Dans ma cabane une platine # 25

Publié le 26 mars 2014 par Euphonies @euphoniesleblog

Dans ma cabane une platine # 25

Toi l’indolent, le paisible, le nonchalant, pose ton banjo et tes éperons et viens écouter la ballade de Joséphine. Elle t’inspirera des crépuscules moites bercés par les grillons. Tu peux te resservir, j’ai acheté du Bourbon, celui que tu préfères.

Toi le lettré, le résigné, le romantique, lâche ce peigne fin et monte dans ta Ford. Mustang te ressemble et t’invite à fuir la débraille pour une certaine idée du chic et des complets repassés. Tu peux accélérer, l’Ecran total te ravitaille très vite.

Toi l’incompris, le poète, l’écorché vif, regarde le ciel et tu verras avec Benjamin Clementine qu’on est toujours l’heureux d’un autre, qu’il y a de l’espoir quelque part. Tu peux sécher tes larmes, le printemps est là.

Toi le fougueux, partisan du verbe haut, articule en rythme le groove de ta prose. Gil Scott Heron n’est pas loin, tu peux suivre Antony Joseph jusque tard dans une nuit faite de stances. Enivre toi, fête les sens. Tu peux y aller, personne regarde.

Toi le noceur, le sensitif, l’extasié, monte un peu le volume de ce Jabberwocky et danse lentement. Lewis Carroll n’est pas loin et son pays des merveilles. Au diable les voisins, tu peux relancer le titre et dodeliner encore.

Toi l’affamé, l’appétant, le goulu, Humm Chéral. Ouvre bien tes oreilles pour la becquée mélodique d’une confession concupiscente. Jeanne brûle d’envie et brûle avec elle. Tu peux aimer, boire et chanter, pour toi y aura du rab’.

Toi l’hédoniste, ravi de la crèche, rejoins le Gospel insouciant d’un enthousiasme communicatif. Enserre l’épaule d’Aloe Blacc et livre-toi à l’ultime messe. Tu peux même taper dans tes mains ou implorer Dieu,  du moment que tu y crois.

Toi le ténébreux, le veuf, l’inconsolé, contacte Mark Oliver Everett. Tu apprendras à sublimer la douleur dans des moments de grâce. Il aura beaucoup à t’apprendre sur la thérapie par l’arpège. Tu peux aussi lire Schopenhauer, Sénèque, et tu verras tout ira mieux.

Toi le mélomane, l’amoureux du folk, découvre George Ezra de son drap pudique. Les arrangements sont subtils, la diction si juste. Imagine que tu aimes l’élégance, le format single. Tu peux plonger dans Budapest et accrocher des sourires au morceau.

Toi le frère que je n’ai pas eu, imprégnons nous de ce renouveau. Dominique Dalcan nous invite à faire fi des erreurs passées, à nager dans une rivière innocente, à interroger une bonne fois pour toutes. Tu peux : la transhumance t’embarque.

Toi l’esthète, le gothique, le rigoureux, pense à ton pire cauchemar, avec Timber Timbre pour seule bande son. Cela pourrait être un film, un Tarantino sous pression. Tu peux goûter le vaste espace d’une chanson sans façons. Tu peux apprécier la chanson.

Toi le chaloupé, le marginal, le festif, ferme tes volets et souviens-toi de Fela Kuti. Imagine qu’il convoite des chœurs convaincus, féminins, charismatiques. Tu peux accepter l’invitation et enlever ta chemise. Goat se danse sans tissu.

Toi le compulsif, le fêtard, le DJ, programme Surf Smurf sur tes platines. Tous les ingrédients d’un mix + 1 sont présents : voisins d’un LCD ou d’un Madness, voire d’un Django Django, tu peux faire confiance à Munk, le sol tremblera d’un enchainement efficace et pertinent.

Toi le connaisseur, le fêlé, l’intransigeant, oublie Morphine pour Polar Bear. Tu gagneras en éjaculations saxophonistes, en espaces infinies de jouissances cuivrées. Tu peux t’interroger sur la structure, mais pas sur l’effet produit : Chotpot déroule un univers junk fou où tu jouis.

Toi le clubbeur, l’addict du beat, lève les bras plus haut que David Guetta. Méprise la faconde d’un blondinet sans ambition pour trémousser tes indexs au son de Thomas Azier. Tu peux te rassurer, le garçon a des références. Et c’est toi qui en fera les frais.

Toi le fâcheux, le bougon, l’insatisfait, soumets-toi à l’évidence. Ici Peirani vaut tous les autres. Et conclue à merveille cette 25ème cabane. Tu peux te mettre en pyjama, réveiller ta bouilloire pour une dernière tisane. Moi je cherche déjà ce qui animera mes heures.


Robert Mapplethorpe - Sonya & Tracy - 1988