Christian Bourgois éditeur (2009)
Traduit de l’anglais par Anne Wicke
Je n’avais encore jamais lu Toni Morrison et c’est avec ce livre, dans le cadre du challenge Objectif PAL, que j’aborde son œuvre. J’avais lu de nombreux commentaires élogieux à propos de ce roman, mais je n’avais pas du tout retenu l’histoire. Aussi, c’est avec une certaine curiosité que j’ai commencé cette lecture, sans savoir réellement à quoi m’attendre, et j’ai été assez surprise par ce que j’y ai trouvé.
Première surprise : l’époque à laquelle se déroule l’intrigue, la fin du 17ème siècle, dans ce qui n’est pas encore les Etats-Unis. Jakob Vaark, venu d’Europe, a établi sa ferme en Virginie, et vit quasi en autarcie dans une nature encore sauvage et parfois hostile, se mêlant peu à la communauté baptiste qui constitue son voisinage. A cette époque, la traite négrière commence à prendre son essor mais n’est pas encore généralisée. D’ailleurs, Jakob n’y est pas favorable et c’est bien malgré lui qu’il se retrouve contraint d’accepter une fillette noire, Florens, en paiement d’une dette. Sa seule motivation est que la présence de la fillette aidera sa femme Rebekka à surmonter la perte de leur propre enfant, morte la tête fracassée par le sabot d’un cheval. A la ferme travaille déjà Lina, une indienne rescapée du massacre de sa tribu, Sorrow, une fillette qui a échappé à la noyade et qui manifeste des troubles de la personnalité, ainsi que deux hommes blancs qui effectuent leurs tâches en paiement de leur voyage depuis l’Europe. Alors que Jakob voit la construction de la demeure de ses rêves s’achever, il succombe à une épidémie de variole, qui contamine également sa veuve Rebekka, contraignant celle-ci à envoyer Florens à la recherche d’un homme capable de la sauver.
Autre surprise : le mode de narration qui alterne la voix de Florens et celle d’un narrateur qui raconte les faits vus successivement pas l’ensemble des autres personnages. Ainsi, certains évènements reviennent plusieurs fois dans le récit, sous un éclairage différent, selon le point de vue qui s’exprime. Par exemple, le « don » de Florens, qui donne son titre au roman, en constitue l’ouverture, tel qu’il est vécu par la fillette, dans toute son incompréhension. C’est ensuite le narrateur qui replace l’épisode dans l’existence de Jakob. Finalement, le « don » est une dernière fois évoqué dans les dernières pages, faisant entendre la voix de la mère de Florens, et amenant enfin une touche d’amour et de tendresse.
J’ai été touchée par la force de ce roman, par le style presque incantatoire de Toni Morrison, par l’évocation des conditions de vie de ce petit groupe d’humains isolés dans une nature implacable, luttant tous les jours pour une survie nécessaire mais inexplicable. Qu’est-ce qui pouvait bien les pousser à vivre ainsi, où trouvaient-ils la force de se battre contre des éléments si défavorables ? C’est un vrai questionnement qui se pose pour moi suite à cette lecture.
Avec ce livre, je fais d'une pierre deux coups pour mon avancement dans mes challenges 2014 :
Comme déjà dit plus haut, Objectif Pal 2014 d'Antigone et Romancières américaines de Miss G.