Philobios s'en fut visiter une classe et rencontra un enseignant. Celui-ci lui indiqua que l'on n'apprenait rien par des cours magistraux, par ces cours où le professeur parle devant des élèves qui l'écoutent plus ou moins religieusement.
Cette pensée le fit réfléchir...Avait-il appris lui,dans sa vie, en écoutant ? Certainement. Mais aussi bien des fois, il s'était trouvé en face d'autres et il n'avait rien appris. Là où il avait beaucoup appris c'était lorsqu'il s'était mis à la place de l'autre. C'est en vivant ce que l'autre vit que j'apprends. Pourquoi cet enseignant soulignait-il ainsi les vertus de l'écoute et de la discipline livresque ?
Philobios se dit qu'il y avait ici une volonté implicite et peut-être maladroite du dit enseignant de souligner le fait qu'apprendre c'était transmettre...Que la transmission essentielle qu'il s'agissait de mettre en oeuvre était l'écoute de l'autre, de sa pensée, de ses idées....Que la transmission essentielle résidait peut-être dans l'acceptation de ses propres limites et en même temps dans la découverte par soi des capacités que chacun pouvait avoir à dépasser ses propres limites.
Mais alors en écoutant l'autre parler, est ce que je n'apprends pas ? Demanda Philobios à cet enseignant qui lui parlait ainsi...Si parfois, l'autre me montre un chemin, il me désigne un passage, il m'explique ce que je n'ai pas bien pu comprendre.
Il y a cependant certaines manières de parler. Il y a un art en ce domaine et cet art n'est pas seulement comme le pensait ce professeur qui voulait que tout vienne de l'enseigné, art de forcer l'autre à penser par moi-même. Il y a un art de parler qui oblige l'autre à un travail de réception et c'est dans ce travail de réception que s'opère précisément l'acte de transmission.
En d'autres termes, se dit Philobios, ce n'est pas le fait de faire un cours en parlant ou de faire travailler l'élève qui compte, ce qui compte est un art de transmission qui est au coeur de l'enseignement et qui fait que ni l'élève ni le maitre ne perdent leur temps...
Philobios s'en revint alors et quitta cet homme. Il ne comprenait pas non décidément pas tous ces hommes qui tuaient la vie en l'enfermant dans des visions dogmatiques et schématiques du monde, en faisant ce qu'il appelait désormais de la macrophilosophie alors que le monde avait besoin d'une philosophie microscopique, appliquée à nos modestes vies pour nous permettre de les vivre dans la vérité,le juste et le droit pour soi et pour l'autre...Vaste programme, peu reluisant mais pourtant si essentiel. Il fallait qu'il construise au quotidien, avec d'autres et tous ceux qui le jugeaient indispensable,une philosophie pour les vivants et microscopique comme eux, une philosophie qui pouvait créer des diagonales...Des liens et des conjonctions dans une époque si propice aux disjonctions et aux ruptures. Or il voulait le rappeler, il comprenait pourquoi ce monde lui paraissait figé : parce qu'il était divisé. C'était d'ailleurs dans sa mémoire le même mot qui signifiait en grec, paralysé et divisé.