Noé : Avec pour appui le texte ne tenant qu'en quelques pages dans le livre de la Genèse, Darren Aronofsky met en scène le récit de Noé dans un univers évitant autant que possible l'imagerie traditionnelle liée à l'épisode de l'Arche et de ses occupants, en l'agrémentant d'un background puisé dans d'autres ouvrages de théologie. Le résultat déçoit autant qu'il attire, entre représentations clichés et exploit inédit.
Comme pour se justifier d'un choix qu'il est difficile de lui attribuer, Darren Aronofsky, peu enclin à réaliser un blockbuster lambda, se plaît à expliquer partout que l'idée de narrer le récit de Noé remonte à son adolescence, lorsqu'il avait rédigé un poème sur ce dernier pour l'école. L'envie d'en faire un film n'est pas nouvelle, mais il lui a fallu attendre l'arrivée des nouvelles technologies en matière d'images numériques pour concrétiser ce projet, probablement le plus grand défi de sa carrière. Le résultat se traduit par une volonté de rester dans l'intimité du personnage, au plus près de sa famille et de ses aspirations, tout en essayant de l'ancrer dans un univers ambitieux peu représenté à l'écran.
Le texte de la Genèse ayant servi de base ne tenant qu'en quelques pages, Darren Aronofsky et son coscénariste et producteur exécutif, Ari Handel, se sont beaucoup documentés à partir d'ouvrages de théologie ou d'autres sources universitaires. Les ajouts se veulent respectueux de cet épisode connu de tous, tout en s'évertuant à constamment surprendre les spectateurs. La volonté de créer un antagoniste à Noé avec Tubal-Caïn, personnification de la corruption humaine, se justifie ainsi pleinement pour mieux comprendre l'essence même de ce mythe et de la rédemption possible après le déluge. Le réalisateur semble plus à l'aise dans la retranscription des interactions entre les différents protagonistes, plutôt que dans la représentation esthétique du récit en lui-même. Les passages obligés sont souvent à la limite d'être kitsch (l'appel des animaux, la colombe, l'arc-en-ciel), certains sont intégrés artificiellement (les Nephilim, au design et à la fonction sous exploités, l'Arche) et d'autres réduits au strict nécessaire (l'arrivée des différentes espèces ou le Déluge en lui-même). Il faut avouer que les effets numériques ne sont pas spécialement des plus réussis, avec l'impression que le metteur en scène évacue le plus rapidement possible les scènes les plus spectaculaires (quelques plans larges pour illustrer la montée de l'eau par exemple).
Car ce qui fait l'intérêt du film est bien évidemment le portrait de cet homme, d'une grande droiture morale et guidé par un mélange de compassion et de justice, et dans son rapport aux autres. Si Darren Aronofsky ne convainc pas toujours lorsqu'il s'agit de mettre en scène des symboles ou des images relevant de l'inconscient collectif, il parvient à captiver ses spectateurs grâce à une caractérisation intelligente des protagonistes. Une réussite que l'on
doit également aux superbes performances de Russell Crowe, Jennifer Connelly, Emma Watson et Logan Lerman, entre autres, qui apportent la touche d'humanité indispensable à des rôles potentiellement risqués car complexes à représenter dans un long-métrage. De ce fait, le film fonctionne malgré tout, et entre deux séquences décevantes, on se surprend à apprécier un spectacle maladroit mais surtout intelligent et ambitieux, en décalage avec les productions du même genre.
Titre original
Noah
Mise en scène
Darren Aronofsky
Date de sortie
9 avril 2014 avec Paramount
Scénario
Darren Aronofsky & Ari Handel
Distribution
Russell Crowe, Jennifer Connelly, Emma Watson & Anthony Hopkins
Photographie
Matthew Libatique
Musique
Clint Mansell
Support & durée
35 mm en 1.85 :1 / 138 min
Synopsis : Russell Crowe est Noé, un homme promis à un destin exceptionnel alors qu’un déluge apocalyptique va détruire le monde. La fin du monde… n’est que le commencement
Avant-première Noé à Paris
Avant-première Noé à Paris