Trois polars qui nous emmènent loin...

Par Filou49 @blog_bazart
03 avril 2014

Comme je vous l'ai dit la semaine passée, Le festival Quai du Polar démarre demain, vendredi 4 avril avec une 10ème édition diablement exictante qui met notamment le controversé mais néanmoins très brillant James Ellroy à l'honneur.

En fait, j'avais été invité  à la cérémonie d'inauguration de demain  soir, mais comme je serais au même moment à Beaune pour faire le plein de films policiers, la moindre des choses était de profiter de l'occasion pour parler polars.

Et ca tombe bien, car que ce soit Michel ou moi, on s'est mis à fond dans l'ambiance court serré ces dernières semaines, et on a retenu de nos lectures 3 polars particulièrement réussies. Et un point commun avec ces 3 livres, de style pourtant radicalement différents : la toile de leurs intrigues, qui se déroulent soient en Mongolie, soient en Islande soient en Afrique du Sud, autrement dit, des contrées géographiquement et culturellement éloignées de la nôtre, ce qui contribue forcément au charme particulier qui s'en dégagent...

1. Yeruldelgger; Ian Manook ( ed Albin Michel)

Même si le titre et l'auteur ne l'indiquent pas forcément (c'est en fait le pseudo d'un certain Patrick Manoukian, ancien journaliste de 65 ans qui a déjà écrit sous d'autres pseudos) Yeruldelgger est un polar fançais, mais qu'on pourrait rapprocher des excellents Dernier Lapon d'Olivier Turc ou de Zulu de Caryl Férey .

En effet, dans ces 3 polars récents,  ni les personnages ni les décors ne sont franco - français et tout nous immerge au contraire dans un pays et une civilisation radicalement différente de la notre, et qu'on est ravi d'appréhender un peu mieux, d'autant plus que l'intrigue policière particulièrement solide nous fait passer les passages plus documentées comme une lettre à la poste.

L'auteur tenait visiblement, si l'on en croit ses itws, réunir dans ce roman à la fois son amour pour les polars Nordiques celui pour ce pays qu'il a visité et dont il trouve l’atmosphère minérale et qui a conservé la spiritualité d’une civilisation nomade.

Et à la lecture de ces 550 pages prenantes et envoutantes, dire que le pari est réussi est un doux euphémisme.

On y suit l'inspecteur Yeruldegger (qui donne donc son titre au livre), qui, après le décès de sa petite fille 5 années avant le début de l'intrigue , a vu sa vie personnelle se désintégrer totalement.

Et lorsque des mongols découvrent le cadavre d'une petite fille enterré dans la steppe, son cœur chavire, et il fait de son enquête une affaire personnelle. En même temps, trois chinois et deux prostituées sont retrouvés morts et mutilés. Destitué par sa hiérarchie, il devra pourtant résoudre ces deux affaires très certainement liées.

L'intrigue est classique mais parfaitement menée, laa plume est très belle (« Les rêves n'appartiennent ni à ceux qui les font ni à ceux qui les lisent. Ils sont juste un lien invisible entre les âmes et les cœurs. »), mais ce qu'on admire le plus dans ce polar, c'est  le décor particulièrement dépaysant.

Et ce décor exotique est également très instructif pour le lecteur occidental lambda. On y apprend en effet qu'en  Mongolie. , il existe encore pas mal de yourtes, de traditions et de superstitions ancestrales, chamaniques toujours dans les moeurs, et on y voit des protagonistes osciller entre leurs coutumes séculaires et une volonté de s'ancrer également dans une certaine modernité.


Bref, Yerudelger est un roman haletant, original et parfaitement dépaysant, qui vu le succès critique et public, devrait certainement être suivi par d'autres suites... Et à noter que le livre fait partie de la sélection des lecteurs Quais du Polar/20 Minutes et que l'auteur  sera en dédicace samedi et dimanche . Il fait également partie des 3 auteurs finalistes du Prix SNCF du Polar (catégorie « roman »).

2. Le Duel  ;  Arnaldur Indridason (ed Métailié Noir)

Eté 1972, Reykjavik se retrouve au centre d’un enjeu géopolitique majeur, le championnat du monde d’échec. En pleine guerre froide le challenger Américain, Bobby Fischer affronte le tenant du titre, le Russe Boris Spassky. L’URSS contre le reste du monde. Les Américains et les Russes sont prêts à tout pour assurer la victoire de leurs champions. Il y a aussi les Anglais qui  viennent pêcher la morue de plus en plus près des eaux territoriales Islandaises. Eté 1972Marion Briem commissaire à la Criminelle de Reykjavik, se fiche complètement de la guerre froide, des Russes, des Américains, des anglais et de la morue, un jeune homme de 17 ans, sans histoire, a été poignardé dans un cinéma  et l’enquête s’annonce difficile dans l’ambiance survoltée qui règne en ville.

Marion Briem,tous les amateurs d’Arnaldur l’on reconnue, c’est la commissaire à la retraite qu’Erlendur va consulter parfois lorsqu’une enquête piétine. Apparue dans « L’homme du lac » elle méritait bien un polar pour elle toute seule. C’est chose faite et bien faite dans cette préquelle des aventures d’Erlendur.

Magistralement, Indridason, tricote trois histoires dans son récit,l’enquête, le championnat d’échec et ses conséquences sur la petite ile perdue dans les eaux froides,  bien sûr, mais il a aussi la bonne idée de raconter l’enfance de Marion dans l’Islande de l’entre-deux guerres.

Marion a 10 ans, elle soigne un début de tuberculose, maladie endémique à cette époque dans l’ile. Dans le sanatorium, petite fille solitaire, frêle et fragile, elle fait  l’apprentissage de la mort en voyant partir Anton, 14 ans, dévoré par la maladie, elle découvrira aussi que l’amour peut avoir les beaux cheveux roux et la peau claire de Katrin.

Indridason n’est jamais aussi bon que lorsqu’il digresse dans ses polars, lorsqu’il prend le temps de donner de l’épaisseur à ses personnages, de les rendre présents et attachants. L’histoire de son pays et de ses habitants le passionne et il sait formidablement utiliser cette toile de fond pour rendre ses polars réalistes et mélancoliques. A la dernière page, Marion accueillera une nouvel recrue dans son service, un jeune homme au visage triste : « comment vous appelez-vous »,   « Erlandur, je m’appelle Erlandur Sveinsson » répond le jeune homme.

On est fan ou on ne l’est pas mais je me permets de relever un petit anachronisme dans l’œuvre d’Indridason : «  le duel » se passe l’été 1972 et Marion fait la connaissance d’Erlandur à la fin du livre. Seulement voilà dans « L’homme du lac » page 70, Point poche, Erlandur rappelle à Marion qu’il a commencé dans son service en 1977.. Va, Arnaldur, je te pardonne. On est fan ou on ne l’est pas….

 3. 7 jours; Deon meyer ( SEUIL Policiers)

Si ce cher Arnaldur - cher à Michel comme vous aurez pu le constater- ne sera pas présent cette année sur Lyon, ce n'est pas le cas du sud africain Deon Moyer, qui sera bien, comme pratiquement tous les ans, sur les berges du Rhône pour dédicacer son dernier roman, ce "7 jours" publié il y a presque déjà une année chez Seuil policier, mais je viens juste de finir, et qui est d'ailleurs ma première experience avec l'univers de cet auteur qui connait pourtant un succès phénoménal que ce soit sur sa terre natale et au delà des frontières.

Je parlais de "Zulu" dans ma critique précédente, et ici, on y pense aussi forcément beaucoup pendant la lecture, tant dans 7 jours, comme j'imagine dans tous les romans de Meyer, l'intrigue policière est aussi une excellente façon de nous parler de la société sud africaine, cette Afrique du Sud qui tente, tant bien que mal à retrouver un équilibre précaire et essayer d'effacer, en vain, les cicatrices liées à l'appartheid tant les frontières économiques, sociales et bien évidemment raciales sont encore totalement palpables et gangrènent encore toute la société.

Si l'intrigue reste là encore assez classique et surtout nous perd, à mi parcours dans des méandres économiques par trop complexes (sur des transactions d'une BBE mélangeant mafieux russes et segrégations raciales), j'ai particulièrement aimé le héros de l'histoire.

En effet, alors que je me lasse assez souvent des personnages de flic dans les romans policiers, Meyer arrive à donner une vraie densisté à son Benny Griessel ( visiblement déjà présenté dans deux autres polars de Deon Meyer,  Le Pic du diable et 13 Heures). Même si il a eu des problèmes avec la boisson comme environ 90>% des policiers des polars contemporains, ce Benny Griessel, dont le vœu de sobriété touche beaucoup notamment par sa tendance à se dénigrer constamment et à ne pas se voir du tout comme un super héros). Et sa relation avec ses proches, et notamment avec cette chanteuse qui a également le vice de la boisson est très interessante.

Bref, 7 jours qui nous semblent bien courts et qui confirme que Deon Meyer est bien un maitre de la littérature policière sud africaine...