Bon, ça y est, les municipales sont passées, on va pouvoir reprendre le cours de nos activités habituelles. Pour le Parti Socialiste, il s’agira de se panser les plaies et se penser un avenir, ce qui semble déjà fort mal engagé. Pour l’UMP, son absence presque méthodique de programme crédible et de leader charismatique seront un instant couvertes par les hourras de ses têtes de nœud listes. Le Front National va goûter au plaisir douteux de mettre à son tour ses doigts dans le pot de confiture dans plusieurs villes de France. Quant aux journalistes, ils sont formels : les électeurs ont émis un message clair.
Et ce message, on a le droit à sa fine analyse sur les ondes, sur les écrans et dans des milliers de petits notules journalistiques. Tout est clair : l’électeur, dans sa grande sagesse, a décidé que la Drouate UMP devait remporter la timbale et accordait aussi au FN une petite place histoire de bien appuyer le mouvement. (Et comme l’électeur est magnanime et rigolo, il a aussi permis à Bayrou d’être élu et à Moscovici d’être battu, mais c’est pour rire.)
On ne compte plus le nombre d’articles dans lesquels la déroute électorale du Parti socialiste s’est muée en « bastonnade », la victoire de l’UMP en « tsunami », et les résultats du FN en « véritable succès ». Et tous en concluent l’évidence : les électeurs rejettent massivement la politique de François Hollande, n’aiment plus le parti socialiste et se jettent donc facilement dans les bras de l’UMP (et dans une moindre mesure, ceux du FN).
Je suis toujours surpris de voir l’assurance avec laquelle nos journalistes, nos politologues et même nos politiciens se lancent dans des explications a posteriori de ce genre. Comme bien souvent, ces élucubrations partielles s’auto-alimentent fiévreusement et chacun y va de sa petite remarque pour mâtiner le commentaire global (défaite, déculottée, déroute, branlée, bastonnade) de ses propres turpitudes, les teinter de son propre agenda et obtenir le bruit de fond assourdissant et sans grand intérêt qu’on peut entendre maintenant.
Regardez, ainsi, comment le chiffre de l’abstention aura été commenté autant qu’il aura fallu avant les premiers résultats, et oubliés aussitôt ceux-ci disponibles. Ce n’est pas anodin : dans l’iconographie politico-journalistique habituelle de la Cinquième République, ceux qui s’abstiennent ont tort (puisqu’ils se sont abstenus) et on peut donc les oublier pour se concentrer sur les vagues (bleus ou roses, peu importe) qui se suivent, se ressemblent et s’analysent de la même façon. Le rappel constant (et navrant) à de précédentes municipales (au mieux) avec des comparaisons à n’en plus finir, ou pire à la précédente présidentielle, en disent finalement plus long sur le match de boxe qui se déroule dans les têtes de ceux qui font l’actualité que sur ce qui s’est réellement passé sur le terrain.
Bien sûr, le FN a certainement réalisé un beau score puisqu’au contraire de l’écrasante majorité des élections précédentes, il va pouvoir récupérer quelques occasions de se faire la main au pouvoir (local) et montrer (par quelques échecs à venir, quelques magouilles retentissantes et quelques gestions hasardeuses) à quel point il s’est effectivement normalisé, banalisé et fera finalement aussi bien (c’est-à-dire aussi mal) que les deux autres partis. Bien sûr, l’UMP récupère un nombre considérable de villes et en gagne certaines qui ne lui étaient pas favorables précédemment. Bien sûr, le PS voit clairement son score et sa base s’amoindrir.
Mais tout ceci est un simple constat d’évidence politique.
Autrement dit, les électeurs veulent toujours une chose de façon claire : le changement, celui-là même que Hollande n’a pas été capable de leur fournir sur les deux dernières années.
Ce qui apparaît n’est pas vraiment le rejet du PS. C’est plutôt le rejet de toute une classe politique, et ce, dans une proportion encore plus grande qu’aux précédentes élections, tant la présidentielle que parlementaire. De la même façon que Hollande fut choisi par rejet de Sarkozy, l’UMP est ici choisi par rejet du PS, et le FN par rejet de l’UMP et du PS quand c’est possible. Et pire encore, ceux qui sont élus le sont par un corps électoral tous les jours plus faible, avec une abstention toujours plus forte, des bulletins blancs ou nuls toujours plus nombreux, et un nombre de non inscrits qui n’arrête pas de grimper.
On peut tenter de tortiller la réalité comme on veut, on peut essayer de camoufler ces éléments derrière les discours les plus enflammés de dirigeants politiques aux accents tribuns, mais elle n’en changera pas pour autant : les politiciens voient à chaque élection s’éroder l’intérêt que leurs portent les électeurs, qui votent machinalement pour l’opposant, quel qu’il soit, afin d’amoindrir le mal du précédent guignol qu’ils ont eu à se farcir.
Et que l’intérêt de l’électeur baisse autant alors qu’il s’agit d’une élection locale indique encore plus clairement que la demande électorale n’est pas remplie. Petit à petit, depuis les maires jusqu’aux députés et au président lui-même, le nombre de personnes prêtes à soutenir ces personnes et les laisser continuer à taper dans la caisse publique s’amenuise de façon sensible ; il ne reste plus que les convaincus, indécrottables, et surtout, une masse informe d’électeurs qui votent par défaut, pour faire barrage au précédent élu, jugé impropre.
Oh, bien sûr, pour le moment, on ne parle pas encore de légitimité amoindrie ; on ne doute pas, en plateau télé, dans les articles et les analyses, de la pertinence du vote ni de la bonne légitimité des élus que le peuple s’offre à grand frais actuellement. Mais le désaveu grandit, à chaque élection. À chaque vote, les discours se font plus futiles et plus creux, les programmes se font plus transparents, les différences entre candidats se diluent (sérieusement, NKM et Hidalgo, vous voyez une différence ?). Et à chaque vote, la base s’amenuise, et la légitimité recule.
Inévitablement, un jour, cette question va se poser. Et ce jour là, elle pourrait être posée violemment.
J'accepte les Bitcoins !
1H36tqprB8ZfPZWohpZthdxuygyuuHu94e
Vous aussi, foutez Draghi et Yellen dehors, terrorisez l’État et les banques centrales en utilisant Bitcoin, en le promouvant et pourquoi pas, en faisant un don avec !
Powered by Bitcoin Tips