« Fonctionner en mode moissonneuse... »
J'avais inventé ce terme pour parler de garçons en général, et d'un en particulier qui visitait son cheptel de jules en fonction de ses caprices et besoins de l'instant, prenant chez chacun ce qui lui convenait au plus grand mépris des attentes réciproques de son partenaire.
Un récent débat plus politique, celui-là, me fait ressortir mon vocable du « mode moissonneuse » à propos de la communication et de l'activisme de l'UMP.
Si on juge le sarkozisme en général et l'UMP en particulier à son modèle de communication et de pédagogie, que voit on?
Une voracité à s'approprier des domaines qui ne lui sont pas dévolus, qu'ils soient publics ou légitimement conquis par la gauche, et un empressement à effacer la frontière gauche – droite pour occuper tout le terrain avec l'air de ne pas y toucher.
Au nombre des domaines publics, l'UMP semble vouloir s'approprier la notion de progrès, par exemple, et s'appliquer à renverser l'image de la dualité progressiste – réactionnaire universellement applicables aux démocraties. Encore à titre d'exemple, Sarkozy travestit le « travail-valeur » qui a fait les beaux jours d'une certaine histoire en « travail - richesse » en oubliant de préciser à qui ce transformisme va vraiment profiter: il octroie généreusement des heures supplémentaires payées à +10% qu'il présente comme un cadeau somptueux aux travailleurs alors qu'elles leur étaient payées à +25% depuis 1936, et répond à la demande patronale d'organiser le travail au noir en les défiscalisant, ce qui prive à la fois les caisses du chômage et de retraite des cotisations correspondantes, et les intéressés de leur bénéfice.
Au nombre des domaines politiques, l'UMP revendique l'héritage de Jaurès et Blum, l'héroïsme de Guy Môquet, qui était communiste, puis de la Résistance toute entière avec son phagocytage du plateau des Glières.
Au nombre encore des domaines politiques, Sarkozy trouve quelques hommes de gauche chez qui le carriérisme prend le pas sur les convictions, et les invite à participer à son gouvernement, avec le double inconvénient de froisser ceux de ses fidèles qui attendaient la juste récompense de leur fidélité et qui doivent s'effacer devant des parachutés, et d'intégrer de force à son équipe des hommes dont la fiabilité et les convictions sont sujettes à caution.
Un peu d'autoritarisme à la tête de ce grand foutoir où personne ne retrouve ses marques lui permettent de faire irruption sur le terrain politique avec trompette et fracas, en organisant un enchaînement effréné d'évènements variés dont chaque nouveauté est supposée faire oublier l'échec de la précédente.
L'ouverture à l'opposition a pour l'UMP les limites très précises des services qu'elle croit pouvoir en attendre. Si elle fonctionne à plein pour le débauchage du personnel et l'appropriation des symboles et valeurs, elle n'a plus cours pour la politique quotidienne.
Le large refus de la constitution européenne a été contourné par « une simplification » qui touchait bien davantage son mode d'adoption que son contenu, et le rejet avant hier de la loi sur les OGM conduit le gouvernement à la représenter sans aucune modification aux députés dans quinze jours.
Il en est de même au sein du monde associatif, où les militants ont reçu pour mission de s'infiltrer, d'y déranger partout l'ordre établi et d'en récupérer l'ébullition.
Ce n'est un secret pour personne que j'ai appartenu à bon nombre des associations de défense des droits des gays et de militance rose, et que j'appartiens toujours à un certain nombre qui ont le bon goût d'exister encore.
Il en est de plusieurs sortes, dont une catégorie très particulière qui est l'association apolitique, qui fonctionne -en principe- comme une articulation autour de laquelle des hommes et des femmes aussi différents que possible et prenant leur différence comme un facteur d'enrichissement, sont réunis autour du seul point commun de leur homosexualité pour faire rayonner leur action dans les domaines variés où ils possèdent autorité ou compétence.
Il y a quelques jours, sur le forum de l'une d'entre elles, j'ai reproduit in extenso et sans commentaires l'article d'e-llico sur la plainte de l'UMP contre des militants gay et leurs 10 heures de garde à vue, exactement comme je l'ai fait sur le billet n° 166 de ce blog.
Je me suis bien abstenu de tout commentaire dans la veine du début de ce billet qui est bien évidemment un discours partisan. Ici, c'est mon blog. Sur le forum de cette association, je modère mes propos, et dans le cas présent, je m'en suis carrément abstenu: j'y ai juste fait un copié-collé d'une dépêche d'agence.
Tollé! J'ai mis le gourou en cause. Enfin, la dépêche met le gourou en cause. Il est intouchable. Alors réponse immédiate:
« Pourquoi reporter sur un candidat élu nos propres erreurs et insuffisances de clairvoyance? »
Forcément, c'est de notre faute. C'est au nom de « nos erreurs et manque de clairvoyance » que Sarkozy a investi et va soutenir à Tourcoing un candidat qu'il a promis de radier de son parti à plusieurs reprises. C'est aussi sans doute une erreur et une insuffisance de notre part d'aller lui rappeler ses promesses...
Qu'aurait-il fallu faire pour ne pas être dans l'erreur et dans l'insuffisance?
Et c'est moi qui parle à travers la dépêche. Alors, on me répond au lieu de commenter.
Le paragraphe suivant de la réponse révèle que Ségolène Royal est également homophobe! C'est vrai qu'elle n'ira sans doute pas faire la gay pride avant longtemps, mais on n'a pas vu le P.S. investir un Vanneste condamné à deux reprises et envoyer son chef le soutenir personnellement.... Il existe bien un socialiste du nom d'Occolier à la Martinique, dont la droite nous rebat les oreilles dès qu'on dit « Vanneste », et qui s'est fait un peu remonter les bretelles par le PS et a néanmoins persisté dans son refus du mariage gay, mais il n'a jamais été condamné pour ses déclarations et personne du PS n'est allé le soutenir, même pas un sous-fifre!
Je passe « la haine (qui m'habiterait) d'une société qui n'est pas la mienne ». Je ne m'étais encore jamais senti marginal à ce point, je me croyais bêtement intégré dans une société avec ma personnalité et mon mode de pensée. C'est cette différence, la haine? Alors, le racisme et la ségrégation, c'est quoi? La droite conteste, la gauche hait?
Après ce beau discours, l'auteur de la réponse me dit que « nous ne devrions pas prendre parti » dans une association apolitique, (alors que je n'ai fait jusqu'ici que reproduire une dépêche d'agence), et m'assure que notre avenir est néanmoins dans le combat « contre les intolérants qui s'avancent masqués ». Ce n'est pas chez nous que ça existerait, ça !
Il ajoute pour faire bonne mesure « qu'il n'y a pas les méchants à droite et les gentils à gauche », ce qui est un slogan basique qui figure en bonne place dans le mémento du bon militant UMPiste, j'en ai un à la maison. Quand je pense que Debré-père disait il y a un demi siècle des trotskistes qu'ils n'étaient bons qu'à « réciter des slogans », je vois que la recette n'était pas si mauvaise puisque quarante ans plus tard, l'UMP en est toujours là.
(dans le même petit manuel du militant umpiste, on trouve:
« face à un « gauchiste », demandez lui en public cinq bonnes raisons de voter Ségolène, et quoi qu'il réponde, réfutez immédiatement ses raisons sans explication, cela le déstabilisera ». On ne vous l'a jamais fait? D'ailleurs avez-vous remarqué que « chez ces gens là », on distingue « des gauchistes » et des militants de droite. mais pas de « droitistes ». )
Devant ce quasi canular, j'essaie de répondre que je n'ai fait que reproduire une dépêche d'agence, que ce n'est pas de ma faute si tout ce qu'elle décrit est arrivé, et que l'honnêteté historique nous oblige bien à constater que « depuis Pétain, toutes les avanies des homos sont venues de droite ».
Oulà, le mot malheureux que j'ai employé! En disant « depuis Pétain », je prenais un repère temporel d'autant plus précis que c'est bien depuis les pleins pouvoirs accordés à cet individu que tous nos malheurs de l'ère post-religieux ont commencé.
« Pétain à Vichy, ce n'est pas la droite! » me rétorque-ton. Mais ai-je dit quelque chose de semblable? Non! On me le fait dire pour mieux me contredire. Mais c'est moi qu'on accuse de pratiquer des « amalgames »!.
Suit une belle explication suivant laquelle les députés qui ont voté les pleins pouvoirs à Pétain n'étaient pas que de droite. Ce qui est exact. Mais hors du propos! Et qui ne préjuge en aucune manière des lois scélérates que le maréchal va prendre à notre encontre dans les années qui vont suivre.
Pour ma part, je n'ai parlé ni de l'un ni de l'autre... J'ai dit « depuis Pétain » au lieu de dire « depuis 1940 ». Puisqu'on en parle, vous trouverez en note en bas de cet article un résumé des lois homophobes prises par la droite « depuis 1940 » jusqu'en... février 1981. Il était tout de même temps qu'on les arrête un certain 10 mai de la même année, non? Mais ça, je ne l'ai ni dit ni écrit! Je le dis maintenant parce qu'ici, c'est mon blog et que la coupe est pleine!
Lorsqu'on insiste trop, c'est parce qu'on est incompétent. La droite est compétente, la gauche n'y connaît rien, elle plane et délire. C'est bien connu. D'ailleurs, si on en laisse faire certains, bientôt, les incompétents ne voteront plus, ce qui simplifiera grandement la situation. C'est ce qu'on trouve par exemple dans les articles de « rezog », le célèbre site gay qui a ouvert des rubriques de forum envahis par les militants de droite qui trouvent que tout ce qui ne leur ressemble pas est con, incompétent, inculte, mal informé, paresseux, inactif, voire pervers... Vous n'imaginez pas de quoi je m'y fait traiter alors que je n'y ai jamais écrit un mot plus haut qu'un autre. On a les arguments qu'on peut.
Ce n'était là que quelques exemples. Mais ça ne s'arrête pas là. En plus des réponses publiées sur le forum de l'association, j'ai reçu suite à cet article des messages privés. Des messages où, sur un ton paternaliste et condescendant, on me dit:
« On t'aime bien, mais crois-tu pouvoir faire changer d'avis la moitié des gays qui votent à droite? »
Mais l'ai-je jamais prétendu? Quand ai-je dit, où ai-je écrit, que je voulais, dans une association apolitique dont j'ai accepté les règles, pratiquer un quelconque prosélytisme?.
Il est vrai que je ne comprends pas les victimes qui adorent leurs bourreaux, et corollairement, les gays qui votent à droite. Peut-être même suis-je venu là pour essayer justement de comprendre le phénomène. Mais il en est des opinions politiques comme des croyances religieuses et des désirs physiques, ça se ressent, ça ne se démontre pas. Les influences peuvent jouer, mais pas la persuasion! Le mouvement doit venir de l'intérieur de chacun de nous...
Mais si, lorsque je dis à un gay de droite que je ne comprends pas sa démarche et que j'aimerais qu'il me l'explique, il ressent ma question comme une attaque prosélyte, c'est peut-être qu'il a un problème avec ses convictions?
Pour ma part, lorsqu'on me demande pourquoi je suis gay et de gauche, je ne me sens pas agressé, je peux l'expliquer calmement, dérouler mon raisonnement, rapprocher ce qui doit l'être, faire correspondre les faits, les sentiments et les convictions, et je n'accuse pas mon interlocuteur de m'attaquer et de vouloir retourner mes opinions.
Or, à en croire certains membres très échauffés de GayLib, le mouvement des gays de l'UMP, on va voir ce qu'on va voir: Grâce à eux les sauts de puce que nos droits ont pu faire depuis 40 ans vont devenir des bonds de guépard, d'ailleurs, y a-t-il eu une quelconque militance sérieuse avant eux?
Qu'ils veuillent monter dans le train de notre libération, c'est très bien, attendu que jusqu'ici, le parti dont ils émanent s'est plutôt occupé à abattre des arbres sur les rails. Ce sera un agréable changement.
Mais on ne peut pas du jour au lendemain monter dans un train dont on a contesté le voyage pendant un demi siècle, et prétendre tout à trac posséder le réseau, diriger la ligne et conduire la locomotive! Il faut faire quelques preuves, avant. Monteriez-vous dans un train dont les aiguilleurs et le conducteur n'ont pas démontré leur expérience?
Or jusqu'à présent, le seul cheval de bataille de GayLib est le CUC, le contrat d'union civile toujours promis et jamais accordé par le schtroumpf de l'Elysée, et qui apparaît comme une régression attendu qu'en tant que mariage « spécial gay », il réintroduit dans la législation française la notion d'homosexualité dont nous l'avons patiemment expurgée depuis 1981. Et le coup d'éclat de GayLib a été, à propos de l'investiture de Vanneste, à inviter les électeurs de Tourcoing à ne pas voter pour le candidat de son parti. Ce qui est méritoire, mais quelque peu ubuesque et pas très étincelant!
A les entendre, ils réécrivent l'histoire. Comme dans Orwell, c'est la novlangue: il n'y a pas eu de militance sérieuse avant eux, on perçoit même un certain révisionnisme: la situation des gays français n'a jamais été aussi désespérée que ça. Peut-être la comparent-ils à l'Iran?
Bon, on ne va pas épiloguer. Non, je ne vais toujours pas essayer de les faire changer d'avis, pour des tas de raisons.
Parce que c'est « politiquement incorrect » dans une association, , parce que c'est peine perdue hors d'une association aussi, et parce que les faits s'en chargeront de toute façon mieux que moi. Je me contente de dire que je ne les comprends pas, et je ne leur demande qu'à se borner à ne pas me comprendre, mais aussi à cesser de me donner des leçons.
De même que les catholiques se barricadent aujourd'hui pour se protéger de « la concurrence de l'islam » derrière une loi de 1905 qu'ils ont vilipendée pendant un siècle, les gays de droite se parent maintenant d'apolitisme pour masquer leur activisme dans des associations qui, avant leur campagne, étaient vraiment apolitiques. La seule chose qui a changé est qu'avant, on pouvait parler de tout et que maintenant, on ne peut plus parler de rien.
Chose promise, chose due, voici un bref récapitulatif de l'histoire de la répression de l'homosexualité depuis... 1940.
loi Darlan (1942), (sur l'associabilité et la déportation)
loi Pétain du 6 août 1942 portant alinéa2 à l'article 331 C.P.,
loi du 8 février 1945 dite loi Badie portant alinéa 3 à l'article 331 C.P.,
amendements Mirguet(1960), (fléau social)
loi Mirguet (1962) -(un grand bienfaiteur celui-là, Paul Mirguet, 1911-2001, député UNR (gaulliste) de Metz, auteur du célèbre discours contre les vespasiennes).
adoption du classement ONS désignant l'homosexualité comme maladie mentale en février 1968
loi du 3 février 1981, (Piot - Carous) conçue pour atténuer la discrimination contre divers facteurs dont l'homosexualité, devant le « frémissement social », mais dénaturée par de nombreux amendements émanant de Jean Foyer, (UNR) qui en excluent l'homosexualité et ont pour effet de proroger la discrimination homophobe.
Il faudra attendre le 4 août 1982 ( lois et abrogations Badinter) pour balayer enfin l'ensemble de cet arsenal législatif.
Et enfin, je vous rappelle qu'ici, c'est un blog vraiment libre où on peut dire ce qu'on a à dire et poster des commentaires en cliquant ci-dessous.