Ce matin, après une nuit ou j'ai du me lever pour remettre quelques vêtements chauds (les maisons ici sont comme au Maroc: sans chauffage alors même que ça caille sec et que ça ne doit tout de même pas être si exceptionnel!), car je grelottais dans mon petit lit, je retrouve dans la salle du bar mon ami allemand Reinhold (que j'ai appelle Gunther hier soir) et son acolyte hollandais.
Le temps d'un petit déjeuner assez frugal (le service, comme le pays, est ici assez rude et tout de même pas très copieux, au moins en ce qui concerne les toasts!), je détrompe Reinhold sur la situation politique francaise: non, Hollande ne s'en va pas (encore) mais il a juste remplace son gouvernement. Les televisions espagnoles en font d'ailleurs leur une et ca a l'air de bien plaire ici: un premier ministre francais d'origine espagnole, ca n'est pas tous les jours! Je suis d'ailleurs souvent surpris par la place accordée par les medias étrangers et notamment européens a la politique francaise; il me semble qu'on en fait pas autant en France, par exemple pour un remaniement ministériel en Espagne...
Preuve peut- etre que la France n'est pas vu comme le pauvre pays qu'on veut nous le decrire parfois. Le vieux monsieur espagnol qui marche en s'appuyant sur sa canne et son parapluie dans le cafe, vetu de vetements qui n'etaient pas a la mode dans les années soixante, serait peut-etre surpris d'entendre certains francais, dans certaines regions, parlaient de leurs malheurs. Mais ici, pas d'immigres pour trouver de betes arguments et des solutions simplistes, et donc pas d'extreme droite.
Sur ce, après avoir paye un prix plutot modeste (c'est l'avantage des pays en crise, peut-etre, les tarifs sont bas, même si dans ces petits hostal la nourriture n'est pas grandiose, le vin parfois apre, servi d'une bouteille plastique, et le service est aimable mais rugueux), je repars a travers la campagne.
J'ai mis mon joli pantalon de pluie tout jaune (Lafuma) et deplier mes batons (Guidetti, j'en termine la pour les marques aujourd hui) pour rythmer mes pas.
Le decor est le même qu'hier soir avant d'arriver: de larges étendues de champs de céréales, pas toutes plates. Ce n'est pas vraiment exhaltant, mais pas laid non plus. Comme la meteo annonce de grosses pluies et que je me suis mefie cette fois ci, il ne tombe finalement que quelques gouttes. Le vent est fort, mais souffle dans le bon sens.
Je me sens vaguement plus fatigue que les jours précédents. Mon allure est moins sure, j'ai encore un peu sommeil. Dans ce paysage aux larges horizons, je n'arrive pas, ce matin, a bien fixer mes pensees, qui vont dun sujet a l'autre. Mes doutes existentiels, la contemplation, des chansons sans rapport, tout s’enchevêtre. C'est relativement gai cependant et j'avance ainsi sans trop voir le temps passer.
Je rattrappe mes deux pelerins d'hier soir juste avant un passage a gue, ou il apparait évident, après avoir explore les differentes possibilités, qu'on ne passera pas a pied sec.
Je m engage le premier. Quelques pas seulement dans l'eau fraiche. Mes deux compagnons de l'instant me suivent avec prudence.
Je reprends ensuite ma marche solitaire. Une solitude qui ne me pèse pas lorsque je marche ainsi. Ce n'est pas la même que celle que je ressens lorsque je suis dans mon appartement de 18 m2 a tourner en rond. Le revers de la médaille de ma vie d'homme peut etre un peu plus libre que beaucoup. Mais donc pour l'heure je parcours la campagne qui me mene, après un deuxieme gue franchi sans encombres, a Zafra.
C'est la première ville que je croise depuis mon depart de Seville. Comme il n'est pas midi, je parcours lentement les rues du centre et admire quelques églises, aux portails mudejars, avant de dejeuner d'un bocadillos de jamon local arrose de deux verres de vin et d'un cafe. Je flâne encore un peu avant de reprendre le chemin.
Dans la ville, il est un peu moins bien indique qu'ailleurs et je rate une de ces fameuses fleches jaunes parfois mal peintes. Ca me vaut un petit tour de ville de plus. Une dame s'offusque de ce manque de balisage, mais je la rassure: c'est souvent le cas en ville.
Cela dit, la prochaine localité, que j'atteins après avoir grimpe et descendu une belle commune, a trace de belles flèches au sol. Les maisons sont encore blanches, comme en Andalousie.
Je marche (car la fatigue aidant, je ne cours plus beaucoup cet après midi) ensuite entre des champs d'olivier. Le vent, qui souffle très fort, transporte de bonnes odeurs d'olives. Certains vieux arbres ont de beaux troncs sculptes par le temps. Il ne pleut plus, les limaces, nombreuses encore ce matin et qui portent ici une sorte de bosse de dromadaire, un peu comme si elles regrettaient de ne pas etre escargots, sont rentres. Malheureusement, des grilles barbelées donnent a ce passage un air carcerale.
Heureusement, débarrasse de ces grillages, le chemin longe encore les oliviers presque jusqu a Villafranca de los Barros, ou je stoppe ma course pour aujourd hui. Les kilometres, le mauvais temps, pèsent déjà un peu dans mes jambes et mon dos, mais ca va bien.
Le bourg est calme et c'est dans un des cafes du centre que je termine cette rédaction. Demain, direction Merida ou j'espere ne pas arrive trop tard pour profiter de la ville!