L'histoire :L'écrivain Gerard, bisexuel, tombe sous le charme de Catherine, une femme fatale qui tue ses amants après leur avoir fait l'amour
La critique d'hdef : Difficile de parler d’un film aussi complexe que Le Quatrième homme de Paul Verhoeven, qui est l’avant-dernier film du réalisateur de RoboCop en Hollande avant son départ aux USA (suivra La Chair et le sang). Le Quatrième homme aborde de nombreuses thématiques, la plupart tournant autour des fantasmes sexuels chez un homme mûr (magnifiquement joué par Jeroen Krabbé, que vous avez probablement vu en méchant dans Tuer n’est pas jouer), sujet récurrent chez Verhoeven (cf Basic instinct). Le Quatrième homme est donc, à n’en point douter, un film particulier et assez unique, qui partage les cinéphiles depuis plus de 30 ans. Quoiqu’il en soit, il est indéniable que Le Quatrième homme a laissé une trace indélébile dans l’histoire du cinéma mondial et reste à ce jour l’un des meilleurs films jamais fait sur le sujet. Personnellement, il a d’ailleurs rejoint mes films préférés et est aussi, avec Turkish delices et La Chair et le sang, l’un des meilleurs films de son cinéaste ! Une œuvre essentielle donc, que tout cinéphile se doit d’avoir vu au moins une fois dans sa vie.
Avec Le Quatrième homme, Paul Verhoeven signe un film pour le moins dérangeant puisqu’il nous plonge dans les désirs les plus intimes d’un homme qui va tomber sous le charme d’une femme fatale manipulatrice, Catherine, qui évoque à bien des égards la Catherine Tramell de Basic instinct, puisque comme Sharon Stone dans le film de 1992, Catherine (et oui, c’est aussi le nom de la femme fatale de ce film-ci ! Pas mal de coïncidences non ?) tue aussi tous ses amants après avoir fait l’amour avec eux. Le héros du film (écrivain) va donc se retrouver pris au piège...
Particulièrement cru dans sa démarche, le film de Verhoeven est aussi l’un des plus violents que j’ai vu, et qui a le mérite d’avoir un démarrage sur les chapeaux de roues : il commence par une scène où Krabbé, nu, tue son amant violonniste. Par la suite, le film s’articule autour des cauchemars prémonitoires et abominables de l’écrivain. Inversant la domination de l’homme sur la femme, Le Quatrième homme peut aussi se voir comme une peinture au vitriol des mœurs de toute une époque.
Bisexualité, homosexualité, tout y passe dans une forme de trip psychédélique écrasant où chaque acteur livre une inoubliable prestation de chair et de sang (surtout de chair). Mention spéciale à Krabbé qui se donne à fond dans ce délire ultraviolent et proche de l’abstraction. Encore aujourd’hui, les acteurs pouvant se targuer d’une telle performance dans un rôle aussi ambigu se comptent sur les doigts de la main du méchant des 39 marches d’Hitchcock.
Assumant complètement ses références, le film de Verhoeven s’inspire volontiers des films de Brian De Palma (Dressed to kill, Sisters sont abondamment cités) pour montrer l’acte sexuel par analogie avec un acte de violence et aussi pour les scènes de meurtres particulièrement graphiques. On y retrouve également certains passages purement gores qui déconcerteront beaucoup de spectateurs à n’en pas douter (castration, énucléation...).
Vous l’aurez compris, Le Quatrième homme est un film dont on ne ressort pas indemne. Pas étonnant donc, pour le scandale provoqué par le film. Effectivement, il ne sortira d’ailleurs en France qu’en 1992 (en même temps que Basic instinct !!!) et ce malgré un prix à Avoriaz, qui aimait bien récompenser ce genre de film à l’époque (Le Quatrième homme en 1983, Blue velvet en 1986, The Fly en 1987 je crois). Et c’est toujours ce parfum de scandale qui attire les gens pour voir Le Quatrième homme les rares fois où il passe dans des salles de quartiers pourries ou dans un cinéma d’art et d’essai à Pétaouschnock. Mais ne nous égarons pas, Le Quatrième homme est bien plus qu’une banale curiosité tout juste bonne à exciter les intellos sexuellement frustrés qui voient le film entre une projection du Cheval de Turin et de La Belle noiseuse à l’époque où l’on pouvait payer une place pour voir trois films à condition de rester dans la salle. Non, Le Quatrième homme est plus que ça. C’est aussi un film qui bouscule le spectateur et l’amène à réfléchir sur la position de voyeur dans laquelle il est mis par le cinéaste dans une scène où SPOILERS le héros se retrouve face à un homme attaché à une croix et simplement habillé d’un slip rouge. Le héros, voyant cet homme au visage impassible sans défense, y voie immédiatement l’opportunité de l’abuser en regardant ses organes génitaux FIN DES SPOILERS.
Que penser d’une scène pareille ??? À mon sens, la question de Verhoeven n’est pas à ce moment « que feriez vous dans cette situation (car tout le monde n’est pas gay) » mais plutôt « Que penser du personnage après cette scène ? » et aussi « Où est le voyeur ? ». Le voyeur est-il celui qui regarde l’homme nu accroché à la croix ou bien celui qui regarde celui qui regarde ? Particulièrement malsaine, cette scène, probablement la meilleure du film, amène le spectateur à remettre en question sa propre condition de spectateur, et à prendre parti (on ne peut pas rester insensible à cette scène).
En conclusion, Le Quatrième homme est un film très important qui choque et bouleverse. Une expérience cinématographique pas forcément agréable mais nécessaire.
Note : 20/20 (le 21 n’est pas loin).
NB : À noter que le montage est signé Jan de Bont, monteur attitré de Verhoeven. Il passera par la suite derrière la caméra, avec le très bon Speed en 1994, avec Keanu Reeves, Sandra Bullock et Denis Hooper.