La parole raciste s’est banalisée l’an dernier, notamment à l’égard des musulmans et des Roms, analyse un rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie publié mardi. "Sur le long terme, le racisme en France diminue, le temps des ratonnades est révolu, mais le racisme qui se développe aujourd’hui est plus sournois et n’est plus réservé aux franges extrêmes. Il pénètre toutes les couches de la société", a commenté à l’AFP Christine Lazerges, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH).
"Les boucs émissaires aujourd’hui sont d’abord les Roms qui ont été stigmatisés, y compris par le gouvernement, et ensuite les musulmans arabes", a-t-elle précisé lors d’une conférence de presse.
Preuve de ce "climat préoccupant", davantage de Français assument être racistes, selon un sondage de l’institut BVA pour la CNCDH auprès d’un échantillon représentatif de 1.026 adultes: 9% se disent "plutôt racistes" (+2 points par rapport à 2012) et 26% "un peu racistes" (+4 points).
Ils sont aussi plus nombreux à considérer que l’intégration des immigrés fonctionne mal (63%, +7 points par rapport à 2012). L’islam est la religion la moins positivement connotée et 80% des sondés estiment que le port du voile pose problème pour vivre en société.
Les Roms migrants pâtissent d’une image extrêmement négative: 85% des sondés pensent qu’ils exploitent très souvent les enfants (+10 points par rapport à 2012) et 78% qu’ils vivent essentiellement de vols et de trafics (+7 points).
L’indice de tolérance, calculé à partir d’une série de questions posées aux sondés, recule pour la quatrième année consécutive.
Ces résultats révèlent un "refus croissant de l’autre différent" mais dévoilent aussi une "défiance vis-à-vis d’un antiracisme perçu comme censeur". La présidente de la CNCDH note d’ailleurs que "les associations antiracistes ont beaucoup plus de peine à susciter du soutien".
- ‘Plus le niveau culturel est élevé, moins on est raciste’ -
Les Français condamnent en revanche sans équivoque l’antisémitisme et "l’indice d’acceptation" des juifs "reste de très loin supérieur à celui de tous les autres groupes", selon une étude qualitative de l’institut CSA, qui a mené 30 entretiens semi directifs en face à face du 9 au 17 décembre 2013.
85% des sondés estiment que les juifs sont des Français comme les autres (contre 65% pour les musulmans). Les clichés, comme la thèse d’un rapport particulier des juifs à l’argent, restent cependant très persistants et partagés, relève l’étude.
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, actes et menaces antisémites ont baissé de 31 points entre 2012 et 2013 et les actes antimusulmans ont progressé de 11 points. Mais ces chiffres ne dévoilent que l’"écume" des phénomènes, souligne la présidente de la CNCDH.
Parmi ses recommandations, l’institution mise sur l’éducation et la formation, car "les sondages montrent que plus le niveau culturel est élevé, moins on est raciste", remarque Christine Lazerges.
La CNCDH réitère son souhait de créer un observatoire du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie sur internet.
Sa présidente "regrette" que ce rapport n’ait pu être remis au Premier ministre que le 1er avril, après les élections municipales, et non le 21 mars, Journée internationale de lutte contre le racisme, comme chaque année: "C’est une occasion ratée de parler de ces questions de société."
Elle souligne aussi l’importance de montrer l’exemple au plus haut niveau: "Dans un gouvernement de gauche, on attend un discours clair, net sur ces questions et pas ambigü comme on l’a eu sur les Roms."