolution. Et compte-tenu du score aux municipales, les députés de gauche vont préférer voter des textes avec lesquels ils ne sont pas toujours totalement d’accord plutôt que de voir Jean-François Copé accéder à Matignon.

Enfin, n’oublions pas que Manuel Valls est un fin politique. Il donnera des gages témoignant qu’il se gauchit un peu. Il sera probablement plus écologiste et social qu’on ne l’attendait.

Délits d’Opinion : Comment s’est imposé le choix de Manuel Valls à Matignon ?

Gilles Leclerc : C’était un choix contraint, et François Hollande n’avait en réalité pas beaucoup d’options. Mais en même temps les deux hommes s’entendent bien. Le Président a souvent dit qu’il devait une partie de sa victoire à Manuel Valls. Ce dernier est méthodique, organisé, et dispose d’autorité. Des qualités qui pouvaient en partie faire défaut à Jean-Marc Ayrault.

En revanche, il est certain que le Président va surveiller son Premier ministre de très près. Car il n’est pas impossible que Manuel Valls et Hollande soient concurrents en 2017.

Délits d’Opinion : François Hollande espère-t-il user à Matignon un potentiel rival ?

Gilles Leclerc : Je ne pense pas que François Hollande soit cynique. Il a d’abord mené l’opération « sauve-qui-peut ». Si Manuel Valls réussit, on dira que le Président a eu raison de le placer à Matignon. Et si le Premier ministre rate, ils seront tous les deux perdants.

Il existe un autre cas de figure : Manuel Valls réussit et Hollande reste englué dans l’impopularité. Mais il est trop tôt pour le savoir et l’expérience montre que Matignon a le plus souvent brulé les ambitions de ses hôtes. D’ailleurs c’est probablement en sautant malgré lui la case Matignon, que Sarkozy a pu être élu Président en 2007.

Délits d’Opinion : la constitution du nouveau Gouvernement a t-elle été facile ?

Gilles Leclerc : Il y a clairement eu un rapport de force politique entre François Hollande et Manuel Valls qui n’existait pas sous l’ère Ayrault.

Le cas de François Rebsamen est emblématique. François Hollande souhaitait le mettre à l’intérieur. Manuel Valls qui n’entretient pas de très bonnes relations avec lui, n’en a pas voulu et a proposé Jean-Jacques Urvoas, un de ses proches. Hollande a alors refusé à son tour, soucieux de placer un des siens à ce poste stratégique. In fine, les deux hommes se sont accordés sur Bernard Cazeneuve, proche des deux et réputé intègre.

Au final, François Rebsamen hérite d’un gros ministère, coiffant le Travail, l’Emploi et le dialogue social, même si ce n’est pas celui qu’il lorgnait initialement. Il avait un moment songé à la présidence du Sénat, mais les élections municipales ont en partie atténué les espoirs de la gauche de conserver le Sénat.

Délits d’Opinion : Manuel Valls est-il une menace pour le FN et l’UMP ? 

Gilles Leclerc : Manuel Valls est un combattant, il est bon politique. D’ailleurs, il faut se souvenir que Nicolas Sarkozy l’avait repéré et lui avait proposé un poste de ministre. Et ce dernier avait hésité avant de refuser.

 La droite sait qu’avec Manuel Valls, elle fait face à quelqu’un de solide. Sa tactique va probablement être de bombarder François Hollande de critiques, quitte à épargner le travail de Manuel Valls, afin de créer une dissension au plus haut sommet de l’Etat.