Libération : "Le chef de l'État n'aura pas d'autre joker"
"Le président a tranché comme un chef. (...) Dans la stratégie présidentielle, Valls incarne, au fond, la cohérence et le professionnalisme qui ont manqué jusque-là. Sauf que le choix
présidentiel a un revers sérieux. Il court le risque de fissurer une majorité déjà vacillante et de braquer un peu plus l'aile gauche du Parti socialiste. En nommant Manuel Valls à Matignon - et
malgré la popularité de celui-ci -, il prend surtout à contre-pied un électorat qui lors des deux derniers dimanches a demandé plus de justice sociale que de libéralisme. Le nouveau Premier
ministre va donc devoir convaincre. Convaincre les écologistes, les syndicats et une partie du PS qu'il est capable de mener une politique de gauche tout en intégrant les exigences patronales et
européennes. Devant une telle équation, les premières décisions de Manuel Valls, à commencer par la composition de son gouvernement, donneront le ton de la deuxième partie du quinquennat de
François Hollande. À trois ans de la présidentielle, le chef de l'État n'aura pas d'autre joker."
Le Figaro : "Son grand défi sera de convaincre ses amis"
"Si au passage [Manuel Valls] persuade François Hollande qu'une fiscalité confiscatoire entraîne la France vers le bas, il aura bien mérité de la patrie. Il n'est pas certain que cette
disposition d'esprit suffise à le rendre populaire chez les électeurs de droite, qui n'ont pas oublié ses inquiétantes objurgations contre la Manif pour tous et la répression zélée de ses
policiers. Mais, après tout, plaire au camp d'en face n'est pas la priorité première d'un premier ministre. Son grand défi sera de convaincre ses amis, assommés par la déroute électorale, invités
à assumer la rigueur et priés de ne pas se plaindre. Mission impossible ? On pense à Mitterrand répondant à Chaban-Delmas après son discours sur la Nouvelle Société : Quand je vous regarde, je ne
doute pas de votre sincérité, mais quand je regarde votre majorité, je doute de votre réussite."
Le Monde : "Hollande [doit] mettre en oeuvre puis amplifier les réformes"
"(...) Le verdict des municipales l'oblige à réagir s'il ne veut pas donner au pays le sentiment qu'il est sourd à son message et hypothéquer gravement la suite de son mandat. Mais dans les pires
conditions, tant ses marges de manoeuvre sont étroites. D'ici à la fin du mois d'avril, il s'est engagé à mettre en oeuvre le pacte de responsabilité (pour aider les entreprises à améliorer leur
compétitivité) et à concrétiser un programme de désendettement et d'économies budgétaires d'une cinquantaine de milliards d'euros en trois ans. Or c'est précisément ce dispositif que non
seulement le Front de gauche et le Front national, mais aussi la gauche du PS et les écologistes, c'est-à-dire des pans significatifs de sa propre majorité, lui réclament désormais de différer ou
d'abandonner. Le chef de l'État ne saurait céder à ces sirènes, changer de cap ou de calendrier sans mettre en péril ce qui lui reste de crédit à Bruxelles, sur les marchés financiers et, au bout
du compte, dans le pays. La seule issue responsable qui s'offre à François Hollande est de mettre en oeuvre puis amplifier les réformes visant à assurer un redressement économique. Quelle que
soit l'équipe gouvernementale dont il s'entoure."
La Croix : "À la question d'un changement de politique, une réponse nette"
Au terme d'une journée fébrile à l'Élysée, Jean-Marc Ayrault et son gouvernement ont démissionné. Et Manuel Valls qui en rêvait va s'installer à Matignon. Ces annonces sont intervenues avant même
l'allocution télévisée du chef de l'État, hier soir, qui tentait de tirer les leçons de la défaite infligée à la gauche au pouvoir lors des municipales. Ce changement d'homme marque la volonté du
président de la République d'envoyer un signal fort après une déroute électorale. Et à travers la nomination d'un homme d'autorité à Matignon, le désir de mettre un terme au débat, fort mal
engagé, sur le cap économique du gouvernement. Dès dimanche soir, une part significative de la majorité, dont des responsables d'Europe Écologie-Les Verts, avait critiqué les orientations du
"pacte de responsabilité". D'ailleurs, Cécile Duflot et Pascal Canfin ne feront pas partie de la nouvelle équipe. À cette question brutale d'un changement de politique, François Hollande a donné
une réponse nette, hier soir."
Les Échos : "Du carré, mais au-delà ?..."
Il faut donc du carré, du maîtrisé, du pro. Manuel Valls a connu une ascension éclair depuis qu'il était conseiller en communication de Lionel Jospin de 1997 à 2001. Mais au moins peut-on le
créditer de cela : il est organisé, méthodique, travailleur et expert en communication. Il sait réagir et trouver les mots, il l'a prouvé ces deux dernières années au ministère de l'Intérieur. Il
sait gérer des crises, alimenter le débat public, et se trouve être l'un des rares ministres qui réfléchit en dehors de ses attributions, lectures à l'appui, à la crise de défiance qui secoue la
politique. Mais au-delà ? Difficile à dire. Manuel Valls est un risque pour François Hollande parce que la preuve n'est pas faite qu'il sait avoir des résultats et mener des réformes. Il porte
une étiquette économique plutôt libérale, mais au fond qu'en est-il ? Ces derniers jours, il semblait prêt à donner beaucoup de gages pour s'allier la gauche du parti. Manuel Valls est un risque
parce qu'il n'est pas certain qu'il réussisse à redresser le pays, comme le souhaite François Hollande. Et le pire, c'est qu'il est aussi un risque s'il réussit trop bien."
L'Humanité : "Celui qui veut enterrer Jaurès"
"Le porte-parole des oligarques a eu gain de cause : François Hollande a nommé à Matignon l'ennemi des 35 heures, le partisan de la TVA sociale, celui qui stigmatisait les Roms... Le choix de
Manuel Valls rassure la droite, inquiète la gauche et froisse des écologistes qui auront attendu cet ultime épisode pour prendre leurs distances. Il incarne le courant le plus à droite du Parti
socialiste, celui qui voudrait enterrer une nouvelle fois Jaurès. Son arrivée confirme que François Hollande est malentendant, voire sourd au pays. Cette décision avait été précédée du ballet des
commentateurs zélés qui s'emploient depuis hier soir à malaxer la sanction des urnes - incarnée par l'abstention de nombreux électeurs de gauche - pour lui faire prendre une forme acceptable par
les marchés financiers. De bons apôtres expliquent doctement que les Français réclament plus de sacrifices, moins de services publics, moins de prestations sociales et de copieux cadeaux pour les
ultrafortunés, tout cela énoncé avec la componction des grand-messes cathodiques et en se prétendant démocrates raffinés."
Le Midi libre : Valls "piégé par le président"
"François Hollande vient de tuer son meilleur ennemi. En nommant Manuel Valls à Matignon, le président de la République nous repasse le film de Mitterrand qui étouffe le populaire Rocard à partir
de 1988. Comment comprendre ce choix ? Dans le timing, le nouveau Premier ministre va essuyer trois revers majeurs : les européennes le 25 mai, les sénatoriales en septembre et les régionales
dans un an. Il y a mieux comme feuille de route pour commencer une carrière dans l'exécutif ! Piégé par le président, le fougueux Valls ne pouvait pas refuser, même s'il sait que le chemin qui le
mène de la Place Beauvau à Matignon est pavé de grenades dégoupillées. François Hollande lui confie une mission schizophrénique : appliquer une politique sécuritaire qui va flatter un électorat
de droite tout en cajolant les partenaires Verts de la majorité présidentielle. Un grand écart impossible à tenir. François Hollande prend donc un risque énorme. Celui d'essorer un nouveau
Premier ministre en moins de dix-huit mois avec la perspective de rendez-vous électoraux glissants. Valls ne sera jamais aimé de la gauche et c'est une erreur politique d'avoir cru puiser dans le
réservoir du "meilleur d'entre nous" pour donner le change. Le peuple de gauche attendait évidemment un autre signe. Dimanche, il était déçu. Il est aujourd'hui en colère."
Sud-Ouest : "un risque considérable"
"Il aurait pu faire comme son modèle corrézien, Jacques Chirac, qui n'avait jamais voulu nommer à Matignon Nicolas Sarkozy, ce rival potentiel. Il s'est finalement inspiré de son mentor
socialiste, François Mitterrand, qui avait choisi de "lever l'hypothèque Rocard" et fait de celui-ci son Premier ministre. En nommant Manuel Valls à Matignon, François Hollande prend un risque
considérable pour son propre avenir politique. Car de deux choses l'une. Ou Valls réussit et il devient un rival sérieux pour le président dans la perspective de 2017 ; ou il échoue et c'est le
quinquennat qui part à vau-l'eau, avec au bout du chemin une défaite inéluctable. Mais François Hollande avait-il vraiment le choix ? Lourdement sanctionné aux élections municipales, il ne
pouvait pas faire autrement que de sacrifier Jean-Marc Ayrault, dont on s'apercevra avec le recul qu'il ne manquait pourtant ni de constance, ni de convictions."
Le Courrier Picard : "un choix qui manque d'audace"
"Après cette débâcle de la gauche aux municipales, et à partir du moment où il choisissait la voie du remaniement gouvernemental, François Hollande avait le choix. Soit il écoutait le "peuple de
gauche" qui s'est exprimé en se détournant des urnes. Soit il écoutait la France de droite qui a colorié la carte des grandes villes en bleu. Il a choisi la deuxième solution en confiant les clés
de l'hôtel Matignon à Manuel Valls, jusqu'alors ministre de l'Intérieur. Ce choix mi-figue mi-raisin manque franchement d'audace. Très consensuel, il confortera une ligne tiède qui est celle de
l'Élysée depuis mai 2012. Grâce aux primaires socialistes d'avant la présidentielle, on sait que Manuel Valls représente l'aile la plus centriste de la gauche. Grâce à son action au sein du
gouvernement, on sait aussi qu'il en est le membre le plus populaire. Pas le plus aimé, en revanche, par les ministres plus à gauche ou écologistes. Ni Cécile Duflot ni Christiane Taubira ne
partiraient en vacances avec celui qui ne fait pas ses 52 ans."
L'Alsace : "un cadeau empoisonné"
"(...) Le ministre de l'Intérieur, connu pour son dynamisme, va devoir revêtir la cape de Superman pour réussir. (...) le président de la République n'avait pas d'autre choix que celui de faire
appel au plus populaire des socialistes. Manuel Valls est même apprécié d'une partie de l'électorat de droite. Le président leur adresse un signe d'apaisement. Il n'est pas sûr qu'une fois à
Matignon, la cote d'amour du nouveau Premier ministre résiste longtemps à l'usure du pouvoir. Les élections européennes de mai s'annoncent redoutables de ce point de vue. En cas de défaite
cinglante, Manuel Valls endossera sa part de l'échec. Le chef du "gouvernement de combat" voulu par François Hollande a des ambitions présidentielles, nul ne l'ignore. En acceptant le poste
exposé de Premier ministre, il court le risque d'être à son tour usé jusqu'à la corde. Le président de la République ne peut avoir négligé cet aspect de l'histoire. Cette nomination a tout du
cadeau empoisonné. En cas de réussite, le chef de l'État tirera les marrons du feu en 2017. En cas d'échec, il aura éliminé son principal concurrent à gauche, immolé comme son prédécesseur."
La Voix du Nord : à la recherche de "la formule magique"
"(...) En nommant le ministre de l'Intérieur à Matignon, François Hollande a choisi un homme à poigne, chargé de faire oublier très vite deux années de "couacs" incessants. Mais il ne lui laisse
pas la bride sur le cou. Le nouveau locataire de Matignon va devoir suivre les strictes consignes présidentielles pour cette "nouvelle étape" du quinquennat. Il lui faudra trouver la formule
magique d'un "pacte de solidarité" rééquilibrant en faveur des salariés le "pacte de compétitivité" négocié avec le patronat ; donner des gages aux écologistes dans la future loi sur la
transition énergétique ; faire baisser les impôts des Français d'ici à 2017, sans oublier de convaincre l'Union européenne que l'austérité budgétaire ne peut plus être la seule réponse. De
l'autorité, Manuel Valls va en avoir besoin pour étouffer les craquements dans la majorité parlementaire. Plus que la tête de Jean-Marc Ayrault, certains demandent maintenant la tête du "pacte de
responsabilité" qui aurait fait fuir leurs électeurs. À première vue, Manuel Valls n'est pas le mieux placé pour mettre plus de social dans la sociale-démocratie hollandaise. Mais l'homme apprend
vite et au lendemain d'une telle raclée électorale, quel député socialiste ou écologiste prendrait le risque de lui refuser la confiance et de provoquer une dissolution ?"
La Dépêche du Midi : "Il fallait frapper vite et fort"
"C'est un peu comme lorsqu'on appelle police secours. Il y avait urgence, il fallait frapper vite et fort. Ce sera Manuel Valls. Y avait-il d'ailleurs un autre choix ? L'intrépide ministre en
rêvait, les élections l'ont précipité en un tournemain à la tête du gouvernement. Comme il l'ambitionnait depuis si longtemps, le voilà devant un destin national qui ressemble à une gageure :
redresser un pouvoir ébranlé, renouer le dialogue avec des Français qui n'ont plus confiance, mettre au pli une majorité de gauche prête à ruer dans les brancards. En un mot : redonner une
cohérence à l'action gouvernementale et une autorité à la parole politique. A-t-on suffisamment dit que le gouvernement précédent s'était usé durant près de deux ans en conciliabules et
contradictions, en hésitations et en amateurisme ! Si elle veut redevenir un jour crédible, la nouvelle équipe devra en finir avec les ego surdimensionnés de certains qui les poussaient à exhiber
leurs états d'âme, à se bousculer l'un l'autre, à contredire ce qui venait d'être dit, bref à sacrifier la cohésion pour un bon mot. Un temps révolu ? Travail, autorité, écoute, connaissance du
terrain, ce sont les qualités requises pour les prochains ministres. Ils devront se montrer en tout point professionnels, et posséder en prime ce qu'on appelle le "sens de l'État". Bon courage,
Manuel !"
La Montagne Centre-France : "Le pire de tous à l'exception de tous les autres"
"Fin de la Valls hésitation ! (...) Parce qu'on a le sentiment que c'est un peu Manuel Valls qui s'est nommé à Matignon, tant l'ex-ministre de l'Intérieur avait mis d'ardeur, depuis longtemps, à
anticiper le remaniement et à se positionner. Si François Hollande a paru tergiverser jusqu'à la dernière minute, c'est qu'il ne connaît que trop les inconvénients d'un choix qui est le pire de
tous à l'exception de tous les autres. Dans un contexte de traumatisme post-électoral, Manuel Valls disposait des meilleures armes. Voilà pourquoi, en dépit des risques, François Hollande a
choisi Valls pour conduire un "gouvernement de combat" "resserré, cohérent, soudé". (...) Le "clivant" et renfrogné Manuel Valls va devoir consentir des efforts pour se montrer
socialo-écolo-compatible. Et puis, après la constitution du gouvernement, promise à quelques soubresauts, il restera le plus dur à faire pour l'exécutif : s'assurer d'une majorité pour soutenir
ce nouveau tournant de la vigueur !"
Ouest-France : "Le monsieur 5,63 %"
"Le ministre de l'Intérieur est nommé plus tôt que prévu et que souhaité. Un bail à Matignon, fut-ce à la tête d'un "gouvernement de combat", n'est pas le plus sûr moyen de préparer 2017. Mais
pour François Hollande, ce peut être le moyen de mieux éroder la popularité d'un concurrent possible. Sera-t-il l'homme de la situation ? Méthodique, ferme et médiatique, le "Sarko de gauche",
selon ses détracteurs, clive plus que Jean-Marc Ayrault. Sa personnalité, dans un régime en panne d'autorité, est un marqueur intéressant, mais qui peut devenir un inconvénient : le monsieur 5,63
% de la primaire devra rassembler la majorité."
La Charente libre : l'alliance du "chaud et du froid"
"Hollande a ainsi remanié Hollande. Au couple plan-plan qu'il formait avec Ayrault, le président a préféré céder à la tentation d'une cohabitation plus moderne avec Manuel Valls, presque à
contrecoeur tant ce nouveau tandem allie le chaud et le froid, la glaçante détermination du président, la bouillante ambition du Premier ministre. Mais François Hollande n'avait plus le choix. La
débâcle des municipales, la fronde de sa majorité, son impuissance à convaincre lui dictaient en urgence la promotion de ce possible rival. À tous les élus socialistes survivants du champ de
bataille ou en sursis simple des prochains combats, Manuel Valls ne manquera pas de rappeler que leur sort commun est lié. À l'heure des pactes en tous genres, le contrat de confiance que Valls
doit passer avec la majorité socialiste les engagera tous. La désertion annoncée des ministres verts, Duflot et Canfin, a réduit les marges. C'est à pied et à marche forcée que le PS devra monter
au front pour soutenir un gouvernement resserré comme un pack et reconquérir un électorat populaire particulièrement sensible aux sirènes lepénistes et aux dimanches à la pêche. (...)"
Le Télégramme : Valls "plus malin" que Rocard ?
"Certes, le nouveau Premier ministre, qui se prononça pour le "non" au référendum européen de 2005 avant, par discipline, de mener campagne avec le PS pour le "oui", pourrait limiter les dégâts
aux européennes, son premier test électoral. Mais sous le feu d'une UMP requinquée, qui a désigné comme cible cet impérieux social-libéral aux mèches bonapartistes, Valls risque de voir décliner
sa popularité auprès du "peuple de droite". Va-t-il, pour autant, gagner la faveur du "peuple de gauche", lui qui martelait en vain : "Le ministre de l'Intérieur est de gauche" ? Cécile Duflot,
les Verts et "la gauche de la gauche" ne cachent pas leur hostilité. Les amadouer, en entamant la "transition énergétique" et en créant vite des emplois, tout en rassurant Bruxelles par 50
milliards d'euros d'économies ? La mission assignée par le président de la République relève de l'impossible. Valls se souvient que Mitterrand nomma, en 1988, son rival, Rocard, à Matignon pour
"lever l'hypothèque Rocard". Mais il se croit plus malin."
Le Journal de la Haute-Marne : L'"anti-Ayrault"
"L'option Valls s'est imposée presque naturellement, dans la mesure où les candidats ne se bousculaient pas au portillon de Matignon. Sa popularité a fait le reste. Le chef de l'État s'est
aperçu, dans la douleur et le tumulte d'un naufrage électoral, qu'il lui fallait un anti-Ayrault, moins terne, plus incisif, plus impulsif même. Bref, c'était sa dernière cartouche. (...) D'une
certaine manière, sa nomination fait penser à celle de Michel Rocard. Mitterrand l'avait nommé Premier ministre pour mieux le neutraliser et le laisser s'embourber dans l'action gouvernementale.
Valls risque-t-il d'être rocardisé ? De facto, il est devenu le principal concurrent, à gauche, de l'actuel locataire de l'Élysée. L'ampleur des défis qui sont devant lui l'usera rapidement. Mais
c'est le prix à payer pour ne pas attendre l'échéance présidentielle de 2022..."
Les Dernières Nouvelles d'Alsace : "Un désir d'accélération"
"(... ) L'ancien ministre de l'Intérieur irrite fortement la gauche du PS. À Matignon il sera plus clivant que son prédécesseur. Mais il incarne davantage le mouvement. Il a un tempérament de
hussard et ne déteste pas jouer au tambour-major. Après vingt-deux mois d'un mandat qui a commencé par une pénible course de lenteur, c'est le signe d'une accélération. Ou plus exactement d'un
désir d'accélération. La politique étant tributaire des symboles, François Hollande s'est empressé de détailler la route à parcourir avant même de pousser les feux. On change de chef de quart
mais le cap social-démocrate est confirmé. Le contrat de responsabilité fait grincer, y compris au PS, mais il ne sera pas déchiré. On l'assortira néanmoins d'une certaine dose de justice sociale
parce que sans politique sociale la gauche est comme un lapin de Pâques sans oeufs. Voilà pour l'habillage rhétorique censé ouvrir la seconde phase du quinquennat, celle qui doit sortir le PS et
le pays de l'ornière, simultanément. Les deux ont partie liée. Dans le marasme ou dans le sursaut. Il n'y aura pas de nouvelle chance. Hollande le sait, Valls aussi."
Le Républicain lorrain : "Un lamentable aveu de faiblesse"
"Manuel Valls à Matignon, c'était le choix d'une majorité de Français et François Hollande s'y est rallié contraint et forcé. Les impitoyables sondages et l'ampleur du désastre électoral subi la
veille lui ont dicté une décision qui, n'en doutons pas, lui coûte beaucoup. Devoir nommer Premier ministre un rival pétri d'ambition à la popularité très supérieure à la sienne est pour un
président de la Ve République un lamentable aveu de faiblesse. François Hollande s'y est résigné alors même que ce choix ne correspond pas à l'attente des électeurs de gauche qui, dimanche, ont
boudé les bulletins imprimés aux noms des candidats socialistes pour se réfugier dans la protestation. (...) La promotion de Valls à la tête du gouvernement de la phase II du quinquennat
constitue un pari pour le chef de l'État et un camouflet pour tous ceux qui, parmi les socialistes et les Verts, réclamaient un changement de cap de la politique économique. (...) Le danger pour
François Hollande, c'est de perdre définitivement le peu de soutien que lui accordent encore les catégories populaires. Pour l'impétueux Manuel Valls, il est de se consumer dans un poste qui a
rarement réussi à ceux qui croyaient pouvoir en faire un tremplin pour l'Élysée."
L'Éclair des Pyrénées : "Hollande prend un risque personnel"
"(...) La reprise en mains appelait un geste fort. Ce sera la nomination de Manuel Valls comme nouveau Premier ministre. Ce faisant, le président de la République prend un fameux risque
politique, ce qui n'est pas habituel chez lui. Mais il y avait le feu à la maison socialiste et Hollande ne pouvait pas rester les bras ballants. En confiant les clés de l'hôtel de Matignon à
Manuel Valls, le chef de l'État prend d'abord un risque personnel. Celui qui était, jusqu'à hier le ministre de l'Intérieur a de grandes ambitions personnelles. Valls ne cache pas qu'il briguera,
un jour ou l'autre, la présidence de la République. Peut-être même en 2017, contre François Hollande. Autre risque politique, Manuel Valls a beau être le plus populaire des socialistes, il n'est
précisément pas populaire au sein même du parti du président. L'aile gauche du Parti socialiste ne veut pas de lui. Et les Verts n'imaginent pas rester dans la nouvelle équipe. Certains Verts
rejoindront certainement le nouveau gouvernement (Jean-Vincent Placé en rêve), il n'empêche que la probable démission de Cécile Duflot va plomber la nouvelle équipe. La tâche de Manuel Valls sera
d'autant plus difficile que le président lui a confié le soin de constituer un gouvernement resserré. Rien n'est plus difficile."
Source : Le Point