A ce titre, le libéralisme peut légitimement être considéré comme une théorie progressiste en ce que la liberté en constitue le dogme fondateur. Élaborée en réaction aux anciens modèles politiques et économiques, jugés inefficaces, le libéralisme va pourtant tourner peu à peu le dos à l’Histoire en contestant l’intérêt de son étude, au prétexte qu’il faut vivre avec son temps. Pour la pensée libérale, le mieux est nécessairement l’avenir du bien, en aucun cas son ennemi. Si bien que remettre aujourd’hui en question le modèle capitaliste provoque l’indignation des thuriféraires du changement qui taxent ses opposants de « réactionnaires », de « conservateurs, de « beaufs » voire de « fascistes ». Invoquer le passé et ses enseignements pour interroger les excès du réformisme revient à non seulement remettre en cause le bien-fondé du système libéral mais impliquerait aussi et surtout de nier le sens réel de l’Histoire.
En s’inspirant du mythe d’Orphée, le philosophe Jean-Claude Michea revient sur le paradoxe d’une croissance infinie dans un monde fini qui définit la trajectoire libérale. Il interroge tout particulièrement le virage philosophique du socialisme depuis la conversion de la gauche à la religion moderne du progrès. Car « l’économie transforme le monde, mais seulement en monde de l’économie », au point qu’il devient difficile d’opposer au libéralisme un Humanisme authentique, la foi en l’Homme et en sa perfectibilité, dont la conscience des limites préfigure pourtant la véritable liberté.
David Jarousseau