Série créée par Steven Moffat et Mark Gatiss en 2010.
Diffusée en janvier 1014 sur BBC 1 et en avril 2014 sur France 4.
Les deux premières saisons de Sherlock développaient la relation entre le détective Sherlock Holmes et son compère, le Docteur Watson, à travers des intrigues policières toutes plus prenantes les unes que les autres. Tout en affrontant le terrible Moriarty ou le chien de Baskerville, les deux hommes apprenaient à vivre ensemble. Mais les créateurs explorent maintenant de nouvelles facettes de l’œuvre d'Arthur Conan Doyle : d’abord le suicide de Sherlock, ses tourments, mais aussi son addiction à l’héroïne, récurrente dans les livres. On voit donc Sherlock dans des états qu’on ne lui connaissait pas. On retrouve bien sûr la relation entre les deux hommes, qui s’agacent, se disputent, mais on creuse plus profond. Après son pseudo suicide, Sherlock a changé. Croyez-le ou non, il commence à devenir…humain ! Il y a peu de lien entre les épisodes, si ce n’est cette évolution. Le détective se révèle –enfin ?- sensible et montre son attachement à son ami (enfin, ça reste quand même du Sherlock : ses sentiments sont encore très mesurés !). Il est complètement désarçonné par l’émancipation de Watson, plus que quand il combattait Moriarty, c’est dire ! Il tente de tout calculer, de tout contrôler, mais les choses lui échappent…et ça fait du bien ! On était loin de se lasser des déductions du détective, mais Sherlock aurait pu vite tourner en rond et devenir une série au schéma récurrent (Sherlock et Watson contre les méchants). Les scénaristes, en s’attaquant en profondeur à l’évolution de la personnalité de Sherlock, font également évoluer la forme de la série.
Un personnage récurrent fait son apparition, et pèse fortement sur le duo. John va se marier avec Mary. Le trio marche parfaitement, et Sherlock, d’abord retors à accepter que Watson puisse avoir une vie en dehors de lui, laisse peu à peu cette femme entrer dans sa vie ! Les dialogues sortent spontanément de la bouche des acteurs, on se répond du tac-au-tac, et Mary s’intègre parfaitement dans le quotidien des deux hommes.
Amanda Abbington (Mary), à gauche.
Dans un premier temps, la troisième saison est moins grave que les deux premiers volets. On commence d’abord par un épisode entièrement consacré aux différentes théories concernant le sauvetage de Sherlock. On soupçonne les auteurs de l’avoir écrit pour contenter les fans, las d’attendre deux ans entre les saisons 2 et 3. L’intrigue policière est alors relayée au second plan mais on jubile d’entendre et de voir les interprétations les plus farfelues à propos du suicide de Sherlock. Le deuxième épisode est complètement déluré, avec un enterrement de vie de garçon absolument hilarant, à la sauce Sherlock (vous pouvez donc tout imaginer, le meilleur comme le pire) et un discours d’honneur au mariage de Watson pour le moins original dont on se souviendra longtemps.
S'il y a une évolution dans le fond, certains éléments, eux, restent fidèles aux deux précédentes saisons. La mise en scène est encore une fois intelligente. Une séquence particulièrement ingénieuse donne vie aux conversations que Sherlock entretient avec plusieurs femmes sur messagerie instantanée. Ces personnes se matérialisent alors dans une salle d’audience, et Sherlock les effacent littéralement de notre écran au fur et à mesure qu’elles s’avèrent inutiles à ses recherches. Brilant !
On a le sentiment que les acteurs s’amusent encore plus que dans les autres saisons. Le tournage s’est déroulé dans une excellente ambiance, et les acteurs ont eu beaucoup de liberté d’improvisation. La séquence de l’enterrement de vie de garçon est d’ailleurs en grande partie improvisée. Cela explique aussi son côté burlesque. La complicité entre Benedict Cumberbatch (Sherlock) et Martin Freeman (Watson) est évidente et éclatante. Quant à l’actrice qui joue Mary, Amanda Abbington, elle complète parfaitement le trio. Et pour cause, elle est dans la vie la compagne de Martin Freeman, et Benedict Cumberbatch est un ami intime du couple depuis maintenant quelques années. Cette connivence se ressent et n’est pas pour rien dans le bon fonctionnement des dialogues et de l’humour dans cette saison.
Martin Freeman (Watson), Lars Mikkelsen (Magnussen) et Benedict Cumberbatch (Sherlock).
Après la disparition de Jim Moriarty, les scénaristes Stephen Moffat et Mark Gatiss avaient besoin de créer un méchant original. Presque plus terrifiant que Moriarty, Charles Augustus Magnussen est un magna de la presse. Sa passion ? Ccollecter des informations sur toutes les personnes dont il pense pouvoir se servir un jour. Maître chanteur, grand, calme et froid, l’homme d’affaire est diabolique et omnipotent. Ce personnage est servi par un thème musical très rythmé et implacable. Il pousse Sherlock dans ses retranchements, dans ses angoisses les plus profondes, alors qu’on le sentait si sûr de lui face à Moriarty. Que de changements ! L'acteur danois Lars Mikkelsen (Magnussen), aperçu dans les séries Borgen et The Killing, est absolument parfait. Il dégage une assurance horrible et une lenteur cynique. Tel un serpent (il a les mains moites, il inspire du dégoût), Magnussen se tapit, près à frapper n'importe quand, n'importe qui. Sherlock le sait, reste pétrifié et perd ses moyens en se sentant incapable de le contrer dans l’affaire qui les oppose. Le combat est glaçant !
La saison 3 de Sherlock réserve donc pour les personnages beaucoup de surprises et de chamboulements. Elle nous amuse et nous ravit, sans pour autant renier ses origines policières. La série britannique est à voir dès le 3 avril prochain sur France 4, en version multilingue (on vous conseille vivement la version originale !).