Par Roger Martelli| Photo Martin Willms
À l’issue des municipales de 2008, un maire communiste ou apparenté était à la tête de 726 communes sur le territoire métropolitain. Parmi elles, 81 comptaient plus de 10 000 habitants et 28 plus de 30 000. Les déclarations officielles de la place du Colonel-Fabien portaient à 185 le nombre de communes métropolitaines de plus de 3 500 habitants dont le maire était considéré comme communiste.En 2008, l’érosion municipale s’était atténuée. Comme il le fait continûment depuis 1983, le PC avait perdu quelques mairies, mais beaucoup moins que lors des scrutins précédents. Il pouvait penser, cette fois, que les malheurs du concurrent socialiste conforteraient sa stabilité relative. En outre, la direction communiste a tout fait pour protéger les restes non négligeables du communisme municipal. C’est ainsi qu’elle a eu recours, une fois de plus, à l’appel appuyé au rassemblement de toute la gauche, dans les espaces encore contrôlés par le PC.Au soir du premier tour, 26 communes de plus de 3 500 habitants avaient déjà été perdues, comme nous le notions sur le site de Regards, dont 13 au profit de la droite et 8 au profit de la gauche socialisante. Ce soir-là, l’analyse des résultats laissait entendre qu’une vingtaine des mairies communistes de 2008 se trouvaient en ballottage délicat et qu’une poignée (9 cas) pouvait mathématiquement être gagnée. En fait, loin de provoquer un sursaut, le second tour a amplifié les pertes du premier.Sans doute les communistes regagnent-ils Aubervilliers et Montreuil (dans ce dernier cas, après avoir dû se contenter de 18 % au premier tour), ainsi que Thiers (Puy-de-Dôme), Sérémange (Moselle) et Annay (Pas-de-Calais). Mais ces quelques cas ne compensent pas la saignée enregistrée ailleurs. Au total, le PC perd 57 villes de plus de 3 500 habitants et en regagne 5, soit un déficit de 52 villes, près de 30 % de l’effectif de départ. Il perd 7 villes de plus de 30 000 habitants sur 28 et 19 villes de plus de 10 000 habitants sur 81. Il faut remonter à 1983 et 1989 pour trouver un tel recul.Sur les 57 villes perdues, 30 l’ont été sur la droite, 22 sur la gauche, 5 sur des « divers ». Ces pertes sont réparties sur tout le territoire national avec des zones de plus grande fragilité. Les départements les plus touchés sont le Nord (9) et le Pas-de-Calais (5), la Seine-Saint-Denis (6), le Rhône et le Morbihan (4), les Bouches-du-Rhône (3). Des bastions historiques sont tombés : Garchizy (Nièvre), Escaudain, Fenain et Vieux-Condé (Pas-de-Calais), Bagnolet, Bobigny, Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) étaient des villes « rouges » dès 1919.Treize communes perdues l’ont été en Ile-de-France dont 7 en petite couronne. La « banlieue rouge » s’est une nouvelle fois effritée. Aubervilliers et Montreuil rentrent dans le giron communiste. Mais Bagnolet, Saint-Ouen, Bobigny, Le Blanc-Mesnil et Villejuif n’auront pas de maire communiste. Dans cette affaire, le PS aura joué le rôle de l’apprenti sorcier. Il a considéré que la petite couronne lui revenait, dans l’attraction parisienne, et que les terres rouges étaient par vocation les siennes. Il a ainsi patiemment détricoté le réseau communiste séquano-dionysien et il a cherché à porter l’estocade finale en 2014. À l’arrivée, c’est la droite qui tire les marrons du feu. Les socialistes ravissent certes Bagnolet aux communistes, à l’arrachée. Ils ne récupèrent pas Saint-Denis et Montreuil comme ils l’espéraient. Et ils perdent Aubervilliers, Aulnay-sous-Bois, Épinay, Livry-Gargan et Noisy-le-Sec. C’est la droite, inexistante du temps de l’hégémonie communiste, qui étend ses mailles sur l’ancienne terre par excellence du communisme urbain (quand le département de Seine-Saint-Denis est créé, ce sont 80 % de sa population qui sont gérés par une mairie communiste). Les socialistes rêvaient de la grande revanche sur les communistes ; ils ont servi de sas à une conquête à droite.Le nouveau recul communiste surprend par son ampleur. Et il est vrai que, dans plusieurs cas, la défaite du second tour s’est jouée sur une poignée de voix. La surprise ne devrait pas toutefois faire oublier le fond. Quand le PCF s’implante dans la périphérie parisienne, dans ces terres délaissées que l’on surnommait alors le « Far West français », il s’appuyait sur une espérance formidable de révolution et de république sociale. Il pratiquait en outre une gestion municipale originale, raccordée à une sociabilité ouvrière bien vivace, et qui parvenait, avant d’autres, à opérer une part de redistribution publique vers les catégories défavorisées et discriminées du monde ouvrier. L’expansion du communisme coïncidait avec celle de la banlieue, faisant corps avec une fierté populaire d’un temps où le prolétariat commençait à imposer sa dignité et la stabilisation de ses statuts.La gestion communiste a ainsi été prise de plein fouet par le recul de l’État-providence, de la dépense publique et de la relative redistribution. Quant au PCF, il ne sut pas se renouveler avec assez de hardiesse, quand il avait les moyens de le faire. La gestion communiste a cherché à garder sa fibre constructive et populaire, mais dans un contexte de rétraction publique et d’une énorme frilosité interne. Pour une part, on dira que le roi est nu. Le communisme municipal s’est contracté, sans que l’on puisse encore en mesurer l’ampleur exacte. Là où le PCF n’est pas en tête de la gauche, il va être pénalisé par la débâcle socialiste. Au bout du compte, il y aura nettement moins de mairies et d’élus communistes. Ce n’est pas une bonne nouvelle, en ces temps difficiles pour les catégories populaires et pour la démocratie.
Front de gauche - Retour sur le premier tour [1]
Les données chiffrées présentées ici portent sur les communes de plus de 1000 habitants (9663). Des listes étiquetées à gauche sont présentes dans 5476, soit un peu plus que la moitié (56 %). Des listes officiellement désignées comme étant celles du Front de gauche ou de certaines de ses composantes sont présentes dans 607 communes, soit à peine un peu plus de 6 % de l’échantillon de communes. Par commodité, les sigles utilisés sont ceux du site officiel de l’Intérieur :- LEXG : Liste Extrême gauche
- LFG : Liste Front de Gauche
- LPG : Liste du Parti de Gauche
- LCOM : Liste du Parti communiste français
- LSOC : Liste Socialiste
- LUG : Liste Union de la Gauche
- LDVG : Liste Divers gauche
- LVEC : Liste Europe-Ecologie-Les Verts
On sait que les formations du Front de gauche se sont dispersées. Elles se sont encore intégrées dans des formules classiques d’union de la gauche, qu’elles soient ou non en position subordonnées. Dans les autres cas, on décompte 610 listes étiquetées LFG, LPG ou LCOM.
Que donnent les chiffres bruts ?
1. Si l’on prend en considération le total des communes de plus de 1000 habitants où la gauche est présente, on obtient les chiffres suivants : - LEXG : 1,0 %
- LFG : 2,2 %
- LPG : 0,4 %
- LCOM : 0,9 %
- LSOC : 7,2 %
- LUG : 12,9 %
- LDVG : 15,4 %
- LVEC : 1,3 %.
Que donnent les chiffres bruts ?
1. Si l’on prend en considération le total des communes de plus de 1000 habitants où la gauche est présente, on obtient les chiffres suivants : - LEXG : 1,0 %
- LFG : 2,2 %
- LPG : 0,4 %
- LCOM : 0,9 %
- LSOC : 7,2 %
- LUG : 12,9 %
- LDVG : 15,4 %
- LVEC : 1,3 %.
Que donnent les chiffres bruts ?
1. Si l’on prend en considération le total des communes de plus de 1000 habitants où la gauche est présente, on obtient les chiffres suivants : - LEXG : 1,0 %
- LFG : 2,2 %
- LPG : 0,4 %
- LCOM : 0,9 %
- LSOC : 7,2 %
- LUG : 12,9 %
- LDVG : 15,4 %
- LVEC : 1,3 %.
Que donnent les chiffres bruts ?
1. Si l’on prend en considération le total des communes de plus de 1000 habitants où la gauche est présente, on obtient les chiffres suivants : - LEXG : 1,0 %
- LFG : 2,2 %
- LPG : 0,4 %
- LCOM : 0,9 %
- LSOC : 7,2 %
- LUG : 12,9 %
- LDVG : 15,4 %
- LVEC : 1,3 %.
Le total des listes à la gauche du PS regroupent 4,2 % et la gauche dans son ensemble atteint 40,9 %.
- LEXG : 1.0 %
- LFG : 6,9 %
- LPG : 1.1 %
- LCOM : 2,9 %
- LSOC : 8,1 %
- LUG : 16,3 %
- LDVG : 5,6 %
- VVEC : 2,6 %
Le total de la gauche de gauche atteint cette fois 12 % et la gauche tout entière est à 44,7 %.
- LEXG : 1,3 %
- LFG :
- 6,4 %
- LCOM : 0,5 %
- LPG : 0 ;6 %
- LSOC : 11,6 % LUG : 15,3 %
- LVEC : 3,0 %
Sans surprise, les progressions les plus nettes s’observent dans les communes où le maire est communiste et où il n’y a pas d’alliance avec le Parti socialiste (comme à Fontenay-sous-Bois, Ivry ou Saint-Denis). Des progressions s’observent dans une trentaine de villes où le maire n’est pas communiste. Dans plusieurs d’entre elles, comme Saint-Dizier, Calais, Sevran, Corbeil, Sète, Romainville ou Bourges, il s’agit de villes de sensibilité communiste forte, qui ont été gérées par des communistes.Mais les pertes l’emportent largement sur la progression, dans près de 200 communes de l’échantillon. Dans 90 d’entre elles, ces pertes représentent plus de la moitié du pourcentage de 2012 et les deux tiers pour une vingtaine. Bien sûr, ces pertes sont particulièrement significatives dans les grandes villes où le PCF a choisi l’alliance avec le PS, comme à Paris, Toulouse ou Nantes.Dans l’ensemble, s’observe incontestablement un problème propre aux grandes villes. Alors que le vote Mélenchon avait montré une spectaculaire percée dans les centres des principales métropoles, le vote municipal s’est effondré, notamment à Toulouse, Strasbourg, Bordeaux, Lille ou Reims.3. Si l’on observe la globalité du scrutin municipal de premier tour, il révèle avant tout l’insuffisant ancrage du Front de gauche sur le terrain local. On sait que les municipales sont redoutables par la complexité des liens qui s’établissent entre les données nationales et le fait communal. Dans la France des 37 000 communes, les étiquettes qui dominent de façon écrasante sont celles des « divers gauche » et des « divers droite ». Mais, dans sa grande période, le PCF avait su, dans cet environnement a priori peu favorable, concilier l’enracinement local et l’identification politique. C’est lui qui, dans les années 1960 et 1970, a imposé une formule de l’union de la gauche qui contribua alors fortement à la déstabilisation de la droite et à la consolidation de l’espérance sociale en milieu populaire.Pour l’instant, le Front de gauche est loin de cet équilibre. Dans les communes de plus de 1000 habitants, 9 % à peine des listes présentes correspondaient à une étiquette associée au Front de gauche. Les listes associées directement au PS représentaient à elles seules 15 % du total, 14 % pour les listes d’union de la gauche et 56 % pour les inévitables « divers gauche ».Alors que la visibilité présidentielle du Front de gauche a été maximale, celle des municipales s’est diluée dans un océan de confusion. Or l’articulation complexe du national et du local suppose une base de clarification qui n’est pas encore accomplie.