Genre : Documentaire
Année : 2011
Durée : 1H15
L’histoire : En Europe dans les années 30/40, les tziganes font l’objet de persécutions de la part de l’Allemagne Nazie et de l’Italie Fasciste. Un nombre incroyable de tziganes seront déportés dans des camps de concentration et seront exterminés
La Critique de Vince12 :
Quand on parle des crimes de l’Allemagne Nazie, le réflexe général est de penser à la souffrance du peuple juif rendue célèbre par la Shoah. Comme tout le monde le sait, un très grand nombre de juifs sont morts en Europe sous la tyrannie Nazie. Pourtant il ne faut pas l’oublier, d’autres communautés ont été victimes de persécutions et d’exécutions. C’est notamment le cas des Polonais (juifs ou pas), des communistes, des russes, des homosexuels, des noirs (à ce propos il existe aussi un documentaire de Serge Bilé intitulé Noirs dans les camps nazis et qui fait partie des chroniques prévisionnelles), des opposants aux régimes, les dits « asociaux »… Mais il y’a aussi eu beaucoup de tziganes. Ceux qu’on connaît sous le nom de Rom, Gitan, Manouche…
Un très grand nombre de tziganes a également été assassiné par le régime nazi. La communauté Tzigane a d’ailleurs souvent œuvré afin que ce génocide soit reconnu, mais a parfois vu se dresser des oppositions à ce devoir de mémoire. Notamment de la part d’un certain monsieur Elie Wiesel, sous prétexte, soi-disant, que représenter la souffrance Tzigane dans les musées dédiés à l’holocauste nazi, pourrait « affaiblir » ou « effacer » « le caractère unique de l’Holocauste ». Par ailleurs la plupart des expositions ou musées sur le sujet ne se consacre pas au génocide du peuple Tzigane ou très peu.
Le documentaire débute d’ailleurs avec un discours de Zoni Weisz au parlement allemand le 27 janvier 2011. Il parle du génocide des tziganes et le décrit comme « un holocauste oublié ».
Mémoires Tziganes : L’autre génocide se propose donc de rappeler également la souffrance de ce peuple.
Attention SPOILERS !
La communauté Tzigane a beaucoup marqué toute l’Europe par sa culture. Contrairement à la plupart des idées reçues, la majorité des tziganes était sédentaire. On trouvait aussi il est vrai beaucoup de nomades et de gens du voyage. Les tziganes avaient notamment une certaine culture de la musique et du spectacle. Les itinérants étaient souvent des forains ou faisaient parfois partie d’un cirque.
Cependant au début du XXème siècle, les tziganes faisaient l’objet d’un traitement à part dans l’administration. Ils devaient notamment avoir avec eux un carnet anthropométrique qui contenait leurs photos et faisait office de visa. Ce carnet est d’ailleurs en quelque sorte l’ancêtre de notre carte d’identité.
Dans cette première moitié de XXème siècle, certains états européens jouent également et énormément sur l’identité nationale. Et les tziganes sont, de ce fait, mal vus. Les thèses raciales se propagent. Les tziganes sont décrits comme des voleurs et des mendiants sans morale. De plus les théories sur les gênes héréditaires concernant le comportement sont très à la mode. D’ailleurs le documentaire nous montre les empreintes digitales d’un enfant tzigane de 15 mois recensées dans un carnet de police.
Les tziganes commencent par ailleurs assez tôt à faire l’objet de discriminations raciales par de nombreux états européens. En Allemagne Nazie, ces thèses sont très à la mode. Alors qu’Hitler lance sa politique d’identité nationale et ses théories de race aryenne, les choses se compliquent pour certaines communautés. Par exemple les juifs d’Allemagne se voient retirer leur identité nationale. Ce qui ne sera pas tout de suite le cas des tziganes étant définis comme « indo-aryens ». Cela dit la politique raciale se durcit, notamment accompagnée par le commandement de la SS par Himmler. Les tziganes font l’objet d’analyses, et les savants qui effectuent ce travail finissent par conclure que plus de 90 % des tziganes sont des métis et doivent être considérés comme des « parasites » et des « asociaux ». Les tziganes seront persécutés dans la rue et dans les écoles. Himmler lancera alors des ordres de déportation en camps de concentration envers les tziganes. Les femmes tziganes seront envoyées au camp de Ravensbrück et les hommes tziganes vers Dachau avec des « asociaux » et des opposants au régime. Bientôt ils seront rejoins par les juifs.
Quand la guerre éclatera et que l’Allemagne nazie envahira de plus en plus de territoire les tziganes d’Europe vont être de plus en plus persécutés, déportés et exterminés. En France sous le régime de Vichy, un camp de concentration spécial pour tziganes est crée à Montreuil-Bellay. Nombreux y mourront de faim, de soif et de mauvais traitements.
Dans les camps de concentration répartis de l’Allemagne à la Pologne, de nombreux tziganes meurent notamment du Typhus qui fait des ravages via plusieurs vagues d’épidémies. Les tziganes qui se trouvent à l’ouest de la Russie sont également exterminés par les armes et enterrés dans des fosses. Certains tziganes qui se sont enfuis en Slovaquie sont arrêtés et emmenés dans des camps de travail obligatoire.
Les tziganes vont aussi subir des persécutions de la part de l’Italie fasciste, qui fera crée des camps s’apparentant aux Goulags des soviétiques et aux camps de concentration nazis. Nombreux sont les membres de la communauté tziganes qui mourront dans ces camps.
Par la suite les tziganes vont également être transférés au camp d’Auschwitz. La déportation se fera dans des wagons à bestiaux encore remplis de merde. Une fois à Auschwitz, il sera crée un « quartier » spécial pour les tziganes. Ce « quartier » sera d’ailleurs mis à la disposition du docteur Mengele qui utilisera de nombreux enfants comme cobayes pour des expériences abominables. C’est d’ailleurs dans ce « quartier » tzigane que va avoir lieu une révolte surprenante des détenus qui vont même parvenir à faire reculer les SS. Après cet évènement, des milliers de ces tziganes ont été gazé.
La libération arrivera donc en 1945. La communauté tzigane ressortira particulièrement frappé par ce drame. Selon les statistiques plus de 90 % de la population tzigane du territoire du 3ème Reich a péri.
Mémoires Tziganes : L’autre Génocide reste donc un documentaire passionnant. Pour illustrer son propos, le film s’appuie sur les témoignages d’anciennes victimes qui ont survécu, ainsi que sur une grande quantité d’images d’archive. Les témoignages sont d’ailleurs poignants. La plupart des rescapés interrogés ayant chacun vécu des histoires et des expériences différentes. L’une des rescapés a exorcisé son émotion et sa colère à travers des peintures de ce génocide, qui servent de toile de fond à ce documentaire. On trouve même parmi les témoins un français qui fut garde au camp de concentration de Montreuil-Bellay. Il faut d’ailleurs rappeler que les tziganes de ce camp, seront libérés seulement en juin 1946. Il faut aussi savoir qu’en Suède les tziganes seront persécutés jusque dans les années 70, étant notamment victimes de stérilisation.
Par ailleurs le documentaire fait également mention de certaines anecdotes. Notamment du film Tiefland, issu du célèbre opéra, de la réalisatrice préférée d’Hitler : Leni Riefenstahl, qui pour donner de l’authenticité à son film, aura l’autorisation de faire appels à des enfants tziganes issus des camps et qui seront transférés à Auschwitz une fois le tournage terminé. La réalisatrice a toujours affirmé qu’elle ne savait rien du sort de ces enfants.
Il est aussi fait mention de la photo d’une fillette déportée dans un wagon. Cette photo emblématique a souvent été utilisée pour montrer la déportation juive. Mais en réalité un historien hollandais s’est penché sur son histoire et a découvert qu’il s’agissait d’une tzigane du nom d’Anna Maria Steinbach.
Le peuple tzigane est donc ressorti particulièrement marqué par cette période sombre de l’histoire. Parmi les rescapés l’émotion est toujours là. Si pour certains la colère et la haine sont toujours présentes, pour d’autres le pardon, dans la tradition tzigane, est accordé. « Ne pas se lamenter » et « rester digne dans la souffrance » selon une ancienne victime. Ne plus vivre dans cette haine et se libérer du mal engendré, pour beaucoup de ces tziganes. « Je n’en veux à personne, on est tous des humains » déclare l’un des rescapés.
Mémoire Tziganes : L’autre génocide termine sur une note positive montrant ces rescapés qui ont repris le goût de la vie et qui sans oublier le passé regarde désormais le présent.
Note : 17/20
PS : pour les intéressés, le documentaire est disponible en intégralité ci-dessous.