Ipomée
« Le déprimé vit dans le passé, l’anxieux dans le futur. L’heureux vit dans le présent… ».
La peau de chagrin de la félicité.
Nous oublions vite ce qui nous procure un sentiment de bonheur. C’est encore plus flagrant si nous réfléchissons aux événements nous apportant un « gros » bonheur : un mariage, une promotion professionnelle tant attendue, l’achat de son habitation…
Ces évènements revêtent d’autant plus un caractère symbolique (construire sa vie, évoluer, s’enraciner…) qu’ils devraient en eux-mêmes être considérés et vécus comme un bonheur durable dans le temps.
Nous devrions en conserver une présence vivace à l’esprit puisqu’ils représentent des moments forts de notre existence.
Or, ils se retrouvent très vite fondus dans le quotidien et la sensation de bonheur rattaché à ces événements s’étiole comme une peau de chagrin au fur et à mesure que le temps s’écoule.
Contre ce phénomène d’habituation qui finit par nous rendre amnésique, rien de mieux qu’un examen régulier de sa situation personnelle :
- Vous avez un job intéressant dans lequel vous vous épanouissez ? Soyez en pleinement conscient car c’est une chance !
- Vous avez un conjoint, une famille, même si elle n’est pas parfaite ? Idem, vous pourriez errer seul comme une âme en peine…
- Vous vivez dans un endroit qui vous satisfait, que vous avez choisi même si ce n’est pas une belle demeure avec parc arboré et piscine chauffée ? Idem.
L’intérêt de cette pensée introspective, de cet examen sincère de notre vécu, réside dans l’acquisition d’une approche naturelle de non-habituation ce qui permettra de rebondir plus vite, lors de la survenue d’événements difficiles dans notre vie, vers une situation pacifiée ou vivable comme telle. Car si nous nous habituons au bonheur au point de ne plus le voir, le contraire est également vrai et nous pouvons être contaminés par une habituation au malheur qui nous contraint involontairement à vivre sur un mode défaitiste sans que nous n’ayons pas conscience de ce travers.
D’une manière générale, le bonheur est souvent déjà là, devant nos yeux, dans notre présent, bien plus qu’il ne réside dans un futur forcément hypothétique qui se réalisera - ou non - et qui sera conforme à notre désir - ou non.
Notre optique devrait être de considérer ce qui est acquis au même titre que de poursuivre des objectifs qui sont bien entendu un moteur de la vie humaine.
Laissez venir les petits bonheurs !
D’ailleurs plutôt que de parler du bonheur, ne devrions-nous pas évoquer « les bonheurs » ?
Ce qui ne facilite pas la mise en évidence du ou des bonheurs, c’est l’éparpillement de ce qui provoque le sentiment de félicité. Il y a plus de confettis de bonheur jetés sous nos pas que de bloc de pur bonheur posé sur notre route.
En étant capable d’identifier et de vivre pleinement les moments de grâce qui émaillent notre quotidien, nous concevons vite que le bonheur va bien plus loin que de gagner au loto ou de garer une Ferrari en bas de chez soi.
Comme nous l’avons déjà dit, l’habituation au bonheur fait que nous ne le discernons plus dans notre vie alors même que tout va bien.
Pour en prendre conscience, le plus simple est de décider de se poser régulièrement et de noter les bons moments de la journée : discuter avec un proche, goûter le soleil après des jours de grisaille, faire quelques pas dans un parc, savourer une journée ou tout se sera bien déroulé, voir un bon film, s’évader dans les pages d’un livre passionnant, croiser un vieil ami perdu de vue, faire une nouvelle expérience, rester ouvert aux occasions...
Se réapproprier ces instants agréables passe par avoir pleinement conscience de leur réalité et ainsi devenir de plus en plus réceptifs à leur survenue. Ces moments doux ne sont au final pas aussi rares que nous le pensions. Objectivement, leur disparition ne nous rendrait-elle pas un peu malheureux ?
Alors, qu’attendons-nous pour sortir notre plume la plus lucide et écrire notre propre mélodie du bonheur ?