Rappelons-nous l’été 1993 : le Maroc venait de connaitre les cinquièmes élections législatives de son histoire. Le renouvellement de la Chambre des députés, élue en en 1984, avait été reporté à plusieurs reprises et devenait absolument nécessaire.
Rappelons-nous les résultats de ces élections qui avaient donné une avancée notable pour les partis historiques (43 élus pour le P.I. soit 19 nouveaux sièges, 48 pour l’U.S.F.P. soit 3 nouveaux élus, 6 élus pour le P.P.S. qui triple son contingent et 47 élus pour les Harakis (M.P. et M.P.N.) qui augmentent leurs élus de 16 nouveaux élus.
Rappelons-nous aussi que ces élections législatives du 25 Juin 1993 avaient enregistré le très net recul des partis administratifs : le R.N.I. n’a plus que 28 sièges après en avoir perdu 11, l’U.C. se retrouve avec 27 élus après la perte de 29 circonscriptions.
Rappelons-nous surtout qu’à l’époque, le parlement unicaméral était mixte : composé de 2/3 de députés élus au suffrage universel et 1/3 d’élus issu d’un scrutin indirect au sein d’un collège électoral communal et professionnel.
Rappelons-nous les conséquences politiques pratiquement nulles de ces élections : Mohamed Karim Lamrani était premier ministre avant les élections, il le demeurera après le scrutin.
Pourquoi donc cette invitation au souvenir d’une période qui remonte à près de vingt et ans?
Tout simplement, parce que j’ai l’impression que le sentiment du citoyen lambda vis-à-vis de la classe politique de ce pays n’a pas varié d’un iota depuis cet été 1993.
Comment cela?
J’ai retrouvé dans mes archives personnelles une coupure de journal jaunie par le temps!
Il s’agit d’une tribune publiée le 2 juillet 1993, c’est à dire une semaine à peine après le scrutin législatif par AL ABAYANE, quotidien du P.P.S. sous le chapeau suivant : “Nos lecteurs ont la parole après le scrtin du 24 juin”, intitulée “QUE VAUT NOTRE CLASSE POLITIQUE?” et signée Abou SAAD, Casablanca.
Rappelons à l’occasion qu’à l’époque, AL BAYANE était un l’un des rares quotidiens nationaux à ouvrir ses colonnes au citoyens sans exclusion ni préjugés. Je peux en témoigner : j’avais eu le plaisir de voir plusieurs de mes textes publiés par ce quotidien, alors que je n’ai aucun lien d’aucune espace ni avec la rédaction ni avec le parti.
Le citoyen Abou SAAD écrivait dans sa contribution des vérités qui sont encore valables deux décénies plus tard!
- Au sujet de la situation générale du pays :
“Nous consommons, nous produisons, nous exportons, nous sous engageons et respectons la parole donnée, nous sommes consultés tous les jours et nous agissons au delà des nos frontières sur l’histoire”.
- Au sujet de la situation du peuple marocain :
“Nous nous réunissons, nous discutons, nous nous promenos, noous nous déplaçons à l’étranger, nous nous exprimons et nous écrivons en toute liberté”.
Réaliste et objectif, Abou Saad ajoute néanmoins :
“Ce tableau possède des zones d’ombre, tel que le déficit social, le fossé entre riches et pauvres, une lustice laxiste et parfois injuste, l’inégalité des chances, des bavures, des privilèges et des lettes d’influence”.
- Au sujet de la classe politique marocaine :
“Nous n’avons pas la classe politique capable de jouer la courroie de transmission entre le sommet et la base”.
Et à propos des partis politiques, Abou Saad constatait déjà avec une certaine amertume :
“Ces partis-là, comme ceux de l’ancienne majorité – nous les avons pratiqué – n’ont plus de messages à transmettre”.
- Au sujet de la réaction du peuple face aux politiciens :
Et Abou SAAD de relever cette réaction populaire, toujours d’actualité, vingt et un après sa tribune :
“Près d’un millions de bulletins nuls aux législatives et près de 40 % d’inscrits ont boudé tous les candidats, sans exception”.
Il est bien triste de constater que des questions que se posaient les citoyens il y a plus décennies continuent à se poser et pire, elles restent sans réponse.
Le Maroc évolue, les marocain(e)s se sont ouverts au monde, les NTIC sont plus que jamais présentes dans notre quotidien mais nos hommes politiques n’ont pas saisi, comme l ’écrit Abou SAAD en conclusion de sa tribune, “le message à décoder avec la plus grande attention”.
J’ai bien peur que sa crainte de voir ce message “se perdre dans les méandre de notre désert d’imagination et abreuver notre soif de renouveau” ne se soit au fil des années définitivement ancrée dans notre paysage politique.