Quatrième de couverture :Pour s'être attiré les foudres des dieux le jour où il a réussi à créer la première horloge, Dor est emprisonné dans une cave pendant des siècles, contraint d'écouter les voix suppliantes de tous ceux qui, venant après lui, quémandent du temps, toujours plus de temps. Jusqu'au jour où on lui donne la possibilité de se racheter. Projeté en 2012, Dor va devoir s'acquitter d'une mission : faire comprendre à deux personnes sur Terre le vrai sens du temps : une adolescente prête à mettre fin à ses jours et un riche homme d'affaires condamné par la maladie, désireux, lui, de vivre éternellement. Pour se sauver lui-même, Dor va devoir les sauver.
Extrait Un homme est assis, seul dans une caverne.
Il a les cheveux longs, une barbe qui descend jusqu'aux genoux. Il a le menton posé au creux des mains. Il ferme les yeux. Il écoute. Des voix. Des voix sans fin. Elles montent d'un bassin dans le fond de la caverne. Ce sont les voix des gens sur Terre. Elles ne veulent qu'une chose. Le Temps.
Sarah Lemon est l'une de ces voix.
C'est une adolescente d'aujourd'hui ; allongée sur son lit, elle contemple une photo sur son téléphone. Un beau garçon aux cheveux couleur café. Ce soir, elle le verra. Ce soir à huit heures et demie. Elle se répète, palpitante : «Huit heures et demie, huit heures et demie !» - et elle se demande ce qu'elle portera. Le jean noir ? Le haut sans manches ? Non. Elle déteste ses bras. Pas le haut sans manches. «Il me faut plus de temps», dit-elle.
Victor Delamonte est l'une de ces voix.
C'est un homme riche qui a passé quatre-vingts ans. Il est assis dans un cabinet médical, sa femme à ses côtés. Des papiers blancs recouvrent une table d'examen. Le docteur parle à voix basse : «Nous ne pouvons plus faire grand-chose», dit-il. Des mois de traitement qui n'ont pas marché. Les tumeurs. Les reins. La femme de Victor veut dire quelque chose, mais les mots s'étranglent dans sa gorge. Comme s'ils partageaient le même larynx, Victor s'éclaircit la voix. «Ce que Grâce veut savoir, c'est... combien de temps il me reste.»
Leurs mots dérivent jusqu'à la caverne lointaine - jusqu'à l'homme barbu que l'on appelle Père Temps.
On pourrait croire que c'est un mythe, un dessin sur une carte de Nouvel An - immensément vieux, hagard, un sablier à la main, plus âgé que tous les habitants de la planète. Mais Père Temps est réel. Et, à la vérité, il ne peut pas vieillir. Sous sa barbe broussailleuse et ses cheveux en cascade - signes de vie, non de mort - son corps est mince, sa peau lisse, immunisée contre la force dont il est le maître. Jadis, avant de courroucer Dieu, il n'était qu'un homme parmi les autres, destiné à mourir une fois ses jours écoulés. Désormais, son destin est différent : exilé dans cette caverne, il doit écouter toutes les suppliques du monde - encore quelques minutes, quelques heures, quelques années, encore du temps. Il est ici depuis une éternité. Il a abandonné tout espoir. Mais quelque part, en silence, une horloge tourne pour chacun d'entre nous. Et même pour lui. Bientôt, Père Temps sera libre. De retourner sur Terre. Et d'achever ce qu'il a commencé.