Diplomatie: du théâtre filmé, peut-être, mais de l'excellent!!

Par Filou49 @blog_bazart
26 mars 2014

 Je l'ai malheureusement employé un peu malgré moi lors de ma chronique hier du film d'Alain Resnais en salles sur les écrans depuis hier, mais pourtant cela m'agace lorsque les journalistes utilisent de façon péjorative le terme «théâtre filmé" dès qu'il s'agit de donner son avis sur un film tiré d'une pièce de théâtre.

En effet, je trouve que c'est un procédé critique un peu trop facile et pas toujours réel dans certains cas, ce n'est pas parce qu'on adapte une pièce qu'on fait du théâtre filmé ( cf Alabama Monroe, 100% film de cinéma pourtant adapté d'une pièce à l'origine)- contrairement à certains huis clos non tiré au départ d'un succès théâtral et  qui sonnent pourtant vraiment comme du théâtre filmé.

En effet, un réalisateur qui décide d'adapter une pièce de théâtre va forcément tout faire pour éviter cet écueil du «théâtre filmé", et trouver les subterfuges pour contourner cela, en cherchant par exemple comment placer sa caméra, créer du rythme et de la dynamique, aller filmer de temps en temps quelques scènes à l'extérieurs, afin de donner de l'ampleur et éviter que le film devienne vite rébarbatif et que le spectateur soit accablé par l'ennui.  Alors qu'au théatre c'est le spectateur qui décide de poser son regard où il veut, le metteur en scène de cinéma oriente l'attention, et  grâce à l'aide et la proximité de la caméra, peut aider à faire venir encore plus l'émotion.

Mais le souci du cinéaste doit être également de ne pas en faire trop, de ne pas trop utiliser soit de travellings,  soit d'artifices et d'esbrouffe (un peu le problème du dernier Renais, tiens), afin qu'on puisse aussi ne pas perdre la puissance du texte et du jeu des comédiens.

Et, à la vision de Diplomatie, l'adaptation au cinéma de la pièce à grand succès de Cyril Gély avec les deux monstres sacrés que sont Niels Arestrup et André Dussollier, force est de constater que le pari du cinéaste allemand Volker Schlöndorff est pleinement réussi.

Le film a beau se passer quasiment tout le long de l'espace aussi restreint que le huis clos de cet hotel Meurisse où vont se confronter  Raoul Nordling (Consul de Suède) et Dietrich Von Choltitz (Gouverneur de Paris) pour un jeu du chat et de la souris dont le terrible enjeu sera la destruction ou non de Paris, entre le commandant militaire allemand de Paris, chargé par Hitler de détruire la ville, et le diplomate suedois soucieux de la sauver.

  Et Schlöndorff a choisi de filmer ce  combat de boxe en cinq ou six rounds  selon sa propre expression en mettant vraiment en avant la puissance du texte initial et en laissant ses deux acteurs en pleine forme donner des performances exceptionnelles, Niels Arestrup (en  von Choltitz) et André Dussollier (Raoul Nordling).

La mise en scène sait se faire discrète pour valoriser au mieux les excellents dialogues qui donnent presque l'impression que le spectateur est partie prenante de cette confrontation, arbitre  qui compte les points et qui écoute avec une attention extrême les arguments des deux hommes sont défendables, les deux acteurs incarnent à merveille le militaire et le diplomate.

Cette confrontation en huis clos entre fonctionne avant tout à travers le jeu des acteurs. Notamment Niels Arestrup, en militaire froid et autoritaire clamant le droit de la guerre et dont la façade finira par se fissurer, est magnifique. Les âpres débats entre les deux protagonistes ne sont ni académiques ni prétentieux et leurs arguments se fondent toujours sur la situation concrète.

Le grand mérite du cinéaste allemand- palmé pour le Tambour voilà déjà 35 ans- est d'avoir su donner autant d'importance aux deux rôles , sans chercher à diaboliser le général nazi( je reviendrais d'ailleurs dessus dans un article futur)  et qui laisse se développer la stratégie toute en finesse du consul incarné avec la malice et la ruse naturelle d'un Dussollier aux petits oignons - dans un rôle bien plus interessant que le Resnais- , pour parvenir à convaincre Arelstrup, que l'obéissance aveugle à Hitler ne facilitera pas l'avenir des relations entre la France et l'Allemagne, plus tard. 

Schlöndorff opte pour une mise en scène précise et soignée qui sait s’effacer pour nous livrer l’affrontement très écrit et captivant de bout en bout de  ces 2 hommes à l’aube d’une décision qui changera la face du monde.


Bref, après Les Garcons et Guillaume à table et  la Vénus à la fourrure, voici une nouvelle illustration des bienfaits du cinéma qui  tire le meilleur de grands textes théâtraux.

DIPLOMATIE Bande Annonce du film (2014)