Le Livre de l’Exil
tu n’es pas ici ces marques de bic
à peine écrites sont balayées par vent fort
le vide comme un oiseau mort s’élève vers ton visage
lune de funéraille à main brisée
refeuilletant tes jours
jusqu’à la page de l’absence
en écrivant tu
savoures cet anéantissement
comme la trace sonore d’un autre
os écrasés distraitement crachés dans un coin
frappement sonore creux de l’eau sur l’eau
pénètre distraitement le souffle
pénètre un fruit lointain cesse de voir autrui
ces crânes éparpillés sont toi-même
vieillissant en une nuit entre lignes et mots
ta poésie invisible traverse le monde
Extrait de Yang Lian : Wu ren cheng (1990-98). Traduit du chinois par Jean-René Lassalle, avec l’aide de l’analyse de Cosima Bruno : Between the Lines : Reading Yang Lian’s Poetry through Translation, Brill 2012.
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La rue à ma fenêtre
par ma fenêtre jamais il ne pleut dans la rue
tranquille comme un peigne
restant sur le rebord de la vitre
qui attend une femme silencieuse
comme une mouette lasse volant depuis la mer
comme une pierre qui s’enlace elle-même
sur son dos dans le gris sac effrangé
un citron furtivement change de forme
par ma fenêtre la rue se couvre de blanche neige blanche
tout au long de l’hiver se montrent seulement
sept chats perdus et un dormeur dans une auto cabossée
huit paires d’yeux identiques
comme des grains battus qui ignorent la colère
leur intimité me laisse déduire
ils ont promis de chacun se nourrir du cadavre de l’autre
la preuve en est leur grande tendresse
Extrait de Yang Lian : Wu ren cheng (1990-98). Traduit du chinois par Jean-René Lassalle, avec l’aide de l’analyse de Cosima Bruno : Between the Lines : Reading Yang Lian’s Poetry through Translation, Brill 2012.
[choix et traduction de Jean-René Lassalle]
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Bio-bibliographie de Yang Lian