Pierre contre ciseaux d’Inés Garland 5/5 (20-03-2014)
Pierre contre ciseaux (228 pages) ets sorti le 5 mars 2014 dans la collection Médium de L’Ecole des Loisirs.
L’histoire (éditeur) :
Alma habite à Buenos Aires. Chaque week-end, elle retrouve Carmen et Marito dans une île du delta. Avec eux, elle découvre la liberté, l’amour et la vie dure.
Mais le coup d’État du 24 mars 1976 et l’instauration d’un régime de terreur les éloignent. Le temps de l’innocence où on pouvait tout résoudre en jouant à pierre, feuille, ciseaux est révolu. Marito l’aide à ouvrir les yeux. Révoltée et amoureuse, Alma se dégage de la gangue familiale, de son égoïsme de nantis, découvre la lutte sociale, mais aussi le visage hideux de la violence politique. Et la tragédie s’invite dans leur vie.
Une magnifique histoire d’amours impossibles et de rêves qui se perdent dans les eaux troubles du fleuve et dans les heures noires de l’histoire de la dictature argentine.
Mon avis :
Pierre contre ciseaux est un texte jeunesse (destiné au 12-16 ans) admirable par sa très grande maturité. Avec sensibilité et justesse, l’auteure décrit le passage à l’âge adulte d’Alma, entre amitiés et amours impossibles dans un contexte social et politique ébranlé, celui de l’argentine des années 70.
Alma (jeune fille de la classe moyenne de Buenos Aires) nous raconte sa rencontre avec Carmen et Marito, qui viennent vivre sur l’île du Delta chez leur grand-mère Dona Angela et leurs quatre oncles (leur mère les abandonnant pour un marin et leur père travaillant sur un chantier naval n’ayant pas le temps de s’en occuper). Devenus amis, elle les retrouve tous les week-ends en retournant dans la petite ville insulaire du Rigel ou ses parents ont une petite maison. On suit ainsi leurs aventures (tantôt dangereuses, tantôt épiques, et découvrons leur progression de l’enfance vers l’âge adulte. Pendant l’adolescence, les différences sociales se font plus marquantes, leur amitié s’étiole et Alma garde alors secrètement pour elle l’amour qui la submerge pour Marito. Quand en 76 la dictature éclate, leur chemin se sépare. Alma, confinée dans un milieu protégé, ne prend pas conscience des réalités, tandis ses amis ne donnent plus de nouvelles jusqu’à ce que leurs routes se recroisent, bouleversant ainsi sa vie à tout jamais.
« Moi j’étais seule. Je ne montrais toujours qu’une facette parce que j’étais constituée de fragments épars qui ne s’assemblaient pas. Partout j’avais l’impression d’être là sans y être tout à fait. Il n’y avait qu’un endroit où je me sentais entière, c’était sur l’île. » Page 159
J’ai adoré ce texte, aussi passionnant que touchant. L’auteure développe joliment l’intrigue du roman d’apprentissage et laisse la politique (et sa dictature) prendre place de façon vague et esquissée mais dont l’impact reste forcément très marqué, et marquant (aussi bien pour l’héroïne que pour le lecteur).
Les thèmes de l’amitié, de la sexualité, de la solitude, et de l’amour complètent un tableau social divisé en deux mondes distincts (celui de la semaine, et celui des week-ends d’Alma). Inés Garland, avec une écriture fluide, aborde de façon poétique et cruelle (sans être moralisateur) l’éveil de l’adolescence, de la simplicité, de la complicité et l’innocence vers la complexité des sentiments qui arrivent à l’âge adulte, le tout dans un cadre historique tragique et poignant.
En deux mots : une magnifique découverte, un coup de cœur pour un texte touchant et très bien écrit, que je conseille fortement à tous dès 12, 13 ans.