Tsai Ming-liangrend un vibrant hommage au septième
art, à travers l’un des chefs d’œuvre
de King Hu, Dragon Gate Inn (1964), mais aussi à une salle de
cinéma qu’il a fréquenté dans sa vie avec
son septième long-métrage Goodbye, Dragon
Inn / Bu san (2003). L’auteur taïwanais narre la dernière séance que projette ce cinéma avant sa fermeture
définitive. On y suit alors des personnages allant du simple spectateur au
projectionniste, en passant par l’ouvreuse…
Retrouver un lieu qui convie un
autre film majeur de son auteur, Et
là-bas, quelle heure est-il ? (2001) rappelle toujours de bons moments
de cinéma, mais ici l’heure n’est pas à la fête. On assiste à une veillée
funèbre, le dernier soir d’un cinéma de quartier. Un dernier soir pluvieux
avant l’extinction des feux et des projecteurs. Un bâtiment vétuste et délabré
qui porte avec lui les stigmates du temps, passé-présent. Ici, le film passé se
joue au présent. Et deux des acteurs passés (quels acteurs !) portent avec
eux une époque qu’ils ramènent dans notre présent. On peut donc parler de
dernier hommage avant que la page ne se tourne à jamais. Ce lieu devient alors
synonyme de nostalgie et de souvenirs par lequel Tsai Ming-liang interroge et
interpelle notre rapport au cinéma.
Dans ce Goodbye, Dragon Inn, jamais Tsai Ming-liang n’avait usé d’une telle
épuration et de moyen en tirant des plans-séquences d’une esthétique incroyable
de la lenteur. Le superlatif « Beauté » pourrait résumer à lui seul
la mise en scène du cinéaste. La manière dont il opère la découverte de chaque
mètre carré du vieil établissement de cinéma est d’une ahurissante efficacité. Chaque
cadre, la profondeur de champ sont d’une puissance et renforcent l’atmosphère
toute spéciale qui flotte dans l’air ambiant. L’auteur fait de ce Goodbye, Dragon Inn l’une de ses œuvres
les plus aboutis visuellement parlant.
A travers Goodbye, Dragon Inn, Tsai Ming-liang adopte une volonté militante.
Il lance un cri de désespoir sur la situation actuelle du cinéma taïwanais face
à la concurrence rude de Hollywood et de ses films qui se visionnent dans des
multiplexes, et laissant peu de place aux films non marquetés. Il y dénonce un
pan du cinéma taïwanais qui disparaît à mesure que le temps passe et nous
laisse un message des plus pessimiste. Oui, l’avenir cinématographique ne nous
réserve rien de bon…
I.D.