d'Andrew Blackwell
Récit - 350 pages
Editions Flammarion - 2013
Andrew démarre un petit tour du monde des endroits que sans doute vous ne visiterez jamais tant ils traînent derrière eux une image déplorable, loin de celle des sites naturels : ce sont des sites très pollués, ou très dévastés. Sont-ils moins naturels pour autant ? L'Homme et son action ne font-ils pas partie de la Nature ? Andrew expérimente les balbutiements d'un nouveau tourisme, comme celui des Oil sands bus tour pour parcourir les mines de sable bitumineux de l'Alberta ; le musée de Tchernobyl et les tentatives de balade près de ses réacteurs ; une excursion texane à Port Arthur, lieu pollué du premier jaillissement pétrolifère qui se reconvertit, toujours autour de l'Or Noir ; un road trip en Chine en passant par Guiyu, au coeur du "recyclage" industriel et de la pollution aux métaux lourds issus de nos circuits intégrés, et la charbonneuse Linfen, ville la plus polluée du monde selon l'ordre alphabétique du classement de la Banque Mondiale ; une expédition scientifique à bord du Kaisei à la recherche du huitième continent, cette grande plaque de déchets en plein Océan Pacifique ; une enquête sur le ralentissement de la déforestation de l'Amazonie à Santarém au profit d'immenses cultures de soja ; avant de plonger dans un affluent du Gange, une rivière sacrée composée d'excréments, en Inde...Une lecture pour un dépaysement, un petit voyage assis, vivre de nouvelles émotions, ressentir les odeurs, percevoir les couleurs, les chaleurs, le brouhaha... Tout y est, c'est un récit de voyage, un carnet de route, et beaucoup plus. Andrew Blackwell a le grand mérite de nous faire participer à ses aventures, à nous expliquer les enjeux géographiques et écologiques des phénomènes qu'il approche, à faire un travail d'analyse à partir de ce qu'il voit et ce qu'il apprend, en tentant d'être le plus objectif possible, sans être manichéiste ou facilement accusateur. Il pose un regard avec une conscience écologique naturelle et raconte avec humour ses péripéties.
Extrait :"Il y a des années, j'ai passé six mois en Inde. J'ai visité là-bas un nombre incroyable de sites touristiques - des villages traditionnels perdus au fond du Rajasthan jusqu'au sanctuaire couvert de dorures d'un monastère bouddhiste, perché telle une citadelle sur les flancs de l'Himalaya. J'ai vu les pêcheurs du coin sortir de la mer d'Arabie des filets remplis de poissons frétillants, et les vendre directement sur la plage. J'ai contemplé des sculptures sacrées dans des temples jaïns millénaires.
Vous voyez ce que je veux dire. Les clichés habituels.
Et puis, il y a eu Kanpur. A qui le gouvernement central venait de décerner le titre de "ville la plus polluée du pays" - ce qui n'est pas rien dans un pays comme l'Inde. Ce n'était pas une destination facile. A dire vrai, en dehors de l'Inde, rares sont les gens qui ont entendu parler de Kanpur. Même certains Indiens doivent y réfléchir à deux fois. Mais je voyageais en compagnie d'une écolo, et les écolos ont parfois des priorités touristiques assez bizarres.""Même ce qui est contre nature appartient à la nature." disait Georg Christoph Tobler. Alors notre regard change, chaque lieu pollué a sa propre histoire, sa propre évolution. Tchernobyl serait devenu la plus grande réserve naturelle d'Ukraine, voire d'Europe. La déforestation autour de Santarém aurait bien ralenti, menacée de lourdes sanction pour les propriétaires terriens. Mais d'autres lieux encore méconnus souffrent d'une lourde pollution progressive, bien loin des circuits touristiques.La lecture de ce livre est fort intéressante, un documentaire écrit, un document rare, une aventure polluée à laquelle on aurait tort de tourner le dos.
L'avis de Viviane Thivent - Le Monde Sciences
Les photos de voyage de l'auteur - Visit Sunny Tchernobyl