Cette semaine, focus sur une nouveauté qui suscite la curiosité : Seven Deadly Sins de Nakaba Suzuki. Annoncé comme le shônen de l’année par son éditeur, Pika, c’est un des gros lancements de 2014 (communication d’envergure, lancement sur le Salon du Livre de Paris, etc). Lorsque que j’ai évoqué ce titre au début du mois sur Twitter, beaucoup de « alors c’est comment ? » ont éclos…. Une bonne raison pour vous en dire plus.
Au Japon, Seven Deadly Sins est publié dans le magazine star de la Kodansha, l’hebdomadaire Weekly Shônen Magazine, où l’on trouve des titres comme Ippo, Fairy Tail ou encore Dream Team. Sous le nom Nanatsu no Taizai, l’œuvre a débuté en février 2013 au Japon et son huitième tome sera publié en avril prochain. Une série animée est déjà dans les cartons au Japon, pour 2014 ou 2015. Il est probable qu’on recroise le manga dans les top Oricon en fin d’année, vu que les premiers tomes se vendaient autour de 130-140 000 exemplaires la semaine de leur sortie (en 2013 en tout cas) et qu’il s’en est vendu 3 millions d’exemplaires au total depuis les débuts de la série.
Avant de se lancer dans ces premières impressions, un dernier mot sur l’auteur : Nakaba Suzuki est loin d’être un débutant. Né en 1977 il a commencé sa carrière en 1994 avec une histoire du nom de Revenge et a enchainé depuis une demi-douzaine de série dont Kongô Banchô publié chez nous par Kana. Fait notable : il travaille sans assistant et il est l’un des rares à avoir publié une série dans les quatre gros magazines hebdomadaires : Shônen Jump (Shueisha), Shônen Sunday (Shogakukan), Shônen Champion (Shôgakukan) et Shonen Magazine (Kodansha). Un homme d’expérience, donc.
Voilà pour les bases, rentrons maintenant dans le cœur du sujet ! Bonne lecture
Once upon a time, in Britannia…
Tout débute par la quête de la jeune et naïve princesse Elizabeth qui part à la recherche des Seven Deadly Sins, sept légendaires mercenaires autrefois bannis et pourchassés pour avoir renversé le gouvernement et avoir assassiné le général en chef des armées de Britannia. On les prétend disparus – ou morts pour certains – mais pour Elizabeth ils sont les seuls capables de sauver son royaume de la tyrannie des Chevaliers Sacrés. Son aventure la guide jusqu’au premier d’entre eux, leur chef Meliodas, et son compagnon, Hawk le cochon qui parle. Devant les intentions louables d’Elizabeth, il accepte de l’accompagner pour retrouver ses anciens compagnons.
Seulement voilà, 10 ans après avoir été vaincus, les Seven Deadly Sins se cachent ou ont été faits prisonniers. Depuis que Meolidas a donné des signes de vie, les Chevaliers Sacrés se lancent à sa poursuite. Réunir les Deadly Sins n’est donc pas une mince affaire, d’autant que leur défaite 10 ans auparavant est le fait d’un traître dans leur rang… Même s’ils sont à nouveau réunis, rien ne dit qu’ils pourront sauver Britannia !
Mainstream, vous avez dit mainstream ? Comme c’est shônen…
Fantasy, chevalerie et aventure sont les premiers ingrédients de ce titre qui suit de près les codes du shônen : le héros a le look d’un jeune homme, il part à l’aventure pour une noble cause et pour une jolie jeune fille, il retrouve ses compagnons de route en combattant des adversaires de plus en plus difficiles à battre. Mais il possède une volonté et une force à toute épreuve qui devraient faire triompher le bien et rendre la justice en libérant un peuple d’une dictature. Le pitch pourrait paraitre plat mais il est pimenté par quelques mystères : un complot datant d’une décennie a permis de renverser le gouvernement et d’accuser à tort une bande de mercenaires. Leur chef a perdu la mémoire sur ces évènements et l’identité du traitre qui était dans ses rangs. Pas de quoi crier au génie mais pour envelopper le tout l’auteur utilise l’univers des légendes arthuriennes et qualifie Seven Deadly Sins de prologue aux aventures d’Arthur, Merlin, etc. Tiens d’ailleurs Merlin, une femme ici, est l’un des 7 Deadly Sins. On verra bien.
Coté graphisme on suit une route bien tracée là aussi : le chara-design est ultra classique hormis la géante Diane. Concernant la gente féminine justement : elle est l’instrument d’un fan service récurrent et d’un humour un peu lubrique qui font pour l’instant d’elles des femmes-objets. Entre la princesse un peu cruche qui se laisse peloter ou soulever sa jupe et la géante colérique au géant décolleté et justaucorps, l’accent est clairement mis sur leur plastique plutôt que sur la profondeur de leur personnalité. Cela viendra sans doute avec le temps, et il parait qu’un personnage féminin plus consistant est prévu dans des prochains volumes… Mais dans le tome 1, le résultat est un peu décevant.
Ce premier tome démontre clairement l’ambition mainstream de la série, qui cherche à attirer le jeune public manga, plutôt masculin. Le public de Fairy Tail sans doute, souvent cité dans les comparaisons de la série. Des crossovers entre les deux séries existent d’ailleurs, lors de chapitres spéciaux. Si on creuse un peu cette question du public (et qu’on se permet de digresser deux secondes), on peut s’étonner du lancement du titre pour le Salon du Livre de Paris, visant plutôt un lectorat plus global avec des titres qui mixent les influences japonaises et occidentales ou qui évoquent l’histoire européenne comme Cesare en 2013 ou Ad Astra en 2014 chez Ki-oon. Seven Deadly Sins aurait plutôt sa place sur Japan Expo. Par le passé, en 2009, Soul Eater a montré que ce genre de lancement peut quand même rimer avec réussite… mais difficile de certifier le cause à effet. Autre hypothèse, complémentaire : le lancement de Dragon Quest en mai aux éditions Ki-oon, un titre proche de Seven Deadly Sins par le public visé, au point que celui qui sort en second risque fort de perdre une partie de son lectorat qui en aura « déjà un comme ça ». Mais revenons à nos cochons…
Finalement c’est pas maaaaaal…
Effectivement, Seven Deadly Sins possède aussi quelques atouts. Sur le plan visuel, on peut apprécier les décors qui renforcent l’ambiance fantasy avec de coquettes chaumières, des forêts denses et de grands châteaux. Chevalerie oblige on retrouve aussi une cohorte d’armure, mais elles sont souvent excentriques et parfois fantasmagoriques. Une petite touche d’originalité, finalement. Pour l’instant le mélange conserve sa cohérence et on espère que Nakaba Suzuki saura le développer pour renforcer l’immersion du lecteur et compenser le charisme mitigé des personnages.
Dernier point, la mise en scène, bien maîtrisée et qui prouve que le mangaka connait son métier. Tous les combats jouent sur la même dynamique avec des échanges pour l’instant court mais très explosif, où on mise tout sur l’impressionnante puissance de nos héros. Un coup d’épée peut raser une montagne entière, une lance peut être envoyée à la force du bras à plusieurs kilomètres avec une vélocité surhumaine… Le découpage et le cadrage se focalisent sur quelques actions limpides et simples mais qui produisent l’effet attendu sur le lecteur qui lâchera probablement un « ah ouai quand même ! », « balaise ! ». Par contre, avec toute cette débauche et ces héros qui semblent au sommet de leur art – ou pas loin – comment pousser plus loin la surenchère ? Le volume 2 donne un début de réponse avec des héros pas forcément plus forts que les précédents, mais qui usent de stratagèmes dangereux comme l’hypnose ou la téléportation.
Seven Deadly Sins laisse donc un effet mitigé après sa lecture : le titre possède un coté sympathique et récréatif grâce à univers intéressant et des combats de haute volée. L’humour qui met en avant la perversité du héros est très spontané et fait parfois mouche (quelque part entre Tortue Géniale et Ryo Saeba) mais le manque d’originalité, les jeunes filles un peu creuses et le fan service risquent de le plomber le titre sur le long terme. Mais, qui sait, avec un scénario encore naissant et pleins de nouveaux personnages à venir, Seven Deadly Sins a ses chances. Qu’il soit le shônen de l’année n’est pas d’impossible si on prend les ventes cumulées, vu que sa publication hebdomadaire va lui permettre d’être régulièrement présent. Mais pour vraiment statuer, il va falloir attendre de voir ce que propose la concurence !
Et vous, finalement, vous tenterez l’aventure ou vous l’avez déjà fait ?
Fiche descriptive
Titre : Seven Deadly SinsAuteur : Nakaba Suzuki
Date de parution du dernier tome : 19 mars
Éditeurs fr/jp : Pika / Kodansha
Nombre de pages : 192 n&b
Prix de vente : 6.95 €
Nombre de volumes : 2/7 (en cours)
Visuels : NANATSU NO TAIZAI © Nakaba SUZUKI / Kodansha Ltd.
Vous pouvez suivre Nakaba Suzuki sur son blog. Pour lire un extrait du tome 1, c’est ici.