Vivement intéressé par les romans à connotation religieuse, ce livre ne pouvait que m’attirer. Mélanie Chappuis prend ici un gros risque : celui de choquer certains puristes. En effet, elle se risque à transcrire ce qu’a pu ressentir Marie, mère de Jésus, au long de sa vie. L’exercice est des plus périlleux car si l’on a beaucoup d’éléments sur le fils, peut de traces parlent de la mère et de sa famille. Pourtant, cette fiction reprend des faits désormais abordés par ceux qui se sont attachés à suivre l’histoire de Marie, notamment l’identité du géniteur biologique de l’enfant. Ce père, de l’avis des spécialistes, et n’en déplaise au dogme, est soit Barabbas et Mélanie Chappuis joue délicieusement avec ce quiproquo (en araméen, bar = fils; Abba = père. Bar Abbas, c’est ce que clament les évangiles, tous sont d’accord sur ce point : Jésus est le fils du père, du très haut. Le Barabbas qui fut présenté avec lui devant Ponce Pilate est un autre homme, sans liens aucun avec Marie ou Jésus. Les écritures traduisent fils du père en grec pour faire le distinguo entre le brigand et le fils de Dieu), soit le soldat romain Pantéra (Panteri ou Panter selon les sources) selon l’historien et archéologue James Tabor (La véritable histoire de Jésus, Paris, éditions Robert Laffont, 2006 : 80-89).
Ce roman n’est donc pas nouveau dans le scandale schismatique des origines de Jésus, mais l’innovation vient de regarder l’histoire du point de vue de la mère du seigneur. De plus, je trouve vraiment le respect des coutumes de l’époque bien expliquées. Chacun devait avoir une place logique par tradition dans la société, à défaut de quoi il se marginalisait et, l’époque ne goûtait pas ce genre d’indépendance surtout venant d’une femme ! Or, bien que les textes officiels marginalisent sans cesse le rôle des femmes, que Jésus tente de relever par ses actes, on peut voir que certaines, comme Marie de Magdala ou Marie femme de Joseph, faisant fi du qu’en-dira-t-on sont des femmes libres, soumises qu’à leurs idéaux. Le roman de Mélanie Chappuis montre bien cette volonté de ne pas se laisser imposer ce que Marie refuse. Elle sera la mère d’un sauveur, elle le sait et le protégera dans ce sens.
4ème de couverture
Yechoua vient de naître. Il n’est plus dans le ventre de sa maman. Maryam le maintient contre son sein. C’est son enfant. Celui de l’homme qu’elle aime. Pas celui de Joseph. Ni celui de Dieu. Pas non plus le sauveur qu’ils attendent, pas encore. C’est sa chair, sa passion, sa déraison.
Cette naissance est aussi celle de Maryam. Il faut regarder au-delà de l’enfant. Se libérer des parents. Être celle que Yechoua peut suivre. Elle se trouve une nouvelle terre d’accueil, une autre philosophie, un travail auprès des plus démunis.
Bien plus que l’histoire de Maryam, ce roman est celui de toutes celles qui donnent la vie. Il raconte un bouleversement, la maternité amenant la femme.
Maculée conception affranchit Marie de son statut de sainte, l’incarne en mère et en femme, pour dire la perte de repères qu’engendre la maternité, avant le relèvement et le dépassement de soi.
Les premières lignes
Bethléem était envahie par le retour des familles à recenser. Maryam attendait. Joseph était parti chercher une place pour qu’elle accouche au chaud. Une pièce, même petite, même commune, qu’on accepterait de lui louer pour son épouse. Maryam ne voulait pas.
Né à Bethléem, Joseph l’avait quittée très jeune pour la Galilée. Il n’avait personne à qui s’adresser, se rassurait Maryam.
Oh ! mon Dieu, fais que Joseph revienne bredouille. Je ne veux pas d’un bout de pièce à partager avec d’autres, je veux être seule à mettre au monde notre enfant. Je ne veux partager ce moment avec personne. Il sera bien assez tôt ensuite.
Joseph sonnerait aux portes, parlerait de Maryam et de leur fils à naître. Il ferait tous les efforts du monde pour convaincre, attendrir. Pourvu qu’il n’y arrive pas. Il faisait froid, dirait Joseph, il fallait une pièce à son épouse, au moins un lit, elle s’en sortirait sans sage-femme, elle était forte, sa Maryam, Dieu le savait bien.
Pourvu que personne ne cède, ne se laisse attendrir.
Un peu de l’auteur
Mélanie Chappuis grandit entre le Guatemala, le Nigeria, l’Argentine, Berne et New York, avant d’entreprendre des études de lettres à l’Université de Genève. Après un DEA à l’institut européen, elle écrit des articles pour différents journaux. Elle est actuellement journaliste à la Radio suisse romande.
En 2008, Mélanie Chappuis publie son premier roman: Frida, chez Bernard Campiche éditeur. Le titre est inspiré de la chanson Ces gens-là de Jacques Brel. En 2010, paraît « Des baisers froids comme la lune », titre cette fois tiré du poème « Le revenant » de Charles Baudelaire. En 2011, elle obtient la bourse à l’écriture du canton de Vaud pour son troisième projet littéraire. En 2012, elle remporte le « Prix de la relève » du canton de Vaud.
Crédit photo : GoliathSes livres :
- 2008 : Frida, Bernard Campiche éditeur
- 2010 : Des baisers froids comme la lune, Bernard Campiche éditeur
- 2012 : Du cœur à l’ouvrage, collectif sous la direction de Louise Anne Bouchard, Éditions de l’Aire
- 2013 : Maculée conception, éditions Luce Wilquin
- 2013: Dans la tête de…Chroniques, éditions Luce Wilquin
- 2013: Le dos de la cuiller, collectif sous la direction de Louise Anne Bouchard, Paulette Editions
source: Wikipedia
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