La crise économique et le climat de morosité sous-jacent ont poussé de nombreux auteurs, économistes reconnus ou non, à écrire sur l’avenir économique de la France. Après les déclinistes version Baverez, les pessimistes façon Attali, voici les réalistes qui essaient de nous secouer et de nous sortir de notre torpeur: Augustin Landier et David Thesmar se sont en effet mis en tête de dénoncer 10 idées qui plombent notre pays et l’empêchent de se développer convenablement. Facile à lire et à comprendre, ce livre mériterait d’être distribué à tous les futurs dirigeants de ce pays…
Voici donc les 10 idées qui coulent la France. Dix préjugés passablement répandus, qui, selon les auteurs, nous empêchent de sortir de crise. Dix idées préconçues qu’il faudrait combattre sans relâche.
- Une France sans industrie, ça va être Disneyland. Autrement dit, ce n’est qu’en relançant l’industrie que l’on redressera l’économie. Taclant au passage Louis Gallois et son rapport, les auteurs rappellent que notre économie est une économie de service, et que ce sont les services qui portent, depuis plusieurs décennies, la croissance. Au contraire, en soutenant à bout de bras un appareil industriel sur le déclin, nos politiques freinent la reconversion nécessaire de ces emplois, en maintenant un espoir, perdu d’avance, d’une possible réhabilitation de filières sur le déclin.
- Pour sauver l’emploi, il faut sauver l’industrie. Seconde erreur de jugement, car l’industrie moderne est avant tout une industrie … de robots. Autrement dit, une industrie sans emplois sous-qualifiés, mais qui requiert des compétences fortes en programmation, robotisation, etc.: retour à la case services.
- Un ingénieur, un vrai, ça travaille dans une usine. Effectivement, ce type de jugement va à l’encontre du mouvement actuel, qui vise à mettre de l’ingénieur dans des domaines où on ne l’attendrait pas: dans la communication, dans la publicité, dans les médias, dans l’univers des jeux ou de la production culturelle, etc. L’économie du digital se construit de cette manière là.
- Il nous faut un état stratège. Evidemment non. Car l’état stratège, c’est avant tout des mesures politiciennes pour assurer une réelection, ou des sondages favorables. Et rarement pour prendre les mesures qui s’imposent (cf les deux premiers points).
- Les marchés, c’est la dictature du court terme. Là aussi, il s’agit d’une appréciation biaisée. En réalité, les marchés ne sont pas la dictature du court terme, mais imposent des réévaluations régulières, à court terme, de manière à éviter un plantage sur le long terme. Vouloir voyager loin ne signifie pas qu’on se dispense de contrôler régulièrement sa vitesse et sa consommation. Mais pour les politiques, cela se traduit par un jugement de valeur sur les investisseurs.
- Une grande banque publique pour nos PME, c’est indispensable. Avec ce chapitre, les auteurs tapent là où ça fait mal. Grosso modo, ce qu’ils expliquent, c’est que les PME performantes n’ont aucun mal à trouver du financement, mais que celles qui viennent chercher du financement auprès des différents organismes mis en place depuis plusieurs années (OSEO, ANVAR, BPI, etc.) sont … les moins performantes. Ce que suggèrent les auteurs, c’est que l’état, pour s’attaquer au marché du crédit, cesse de mettre en place de coûteuses usines à gaz avec des financements en tous genres qui ne profitent pas forcément à la nation, mais s’attaque à la racine du mal: les délais de paiement, qui plombent la trésorerie des PME et les contraint à chercher du financement par tous les moyens. Pas faux…
- La BCE, une institution bornée qui freine la croissance. On touche là à la section plus liée à l’économie et à l’Europe, de ce livre. Ce que disent les auteurs, c’est que ce qu’on reproche à la BCE, ce sont en fait ses qualités intrinsèques, son indépendance nécessaire sans laquelle, en réalité, elle serait inutile.
- Le culte de la concurrence, voilà l’ennemi. En France, on a toujours peur de la concurrence. Alors, sans tomber dans un protectionnisme outrancier, on met en place, ou demande à mettre en place, des mesures qui permettent de préserver des privilèges plus ou moins acquis. Et ce, au détriment des usagers, qui sont ceux qui pâtissent, sur le long terme, de ce déficit de concurrence. Il n’y a qu’à se repasser la séquence taxis contre VTC de ces dernières semaines, ou celle de la filière photovoltaïque il y a quelques années.
- La solution à la crise: plus d’Europe. Evidemment non, tout simplement parce que l’Europe n’a pas encore trouvé de réel mode opératoire qui satisfasse toutes les nations qui la composent, sur le long terme. Le défaut de la Grèce en 2011, et le risque de contagion à d’autres économies, ont montré qu’en la matière, la solidarité n’était pas la plus grande qualité de la constriction européenne.
- Une meilleure gouvernance mondiale, c’est ce qui réglera tout. La guvernance mondiale, nous sommes tous pour, seulement si elle ne nous engage à rien…
Bref, un petit livre cinglant qui remet quelques idées en place, à défaut de constituer la base d’un programme économique…