de gauche à droite : T. Jonquet, M. de Kerangal, M. Darrieussecq, X. Darcos et J.Roze
L'institut français encourage les auteurs à s'installer à l'étranger un temps certain pour faciliter le travail d'écriture, via les missions Stendhal. Le but n'étant pas forcément de créer une intrigue sur le lieu de villégiature. Principalement adressées à de jeunes écrivains en devenir, ces bourses ont permis 600 transits. Les auteurs présents lors de cette table ronde ont profité de ces allocations de voyage : Maylis de Kerangal en 2009 pour la Californie, Marie Darrieussecq en 2013 pour la même destination et Thierry Jonquet pour une présence berlinoise (il s'est tellement plu dans la capitale allemande qu'il y vit depuis). La plupart du temps, un écrivain part avec une idée initiale qui souvent aboutit à une autre intrigue. Le but de cette aide financière reste d'alléger le concepteur d'histoires des contraintes matérielles, pour se consacrer à son projet d'écriture.C'est Gallimard/Verticales qui va être content, renommé en Metailié par l'Institut français !!!
En 2009, Maylis de Kerangal germait son futur Naissance d'un pont : histoire d'un chantier, centrifugeuse de désir et d'argent. Le Golden Gate de San Francisco représentait pour elle l'idéal des ponts de l'imaginaire, celui qui en reliant deux zones a créé une baie. Son voyage en Californie lui a permis de caler les lumières et une atmosphère de son futur roman américain, de côtoyer aussi la population locale, d'entendre l'histoire et les anecdotes concernant le Golden Gate. Le fait d'être étranger et au loin ramène d'office une proximité au contexte géographique du futur texte.Le livre aurait-il été possible sans le voyage ? Est-il réussi grâce à ce déplacement ?
Marie Darrieussecq a renoncé à son roman japonais. Mais reconnaît que le voyage amène une force et marque. Il lui semble tout à fait facile d'imaginer Los Angeles sans recourir à l'avion (nous sommes imprégnés par les films, de la vie américaine), ce qui n'est absolument pas le cas concernant la forêt équatoriale : être dans les paysages et s'apercevoir de ce qui reste en nous, une fois qu'ils ne sont plus visibles.
Maylis de Kerangal y parle d'éclaircissement du projet, du déroutage du quotidien (on perd ses repères, ses habitudes, on laisse derrière soi ses proches pour se retrouver seul(e)). Il y a aussi une facilité à capter l'espace qu'on diffuse plus librement par l'écriture ensuite. Il était important pour elle de placer le mythe américain dans Naissance d'un pont : une terre où on peut se renommer, réinitialiser toute chose. Et toujours cette notion de frontières franchissables ou non, celles aussi de l'altérité. Frontières qui organisent les espaces (Corniche Kennedy, Naissance d'un pont), qui donnent la notion de mouvement et de déplacement (avec le train -comme clôture- de Tangente vers l'Est) ou les états intermédiaires du corps (Réparer les vivants).
François Jonquet a découvert une seconde jeunesse en vivant à Berlin, ville-lumière au tourbillon festif, à la jeunesse positive. Il a su retranscrire ce filtre d'exotisme que l'on ressent lorsqu'on vit à l'étranger, même en plaçant son intrigue à Paris. Avec deux inquiétudes/interrogations : comment restituer le Paris des années 1980 ? comment retrouver le jeune homme de vingt ans, moi qui en est maintenant quarante-sept ? Finalement, vivre loin de Paris lui a permis de mieux la rêver !