L'Oeil bleu N° 6
Une livraison de choix ce mois-ci, encore, dans L'Oeil bleu, revue de littérature mais aussi revue de spécialistes et de fervents passionnés d'histoire littéraire.
Nicolas Leroux nous dévoile tout ce qu'il est possible de savoir du plus obscur des membres de l'Abbaye de Créteil : Lucien Linard, typographe et personnage essentiel de l'aventure du phalanstère littéraire, en effet il était le seul de l'équipe à connaître le métier d'imprimeur, activité qui devait garantir au groupe son indépendance financière. Sa jeunesse vagabonde, ses allers-retours en prison, son service militaire dans les bataillons d'Afrique, sa rencontre avec Albert Gleizes, ses fonctions au sein du groupe de l'Abbaye jusqu'à la guerre de 14 d'où il ne reviendra pas, cette courte vie de misère et de péripéties est ici minutieusement restituée d'après des documents inédits. Nicolas Leroux ne se contente pas de se faire le biographe de Linard, cet article est aussi l'occasion de rétablir quelques vérités sur les publications de l'Abbaye, nous promettant pour plus tard une analyse plus précise des différents volumes parus dans cette maison d'édition.
Deux nouvelles inédites de Gustave Lerouge, Le Guet-apens et Une exhibition fantastique, sont présentées par Henri Bordillon, qui, nous l'espérons, donnera un jour un livre fruit de ses recherches sur l'auteur du Mystérieux docteur Cornélius.
Qui connaît la revue le Caen-Caen ? Les lecteurs du n° 4 de L'Oeil bleu grâce à Henri Bordillon, savent que cette revue d'étudiants normands a en 1895 publiée un poème inédit de Paul Verlaine. Marcel Troulay heureux posseseur d'un exemplaire de la revue, nous en donnes ici une description ainsi qu'une présentation du sonnet de Verlaine, Pour la Kermesse du 20 juin 1895, tel qu'il parut pour la première fois. L'article est suivi d'Une visite à Paul Verlaine par le directeur-gérant du Caen-Caen, C.-A. Ballière. La bibliographie des revues est consacré à Poème et Drame d'Henri-Martin Barzun.
L'Oeil bleu. 59, rue de la Chine. 12 euros le numéro, Associationoeilbleu[AT]yahoo.fr.
A la suite de son article sur Lucien Linart, Nicolas Leroux reproduit un document de 1906, où les futurs membres de l'Abbaye de Créteil présentent leur projet dans un appel adressé aux personnes susceptibles de les aider financièrement. On peut y lire ce qui suit :
« Il y a quelques années, un bibliophile, un lettré, M. Edmond Girard, rêvant de faciliter aux poètes l'édition de leurs oeuvres, se fit à la fois leur imprimeur et leur éditeur et fonda La Maison des Poètes.
A l'imprimerie de la Maison des Poètes, il n'y eut que deux ouvriers : M. Edmond Girard et sa femme. Et tout deux, devenus habiles à l'assemblage des caractères et au travail de la presse, commencèrent, dans l'une des formes les plus artistiques qu'on ait vue, une collection des meilleurs ouvrages de poésie de la dernière génération. Elle n'en comptait pas moins de 70 lorsque survint la mort de Mme Ed. Girard. Cette mort ferma subitement la Maison des Poètes en pleine prospérité. »
La Maison des Poètes n'était pas la première expérience d'Edmond Girard dans le domaine de l'édition, sous son nom il fut, entres-autres, l'éditeur de la revue Les Essais d'Art Libre entre 1892 et 1894, ainsi que des fameux Portraits du Prochain Siècle, ajoutons, trois oeuvres d'Abel Pelletier - Consciences contemporaines. I. Illusion. (1894), L'Amour triomphe, poème dramatique, extrait de la ″Vie acceptée″ (1895), Titane, drame en 3 actes (1897) - co-fondateur des Essais d'Art Libre (voir le billet que je lui consacrais, ici), ainsi que Légendes naïves (1894) de Ch.-H. Hirsch, Sensations d'art (1896) de Georges Denoinville, Hérakléa (1896) d'Auguste Villeroy, et L'AEgypan, Poème Moderne de Charles Esquier, etc.
Edmond Girard n'était pas seulement éditeur et imprimeur mais aussi écrivain et poète, sous le pseudonyme d'Edmond Coutances, il participera aux Essais d'Art Libre et au collectif Portraits du Prochain Siècle. D'Edmond Coutances on peut citer - avant un inventaire plus complet - deux volumes, l'un publié entièrement sous pseudonyme - Coutances, Edmond : Fleurs de jeunesse. Paris, E. Coutances, (1890) - l'autre sous la marque d'E. Girard - Coutances, Edmond : Neige-Fleur, drame en 1 acte. E. Girard, (1893).
La Maison des Poètes, continuera à publier les oeuvres d'Edmond Coutances jusqu'à la mort de Lucie Girard en 1906 (l'atelier typographique, imprimeur de la Maison des Poètes, portait son nom). La Maison des poètes renaîtra quelques années plus tard, semble-t'il en 1912, les volumes étant cette fois imprimés par Mme Antonine Girard, perdurant jusqu'en 1925, elle publiera de nombreuses oeuvres d'Edmond Coutances. Je tenterais sans doute un jour une bibliographie plus complète des éditions Edmond Girard et de la Maison des poètes, en attendant et pour rester dans les liens entre celle-ci et L'Abbaye de Créteil, rappelons que le premier volume - L'âme essentielle, 1898-1902 - de l'un des fondateurs de l'Abbaye, René Arcos, parut En la Maison des Poètes en 1903.