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Exaltations oratoires

Publié le 11 juin 2007 par Philostrate
Régulièrement, Philostrate donnera la parole à des personnalités portant un regard décalé sur le monde du sport, désireuses de faire partager leurs coups de cœur, leurs témoignages ou leurs désillusions. Premier de ces invités, Philippe Barthelet, chroniqueur sur France Culture et Valeur Actuelles, spécialiste de la langue et auteur de Baraliptons, son septième ouvrage paru en 2007 aux Éditions du Rocher. Il nous livre ici un billet en forme de clin d'œil à la verve et au débit des hérauts du sport radiodiffusé…            Les commentateurs sportifs sont nos derniers orateurs publics. Ils ont une telle angoisse du moindre silence, une telle appréhension du « blanc » qu’ils ont inventé le discours à jet continu, qui est en lui-même un exploit sportif. C’est sans doute un souci d’harmonie imitative qui a guidé ses inventeurs, au premier rang desquels Léon Zitrone et Roger Couderc, pour rendre au mieux le galop du prix de Diane ou les mêlées du Quinze de France.    Léon Zitrone annonçait l’arrivée du tiercé plus essoufflé que la pouliche victorieuse, et à coup sûr plus triomphant, comme s’il venait de le gagner lui-même ; et de fait, si commenter après coup c’est « refaire le match », le commenter pendant qu’il a lieu c’est le faire – ou du moins se le faire croire. Un bon commentateur sportif est par nécessité un champion. Les grands noms plus haut cités on fait école, et non seulement dans la course hippique ou les sports de ballon : les courses automobiles nous valent elles aussi des envolées dangereuses, à la limite du claquage de corde vocale.    Il faut parler sans respirer tout le temps que dure l’épreuve, tout dire comme si le monde allait sauter à la seconde suivante, et surtout ne pas trop s’inquiéter de ce qu’on dit : l’essentiel n’est évidemment pas là, ce qu’attend l’auditeur c’est un moment de pure exaltation oratoire. Les meilleurs l’ont si bien compris qu’ils disent à peu près n’importe quoi, tout leur sert à éviter les blancs, les anecdotes les plus oiseuses et surtout, c’est là qu’on juge leur talent, les hypothèses les plus hasardées voire les plus inutiles.    De même que jadis quand on récitait la table de multiplication, ce qui compte c’est la musique, et de tenir la note jusqu’au bout non seulement sans faiblir, mais rinforzando  jusqu’au coup de cymbale de l’annonce des résultats. Tour de force des glottes surmenées, on ne rend pas assez justice à cette discipline, sans qui le sport ne serait que ce qu’il est… Ph. Barthelet

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