Le milieu de la mode est un microcosme peuplé de créatures qui s’occupent à s’autodécerner des satisfécits et des vacheries, à faire du vent avec des moulinets pour créer de l’électricité statique. Et à produire des « voguelettes » : ainsi, le célèbre magazine américain a choqué les modeuses de la planète parce que la Kardashian, exhibitionniste de la télé-réalité prend la pose en couverture dans les bras de son futur, le rappeur Kanye West.
Le Landerneau a bruit d’horreur et certains ont même « parlé de fin du monde » quand la célibataire en épousailles a tweeté : « C'est un rêve devenu réalité, merci @VogueMagazine pour cette couverture, j'en perds le souffle ! » Les 20 millions (!) de fans abonnés à son compte Tweeter ont sans doute pleuré devant tant de simplicité, en effet, faire la couverture du Vogue est une consécration pour cette fille indigente qui gagne sa misérable vie à faire la grue sur des plateaux TV.
On s’étonne que les lecteurs de Vogue (beaucoup moins nombreux que les fans de la Kardashian) se révolte, alors que leur très cher coffee table book de papier glacé qui est à la mode ce que le Nutella est à la pâte à tartiner, fait l’éloge à longueur de colonnes du porno chic, de la pétasserie vestimentaire et des turpitudes des peoples vautrés sur les red carpets.
Anna Wintour, archidiacre au service de ce vaticanesque support, qui juge cette couverture "charmante et émouvante" (arrête Anna je pleure aussi), n’a pas apprécié et rappelé que « l'un des plaisirs de diriger Vogue, qui fait partie d'une longue tradition de ce magazine, est d'être capable de montrer ceux qui définissent la culture à un moment donné, qui font bouger les choses, et dont la présence dans le monde, influence la façon dont nous le voyons. »
En effet, la Kardashian que ça plaise ou non, incarne notre culture médiatique dont l’échéance existentielle se limite aux hoquets tweetés-facebookés-youtubés d’individus qui n’existent que parce qu’ils n’ont rien à dire. Vogue est un formidable miroir de ce désert intellectuel.