Genre : Thriller, survival (interdit aux moins de 12 ans)
Année : 2012
Durée : 1H27
L’histoire : Au cœur d’une immense forêt inconnue, un homme se réveille après avoir été enterré vivant. Il n’a plus aucun souvenir de ce qui s’est passé et de qui il est. Mais il va vite réaliser qu’il est en réalité la proie d’un tueur sadique qui veut l’éliminer lui et le reste de sa famille perdue dans la forêt.
La Critique de Vince12 :
L’une des mes claques cinématographiques les plus récentes, est un film indonésien réalisé par un certain Joko Anwar en 2012. Ce film, c’est Modus Anomali : Le réveil de la proie. A sa sortie le film a reçu un accueil mitigé. Certains médias y ont vu un coup de maître (comme Mad Movies par exemple) d’autres par contre, bien qu’ayant trouvé le final surprenant, ont aussi trouvé le film invraisemblable et ennuyeux (comme TF1 News, c’est dire la référence !). Pour ma part je ne crierai pas au génie mais presque. Je me situe donc évidemment dans la première catégorie. Car en effet pour avoir revu ce film il m’est apparu qu’il va assez loin dans son débat et repousse certaines limites cinématographiques.
En réalité Modus Anomali ressemblerait à un croisement entre Délivrance, Predator, Vendredi 13 et Funny Games. Il est d’ailleurs assez difficile de parler de ce film sans trop en dire un peu comme pour L’Echelle de Jacob (même si les deux n’ont strictement, mais alors strictement rien à voir !). Ceux qui ont vu ces deux œuvres pourront comprendre de quoi je parle.
Attention SPOILERS !
Un homme enterré vivant se réveille et parvient à se déterrer. Il réalise alors qu’il se trouve perdu en plein cœur d’une gigantesque forêt inconnue. Il prend son portable et se rend compte qu’il n’y a plus aucun contact. Il réalise soudain qu’il ne se souvient plus de rien, ni même de son propre nom. Il se met alors à courir, paniqué dans la forêt, à la recherche d’aide. Dans son portefeuille il trouve des photos de lui et de sa famille dont il ne se souvient presque pas.
Dans la forêt il finit par trouver une petite maison en bois. A l’intérieur se trouve notamment un caméscope branché sur la télé et sur lequel il y’a un mot demandant de visionner la vidéo. L’homme exécute l’ordre et découvre sa femme enceinte en train de se faire percer le ventre à coup de couteau par un chirurgien masqué. Paniqué l’homme cherche à fuir mais en reprenant le caméscope, il découvre des films de famille dans lesquels il voit sa défunte femme ainsi que sa fille et son fils.
Pensant que ces deux derniers sont peut être encore en vie, il décide de les retrouver. Mais la nuit tombe sur la forêt et bien vite il comprend qu’il est pisté par un tueur sadique pour lequel il n’est qu’une proie. Pire il réalise qu’il est piégé dans une sorte de « labyrinthe » conçue par le tueur dans lequel se trouve des indices étranges (des réveils cachés à plusieurs endroits) et morbides (des cadavres mutilés et pourris avec des indications taillées sur le corps au couteau). Tout cela ressemble à un jeu de piste macabre qui mène vers une solution. Mais l’homme cherche avant tout à retrouver son fils et sa fille qui sont bien vivants mais eux aussi perdus dans la forêt, à la recherche de leur père et à la merci du tueur.
Modus Anomali prend clairement dés le départ l’allure du Survival par excellence. L’homme moderne se retrouve ici livré à lui-même dans une forêt hostile. Devenu une proie il doit retrouver son instinct primitif pour survivre. Il devra aussi composer avec ce que la nature lui offre pour tenir le coup et fabriquer des pièges contre son ennemi. C’est d’ailleurs plus ou moins la philosophie de la plupart des grands survivals. Modus Anomali n’est donc pas sans rappeler Délivrance ou encore Predator. A la différence que le film d’Anwar pousse le débat encore plus loin et propose un traitement assez personnel.
En premier lieu, parlons de la réalisation. L’un des points forts du film. Anwar parvient à capter des images magnifiques de cette forêt qui paraît être un gigantesque océan d’arbre et de terre. Les différentes cabanes et maisons s’apparentant à des îles, dans lesquelles on ne sait pas ce qu’on va trouver. Ensuite le réalisateur entretient très bien ce climat sauvage. Calme et paisible le jour. Terrifiant et dangereux la nuit tombée. La réalisation d’Anwar se veut d’ailleurs parfois contemplative. Le rythme est lent par moment, et il y’a au final très peu de dialogues dans tout le film. Le réalisateur préfère installer lentement mais surement, un climat d’angoisse. Et c’est sur cet aspect que Modus Anomali marque des points. Anwar sait très bien gérer la tension et le suspense pour faire monter une angoisse oppressante. Il choisit de nous placer dans la peau de son personnage principal pour que l’on partage toutes ses émotions. Il a recours également à plusieurs procédés ingénieux. Par exemple faire apparaître des lueurs étranges et indéfinies au loin dans la forêt. Il rend aussi les traqueurs de notre homme plus terrifiants en les faisant d’abord apparaître de loin, on distingue ainsi leur silhouette en train de se rapprocher lentement tels des fantômes. Clairement Anwar sait y faire et la réalisation sert un scénario remarquable sur lequel je reviendrai plus loin.
Au niveau du casting, on a aussi droit à des acteurs très convaincants. Bien sûr on est surtout marqué par la prestation de Rio Dewanto. L’acteur est totalement investi dans son rôle et sait très bien jouer sur la personnalité de son protagoniste. Il contribue largement à la qualité du film. Les autres sont eux aussi très crédibles mais beaucoup moins mis en valeur.
Pour parler également de l’ambiance sonore du film, je constate que Modus Anomali ne contient pas de musique. Tout le fond est fait de bruitages de la forêt sauvage entretenant une fois encore l’immersion et l’angoisse.
L’un des seuls défauts que je trouve au film, c’est sa courte durée. On ne peut pas blâmer le réalisateur qui a été contraint de travailler à l’économie et ne pouvait donc pas se permettre un film trop long. Mais cette durée est bien un problème. Clairement cela ne permet pas vraiment de développer cette notion de jeu de piste labyrinthique. C’est d’ailleurs l’un des aspects passionnants du film.
Comme je l’ai déjà dit, sur le fond Modus Anomali se situe dans la lignée de Délivrance et de Predator. Il est ici question d’un homme moderne, qui pour survivre, doit retrouver ses instincts animaux et primitifs. Sauf qu’ici l’homme n’est pas un militaire ou n’a pas des potes avec lui. Il est seul et doit tenter de retrouver sa famille. Mais plus que ça Modus Anomali peut aussi rappeler Les Chasses du Conte Zaroff. L’homme devient une proie pour l’homme. Cependant ici tout prend la dimension d’un jeu de piste, d’un véritable labyrinthe avec des indices dissimulés partout. Le tout s’apparente à une gigantesque énigme. Quelque part on pourrait parler de Survival Iniatique. La réponse à cette énigme le personnage la trouvera et on comprendra alors la portée du film. Je dois donc en parler pour conclure mon analyse personnelle, cela dit je la réserve à ceux qui ont vu le film pour les autres ça serait un gâchis de connaître le fin mot de l’histoire.
ATTENTION GROS SPOILERS ! CEUX QUI N’ONT PAS VU LE FILM, SAUTEZ LE PARAGRAPHE CI-DESSOUS, NE LE LISEZ SURTOUT PAS ET REPORTEZ VOUS A LA PROCHAINE MENTION « Fin des gros Spoilers » !
La découverte de ce jeu de piste sera donc une boîte contenant une seringue remplie de drogue. Drogue qui après de violents maux, va faire retrouver sa mémoire à notre homme. On va donc le voir sous un autre jour. Notamment quand il s’en prend à une famille de vacanciers. On va alors passer par un long stade d’incompréhension avant de saisir ce qu’il est vraiment en train de faire. On réalise alors que depuis le début il est le tueur et qu’il se met lui-même dans la peau d’une proie, pourchassée par ses anciennes victimes qui cherche désormais à le tuer pour sauver leur père (qui en réalité est déjà mort). On comprend que tout ce qu’il lui est arrivé dans la première partie, était issue de sa propre mise en scène. L’histoire est clairement tordue mais géniale et surtout remarquablement mise en scène. Joko Anwar est méticuleux et a bien pris soin de placer tous les détails nécessaires pour rendre le tout le plus crédible possible. Modus Anomali nous parle donc bien d’un retour à l’instinct animal, mais ici à l’instinct de proie. L’homme trouve sa jouissance dans la persécution, la terreur, le danger, la souffrance et la douleur. De plus cet homme comme on le découvre dans la seconde partie, semble réellement avoir une famille qui vit loin de lui, il apparaît donc comme un personnage du commun mais qui, peut-être blasé de la vie du quotidien, retrouve la jouissance par l’extrême. Ce débat social aurait pu être plus poussé mais ça aurait été difficile. Modus Animali met en scène une forme de masochisme primitif et quasi initiatique qui se révèle vraiment fascinant. Il pousse le débat plus loin en mettant en avant non pas seulement un masochisme uniquement physique mais aussi moral (l’homme est déchiré quand il découvre qu’il vient de tuer ceux qu’ils croient être ses enfants). L’humain décrit ici comme un être trop civilisé, ayant comme un besoin de retrouver ses sensations premières traduites ici par la terreur, le danger extrême, la douleur et l’instinct de survie.
FIN DES GROS SPOILERS !
Modus Animali se révèle bien plus qu’un simple survival, c’est un film qui pousse le genre dans ses retranchements et qui délivre une thèse vraiment fascinante et dérangeante à la fois. Le film peut paraître au final assez tordue dans son final (et quelque part il l’est bien), mais une fois encore, le réalisateur sait rendre le tout le plus crédible possible avec une multitude de détails à l’appui. Puis surtout ce final sert à mettre en scène la thèse du film qui relève au final de la métaphore.
Modus Anomali aurait pu avoir une dimension sociale et presque philosophique (comme pour Délivrance) mais quelque part cette dimension est bien là mais peut-être pas trop développée pour des raisons économiques et commerciales mais aussi des difficultés scénaristiques.
On remarque que ce genre de sujets est typique d’un certain cinéma asiatique qui sait parfaitement les aborder. Joko Anwar est donc un réalisateur à surveiller de très près. Il pourrait très bien signer un chef d’œuvre.
Ce Modus Anomali est un essai plus que concluant à voir absolument.
Note : 16,5/20
Modus Anomali - Teaser Trailer