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Les mots ont un sens : un protectorat n’est pas une colonie!

Par Citoyenhmida

Le 30 mars 1912 est une date clé dans l’histoire du Maroc moderne mais il semblerait que peu de nos concitoyens et de ceux qui s’intéressent au Maroc en fassent grand cas. Et cela entraîne des approximations et des interprétations de l’histoire nationale assez insupportables.

Cette date marque la signature du traité entre la France et le Sultan du Maroc qui établissait le système de protectorat sur notre pays.

Mon propos ici n’est pas revenir sur les causes ni les circonstances qui ont amené le Maroc à ce statut, mais le statut lui-même.

Or certains de mes compatriotes sont convaincus, en toute bonne foi je suppose, que le Maroc a été une colonie française.

C’est une conception complètement fausse de l’histoire de notre pays : le Maroc n’a jamais été colonisé. Il a été placé sous protectorat, français et espagnol, en 1912 et 1955. Mais il n’a jamais été la colonie d’aucun autre état.

Occupé militairement pendant des années, oui !

Privé d’une partie de ses prérogatives en tant qu’état souverain, oui !

Exploité économiquement par une puissance étrangère, soit directement soit par le biais de sociétés, de banques, de populations « importées », oui !

Mais colonisé, jamais !

Les autorités françaises ont tenté de passer du « protectorat » à une « administration directe » sans jamais y réussir leur manœuvre.
Les marocains, à de rares exceptions, les profiteurs et les collaborateurs ayant existé toujours et partout, n’ont d’ailleurs jamais accepté cette situation anormale.

Dès les années 20, les tribus du Rif, sous la férule de Mohamed Abdelkrim Khattabi, se sont révoltées contre l’occupant espagnol aidé de son allié français.

Il convient ici de souligner qu’en 1935, le sultan Mohamed Ben Youssef avait exigé et obtenu que le Maroc continue de dépendre, dans les relations avec le gouvernement français dans le cadre du régime du protectorat, du ministère des Affaires Étrangères et non du ministère de la France d’Outre-mer.

Les forces d’occupation n’ont « pacifié » le pays qu’en 1936, soit un quart de siècle après l’acte de protectorat, après une lutte difficile et inégale entre les tribus et l’armée française.

Juste après est né le mouvement national politique qui va aboutir, avec la collaboration active de la monarchie, à l’indépendance du pays vingt ans plus tard.
Entre ces deux dates, les marocains ne se sont jamais résignés à cette situation humiliante pour le peuple : de Casablanca (avril 1947) à Oujda (16 Aout 1953) , en passant par Tanger (30 mars 1952), les marocains se sont soulevés contre l’occupant dans les localités moins importantes dès les années dans le village de Boufakrane (Meknes) contre le détournement des eaux d’un oued en faveur des nouveaux propriétaires terriens européens ou à Oued Zem (20 août 1955).
Durant les années d’exil de Mohamed Ben Youssef (20 Aout 1953 – 16 Novembre 1955), l’Armée de Libération Nationale a mené des actions tant en zone urbaine qu’en dehors des villes.

Beaucoup diront que cela ne change pas grand-chose au « schlimblic » actuel marocain, que les résultats en fin de compte ne sont pas différents, que c’est une simple question de mots !

Non et mille fois non !

L’histoire de l’Afrique depuis les années « soixante » nous montre que, pour les nouveaux états indépendants et pour les peuples qui les constituent, avoir été une colonie n’induit pas la même situation qu’avoir été mis sous protectorat.

Le principe de l’intangibilité des frontières découlant de la situation coloniale est là pour nous le rappeler avec toutes les conséquences désastreuses qu’ont enduré les populations réunies ou dispersées, au gré des topographes qui ont tracé les limites de tel ou tel pays africain.

Le XIXème siècle a été le moment historique où l’Europe a dominé le monde, économiquement, militairement et même culturellement. Sans réécrire l’histoire, on peut dire que la Conférence de Berlin, tenue entre novembre 1884 et février 1885, a permis d’établir les règles d’un « découpage » systématique de l’Afrique entre les grandes puissances de l’époque.

Certaines grandes puissances ont donc établi sur les territoires qui leur avaient été « attribué » le régime de « colonie ».

Une colonie est donc un territoire occupé par une nation en dehors de ses propres frontières, administré par le pouvoir central de cette nation et maintenu dans un état de dépendance.

Il faut signaler que la situation de « colonie » est marquée par des flux migratoires massifs, l’occupation et l’exploitation d’un espace géographique, la domination politique, culturelle, religieuse et économique, accompagnée parfois de pratiques génocidaires destinés à éliminer des populations locales.

Sans prendre un exemple précis, on peut citer un spectre très large de régions du monde qui ont subi le système de la colonisation : de l’Amérique du Nord colonisée par l’Angleterre à l’Algérie divisée en départements français, de l’Afrique subsaharienne aux multitudes d’îles à travers le monde qui ont jalonné l’empire britannique.

Pour revenir au protectorat que le Maroc a subi, il peut être défini comme le contrôle exercé par un état puissant sur un état plus faible.
Prenant la forme d’une convention ou d’un acte unilatéral, il crée une dépendance limitée de l’Etat protégé à l’égard de l’Etat protecteur.

Le protectorat implique donc le contrôle exercé par un état puissant sur un état en situation de faiblesse économique ou financière ou d’incapacité à assurer la sécurité intérieure sur son territoire.

Le système de protectorat, qui aboutit une dépendance limitée de l’état protégé à l’égard de l’état protecteur, trouve son origine juridique dans une convention.
Pour le Maroc, il s’agit du traité de Fez du 30 mars 1912.

Dans le cadre du protectorat, l’Etat protégé garde une certaine autonomie intérieure et sa personnalité internationale, ce qui le différencie de la colonisation pure et simple.

Le protectorat peut être comparé au régime de « dominion » utilisé par la Grande-Bretagne dans ses relations avec une partie de ses conquêtes outre-mer.
Les « dominion » géraient leurs finances, leur politique intérieure et leur commerce dans les limites fixés par la puissance dominante. Les affaires étrangères et l’armée relevaient par ailleurs de la puissance dominante.

Le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie, tout comme l’Afrique du Sud, l’Inde et le Pakistan, étaient des « dominions » avant de devenir pleinement souverains et de couper totalement les derniers liens juridiques avec le Royaume-Uni.

Ces précisions historiques et juridiques sont utiles pour bien appréhender l’histoire contemporaine du Maroc, notamment la sérénité de nos relations avec les anciennes puissances « protectrices », malgré des conflits plus ou moins artificiels.

Le régime politique marocain n’ayant pas connu de solution de continuité durant le protectotat, le Maroc a traversé les six dernières décennies dans une relative stabilité sociale et politique, malgré des moments difficiles durant la guerre froide et les différentes crises économico-financières et les soubresauts qui ont agité le monde, de la vague du marxisme-léninisme à printemps arabe en passant par l’apparition des courants islamistes.

Ce 30 mars 2014 devrait être l’occasion pour tous les marocain(e)s de faire une halte et de réfléchir à l’avenir de notre pays !

Bien sûr, la situation n’est pas la même qu’en 1912, ni à l’intérieur du pays, dans le monde qui l’entoure, ni dans le monde pris dans globalité !
Mais face à la mondialisation, face à la crise des ressources énergétiques, face aux difficultés financières, face aux tentations aventurières qui ont ébranlé le monde arabe, face aux défis intérieurs qui nous attendent à tous les niveaux (enseignement, justice, emploi, compétitivité, etc.), face aux faux espoirs brandis par des faux prophètes de nous ouvrir de faux paradis, le citoyen(ne) marocain(e) se doit d’être vigilant, sérieux et persévérant.


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