Synthétiser la fonction biologique d’un chromosome, créer une vie artificielle, c’est l’objet de cette recherche internationale, dirigée au New York Langone Medical Center et présentée dans l’édition du 27 mars de la revue Science. Ici c’est synIII, un chromosome fonctionnel de la levure, mieux que nature, que ces chercheurs sont parvenus à produire artificiellement, tout en adaptant ses bases génétiques de manière à l’équiper exactement de l’ADN nécessaire à sa croissance et sa reproduction. Si cette prouesse scientifique pose quelques questions éthiques, elle est d’ores et déjà reconnue comme une étape importante pour la biologie synthétique et en particulier pour le développement de de micro-organismes ouvrant de nouvelles voies thérapeutiques.
Le Pr Jef Boeke, directeur de l’Institut Langone du Johns Hopkins, de la Loyola University, de plusieurs universités chinoises, australiennes, britanniques, et écossaises sont ainsi les premiers à développer « from scratch » un chromosome entier appartenant à un micro-organisme eucaryote, la levure.
Derrière cette étape importante, il y a l’objectif de construire un génome synthétique complet de la levure, explique le Dr Boeke. Car ce chromosome est différent du chromosome « naturel ». Presque identique à ceux des cellules de levure sauvage, il possède de nouvelles capacités dont la levure sauvage n’est pas dotée.
Un super-chromosome nommé synIII: Pour accomplir cette prouesse scientifique, l’équipe a travaillé durant 7 ans, avec l’aide de la conception assistée par ordinateur. SynIII comporte 273.871 paires de bases d’ADN vs 316.667 paires de bases chez la levure de base. L’équipe a apporté pas moins de 500 modifications génétiques afin d’extraire les parties répétitives de certaines paires de bases d’ADN jugées inutiles pour la reproduction et la croissance des chromosomes ainsi que le junk ADN ou encore les gènes susceptibles de mutations. L’aboutissement est un chromosome tout à fait fonctionnel incorporé avec succès dans la levure de bière. Au total, expliquent les chercheurs, plus de 50.000 modifications du code de l’ADN dans le chromosome ont été effectuées, et le chromosome synthétique est robuste et doté de nouvelles capacités.
Sc2.0, des implications à terme pour l’Homme : C’est aussi un exemple de coopération scientifique internationale, Sc2.0, qui n’est pas sans implications possibles pour l’Homme. Car environ un tiers des gènes de la levure est également présent chez les humains. C’est la preuve de concept d’une nouvelle capacité à manipuler de grandes sections d’ADN sans compromettre la viabilité et la fonction chromosomique, une avancée qui pourrait profiter, à terme, au traitement de nombreuses maladies. Les souches de levure synthétique pourront, en particulier, être utilisées dans la fabrication de médicaments rares ou de vaccins.
La synthèse de chromosomes de levure se poursuit, avec l’ambition de faire plus vite pour moins cher.
Source: Science 27 March 2014 DOI: 10.1126/science.1249252 Total Synthesis of a Functional Designer Eukaryotic Chromosome et Synthetic Yeast 2.0(Visuel)