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La conscience du « sage »

Publié le 28 mars 2014 par Joseleroy

Izutsu Toshihiko (1914-1993) est un professeur de philosophie japonais, spécialiste de mystique arabe et orientale. Il est l'auteur de remarquables livres sur le bouddhisme zen ou le soufisme. Il existe deux livres de lui en français

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Voici un extrait récemment traduit : Conscience et essence:

philosophie-japonaise

"Laozi exprime cette situation ainsi :

 À l’état du désintéressement éternel, on voit la réalité mystérieuse du Tao.

À l'état de l'intéressement éternel,on voit la diversité phénoménale du Tao.

«Toujours désintéressé » signifie la manière originaire d'être de la conscience profonde : état de conscience sans lieu d'attachement absolu, qui ne s'attache jamais à rien qui soit posé comme objet à travers le nom, état de conscience qualifié par les maîtres du bouddhisme zen de «rien de sacré» ou «originairement rien ». Ici, la conscience n'est pas «conscience de... » : elle est conscience sans objet et non intentionnelle, à savoir inconscience. Dans la pensée orientale, on reconnaît partout cette sorte de conscience sans conscience ou de méta-conscience comme un fait vécu : c'est un des caractères fondamentaux de la philosophie orientale en général.

Ainsi, à travers une telle conscience sans conscience ou méta-conscience, on voit «la réalité mystérieuse de Tao», à savoir la vérité profonde et fine de l«Être» absolument non articulé (« Tao») dans sa non-articulation absolue en tant que telle. Remarquons bien qu'une telle « réalité » se révèle « sans nom », de par la relation à la phrase qui précède: l'absence du nom signifie celle de l'articulation, celle de 1'«essence». L’ « Etre » qui apparaît à ce niveau de la conscience n'a aucune distinction essentielle: il s'agit précisément du monde où langage et  «essence» chutent. Voilà ce que Laozi entend par la « réalité mystérieuse de Tao ».

En revanche, le monde que voit la conscience superficielle est celui où l’« Être » s'articule langagièrement à travers les noms, et où des choses variées surgissent, chacune déterminée par l'«essence», à savoir la région de la «diversité phénoménale». Cette «diversité» signifie la manière d'être de l’ « Etre » distingué par des contours distincts et articulé en formes clairement visibles. Et Laozi appelle la conscience superficielle qui voit un tel monde, l'«état de l'intéressement éternel ».Il s'agit d'une manière d'être de l'âme qui s'attache aux choses ontologiquement parlant, c'est la conscience qui pose des choses diverses selon les « essences », et les rend étants.

Le monde sans « essence » et celui des choses constituée par les « essences » infinies - ces deux dimensions de l’« Être » tout en s'opposant nettement l’une à l'autre, se réconcilient en s'équilibrant dans un seul horizon de l'«Être». Le regard de celui qui a vu le monde sans «essence» voit paisiblement le monde plein des choses divisées par les «essences ». L'« état de l'intéressement éternel » et l’ « état du désintéressement éternel » se réconcilient dans une unique structure de la conscience. Tout en étant fondamentalement hétérogènes l'un à l'autre, ils ne sont pas définitivement divisés. La conscience du « sage » ne ressent aucun embarras ni aucun trouble, même si par les chutes du langage et de l’«essence», les repères de toutes les choses disparaissent.

Une telle manière d'être du « sage oriental », capable de voir le néant et l'être de l'«Être » pour ainsi dire en double vue, en faisant fonctionner en même temps les consciences profonde et superficielle , Sôjyô la décrit ainsi :  comme le sage vide sa conscience (il se met à la dimension inconsciente en dissipant les objets que vise la conscience superficielle comme «conscience .. » et voit le monde empirique de ce point de vue-là), il ne reconnait aucune chose comme objet fixé par l'«essence», et ainsi n'en a aucune conscience; il reste à l'état du non-agir tout en vivant dans le monde de la réalité effective quotidienne, il habile une dimension transcendant la fonction langagière qui évoque l’ « essence » tout en restant dans le monde où toutes les choses s’articulent à travers leur «essence»; à un tel état silencieux, il a plus de silhouette à une chose, plus une seule n'est reconnaissable à la figure ou au langage."


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