… Ici, en cet instant, se préparait mon jugement. Cet emplacement se formait grâce à un je ne sais quoi, mais un je ne sais quoi qui me connaissait par-delà moi-même. Un je ne sais quoi orchestré par la solitude. Je lui donnai le nom de Mila.
Je devais en ce lieu digérer la terrible peur du vivant, celle de ne pas vivre, d’être coupé, tranché, scié, mis en morceaux, jeté dehors.
Une plainte venant de moi jaillit du cœur même de mon cœur. Battant à perdre haleine, il refusait de se juguler. Puis, le regardant, je me vis sans celui-ci.
Battait-il pour quelqu’un d’autre ? Oh solitude ! Oh Mila, est-ce à vous ce cœur que je croyais être mien ?
D’abord il y a la naissance du corps. A ce moment l’on regarde le cœur qui battait pour soi. Ensuite on apprend à le nommer maman. Plus tard vient une seconde naissance. Là, c’est l’esprit qui regarde son corps et ce cœur qui bat encore.
Ce cœur battant me refroidit alors de son regard et d’un bref chuchotis de damoiseau il me dit :
« Je te donne ce qui de toi me fait vivre
et tu me donnes ce qui en moi est ta
Naissance ».
Je vis en cette seconde tous mes rêves passés défiler comme rivière sait laisser couler. Les fantasmes que j’avais oubliés, de tout cela j’ai dû tout manger. Je dus mastiquer des milliers de tranquillités et de déceptions. Je bus des extases et des tourments. Je traversai le mur de l’imaginaire. Je me trouvai alors entouré d’un fluide sur lequel il n’y avait pourtant aucun reflet de moi, mais qui suivait quand même les mouvements de ma respiration.
Où étais-je et qui étais-je n’avaient aucune importance devant la vénusté de cet état ! Je me sentais transitoire. Sans début ni fin. Un simple moment des circonstances.
L’image du jour de ma naissance me devint une vue grossière de la vie, car c’était dès éternels changements que s’ordonnait et se profilait mon visage. Portrait devant lui aussi faire place à ce je ne sais quoi … un jour ou une nuit.
Je sentais que le sens du mot âme n’était que le refrain d’une mélodie qui dépassait de je ne sais combien cette vie. Je vis aussi tout le vide des textes et leur impuissance à exprimer la vérité du moment, leur débilité à oser nommer. La conscience des chaînes lorsqu’on ose les employer.
J’étais là parce que j’avais laissé s’éteindre et se consumer d’elles-mêmes toutes mes peurs. D’ailleurs elles n’avaient jamais été à moi.
Le poids du passé ayant été enflammé et mangé, je constatai combien il était vain de s’accrocher à l’envol des êtres aimés et encore plus de protéger les peines de ces essors non souhaités.
Vivant en cette ancienne et immortelle réalité, au centre de l’alchimie de la vie, je détenais enfin un vrai pouvoir d’une sagesse insondable : celui…
A suivre…