Quand le chantier du Panthéon devient une oeuvre d’art, entrer au Panthéon avec JR (Paris 5)

Publié le 31 mars 2014 par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

Depuis quelques temps déjà, le Panthéon affiche une coiffe blanche visible de loin : son dôme est recouvert par une bâche blanche laissant penser qu’il est en rénovation. Il s’agit en fait d’un des plus grands chantiers d’Europe, avec un échafaudage gigantesque et autoporté pour ne pas peser davantage sur la structure et sur le dôme de pierre.

Le Centre des Monument Nationaux décide alors de ne pas afficher sur la bâche qui va rester jusqu’à la fin 2015, un contenu publicitaire mais plutôt d’illustrer justement les valeurs du Panthéon. Pour cela, c’est qui l’art entre dans le chantier, et habille les matériaux. Pour la première fois, la bâche de chantier devient le support direct d’une oeuvre d’art.

C’est le street artiste JR qui est choisit pour cette entreprise ambitieuse. Baigné dans l’univers du graff, il parvient au cours de ses différents et audacieux projets à intégrer la photographie dans la ville, pour défendre, revendiquer et révéler des valeurs d’universalité et d’humanité. On se souvient ainsi, des résultats spectaculaires de Women are heroes, dans ce bel hommage à celle qui occupent souvent un rôle central dans les sociétés soumises à des contextes et des pratiques difficiles (guerre, crimes, fanatisme, viols) ou plus récémment d’Inside Out. Dans ce projet,il s’agit de donner la possibilité à tout le monde d’imprimer son portrait pour soutenir un projet ou une idée et de partager cette expérience. Depuis mars 2011, plus de 195 000 portraits ont été envoyés à travers le monde, dans plus de 100 pays.

Ainsi, au Panthéon, JR prévoit la réalisation d’une oeuvre qui se passera à l’extérieur (aux pieds des marches) mais aussi bien sûr, à l’intérieur du Panthéon, sur la bâche du dôme et les colonnades. Il propose alors à bon nombre de personnes de venir se faire tirer le portrait pour participer à ce projet, et ainsi entrer au Panthéon grâce à lui, mais de manière circonscrite dans le temps.

Entrer au Panthéon avec JR

Ainsi, samedi dernier, son camion-photo s’arrêtait devant le Panthéon et proposait à tous de venir se faire photographier. Dès la prise photographique, la photo était conjointement imprimée directement depuis le camion pour être collée au sol, et envoyé sur le site internet dédié et dans la boite mail de la personne concernée.

L’équipe d’Igersparis (communauté des instagramers parisiens), était présente pour participer et relayer cette belle opération. Très bien accueillis par l’équipe du Centre des Monuments Nationaux, nous avons eu le privilège de réaliser notre portraits dans les premiers, alors que la file d’attente s’étirait de plus en plus le long des grilles.

Si le Panthéon reste un monument beaucoup vu et connu de l’extérieur, il est injustement peu connu de l’intérieur pourtant il recèle une une histoire passionnante et un intérieur impressionnant.

En haut des marches

C’est le constant que nous faisions, en haut des marches en attendant pour pouvoir y entrer.

Une vocation hésitante : tour à tour symbole de la religion ou de la république

En entrant dans la nef, nous avons tous été surpris et soufflés le spectacle que nous réservait l’intérieur : l’espace immense, les colonnes corinthienne, et les peintures classiques collées aux murs.

La vocation initiale du lieu est inévitable : il s’agissait d’une église. Nous distinguons des médaillons vides, un espace immense, des peintures classiques, ou des emplacements de vitraux.

Mais bizarrement les symboles religieux cohabitent étrangement avec des sculptures monumentales qui représentent la république. En effet, au cours des siècles, le Panthéon a tour à tour représenté la religion ou l’état.

En 1775, Louis XV est atteint de ce que l’on appelle la « maladie de venus ». Pour obtenir sa guérison, il implore la bienveillance de Sainte Geneviève, il lui promet alors de lui construire une église monumentale. Lorsqu’il guérit, il est contraint de tenir sa parole, et il entreprend la construction avec l’aide du Marquis de marigny (petit frère de la favorite du roi, la Pompadour). Ce dernier pense à un de ses précepteurs qui a effectué son « grand tour », voyage à travers l’Europe, qui n’est autre que Soufflot. Il le contacte alors connaissant sa tendance au rococo. Soufflot développe le projet sur un modèle néoclassique en convoquant des parties (colonnes, péristyle, fronton, dôme). La république remplace peu à peu les symboles religieux, installant notamment ses imposantes statues à la gloire républicaine.

Lorsque la construction de l’église commence, on se rend compte que le sol argileux doit être stabilisé. On y plante des pieux de bois, parfois même jusqu’à 40 mètres de profondeur. Cela prend déjà 3 ans. Puis la crypte est creusée et cela prend également quelques années. En 1780, Soufflot meurt ce qui donne un coup d’arrêt brutal à la construction. En effet, peu d’architectes à l’époque peuvent prendre la suite de Soufflot,  et poursuivre dans ce style néoclassique (à part ses apprentis).

Le dôme est sujet à polémique, car beaucoup n’y croyait pas. Il faut dire que Soufflot met la barre très haut en voulant réaliser une triple coupole entièrement en pierre (en général la dernière coupole est faite en bois pour ne pas peser davantage sur la structure).

La vue du dôme du dessous :

Et la sculpture républicaine de la Convention nationale

Visite de la crypte et le culte de la Panthéonisation

L’entrée dans la crypte est impressionnante, et nous allons visiter tour à tour les caveaux où les plus grandes personnalités sont enterrées. Le culte de la panthéonisation remonte au lendemain de la révolution française, en 1791 quand Mirabeau décède, il s’agit de lui trouver une sépulture digne de son nom.

C’est sans hésitation qu’il est inhumé au Panthéon, et Marat lui emprunte le pas. Les héros de la nation, qui ont réalisé de hauts faits, suivent alors. C’est de cette manière que Rousseau est enterré face à son ennemi Voltaire, car ils représentent brillamment, tous deux, le siècle des Lumières. Napoléon Ier poursuit cette entreprise, et inhume les grands noms du 19ème siècle : Victor Hugo, Jean Jaurès, Alexandre Dumas et André Malraux. On trouve aussi dans la crypte Pierre et Marie Curie, le Comte de Bougainville, René Cassin, Jean Monet.

A notre époque, les présidents qui venaient déposer des roses sur certaines des tombes, s’inscrivaient en effectuant ce geste dans le sillage de ceux à qui ils faisaient leur offrande.

Nous remontons vers la nef, pour la parcourir à notre rythme et prendre le temps de nous imprégner des lieux.

Forts de cette histoire, de ses symboles et de ces éléments de contexte, nous prenons aussi la mesure de ce formidable choc des symboles, au milieu d’hommages rendus à de grands hommes.

C’est tout de même un lieu magistral et fantastique.

En sortant nous pouvons voir la fresque qui prend forme et nos portraits déjà collés au sol.

A voir et à visiter :

Le Panthéon
Place du Panthéon
75005 Paris

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