EN VOYAGE(1883) (d'après Maupassant)
L’histoire suivante est arrivée
À une comtesse russe très fortunée.
Menacée de phtisie,
Son médecin lui avait donné le conseil
De quitter la froide Russie
Pour se faire soigner à Menton au chaud soleil
C’est en train qu’elle quitta Moscou
Accompagnée par son serviteur Yvan Soliou.
Juste avant la frontière,
Un homme, l’air inquiet mais fier,
Surgit dans son compartiment
Et lui confia calmement :
« Madame, n’ayez pas peur ;
Je ne suis pas un voleur.
Vous allez me trouver téméraire
Mais veuillez, s’il vous plait,
M’aider à passer la frontière
Sinon je suis perdu ! »
La comtesse, éperdue,
Ordonna à son valet :
« Yvan,
Donne tes vêtements
Et ton passeport à cet homme.
Tu descendras au prochain arrêt.
Je n’ai plus besoin de toi.
Voici une bonne somme
Qui te permettra de rentrer chez toi »
Puis se tournant vers l’inconnu :
« Maintenant, vous êtes mon valet !
Mais ne me parlez plus. »
Peu après, au contrôle des douaniers,
Ils tendirent avec assurance leurs papiers.
Et l’homme dit à la comtesse :
-« Je vous remercie et vous fais la promesse
De ne jamais vous importuner. »
Arrivés à Menton, ils se sont quittés.
La comtesse se fit conduire au sana
Et l’homme, de son côté, s’en alla.
Pendant toute la durée de son séjour,
La comtesse apercevait du solarium
Ce singulier bonhomme
Qui, dans l’allée, chaque jour,
Pendant des heures, attendait.
Il n’est cependant jamais entré pour lui parler.