La loi sur la Consommation, dite loi Hamon, offre à l’assuré la possibilité de résilier son contrat d’assurance à tout moment après un an de contrat,là où il n’était possible jusqu’à présent de mettre fin à ses assurances que dans les deux mois précédant la date anniversaire de souscription du contrat.
La loi vise ainsi à promouvoir la concurrence pour faire baisser les tarifs des primes d’assurances auto, habitation et affinitaires (assurance voyage, portable, extensions de garanties, etc.). Cette nouvelle liberté acquise par les assurés devrait provoquer un électrochoc dans le business-model des assureurs, ceux-ci devant alors repenser la place qu’ils accordent à leurs stratégies de fidélisation. Ă€ noter cependant que les assurances de personnes n’entrent pas dans le périmètre de cette loi.
Une manne pour les acteurs gravitant autour des assureurs
Dans un marché mature et très concurrentiel comme l’assurance dommages, la loi Hamon pourrait favoriser la volatilité des assurés, d’autant que les différents acteurs para-assurance (courtiers, comparateurs en ligne, ‌) feront tout pour tirer leur épingle du jeu et profiter du changement de règles. Ainsi, les stratégies de capture des flux de clientèle sont déjà en place et ne demandent qu’à être intensifiées avec la mise en application de la loi, prévue pour juin 2014 : à titre d’exemple, le comparateur en ligne LesFurets.com propose d’ores et déjà gratuitement un « assistant résiliation auto ». Rémunérés aux « leads » [1] qu’ils génèrent, les comparateurs ont tout intérêt à voir se réduire la durée de vie des contrats pour multiplier les transactions aux profits des assureurs qui les rémunèrent le plus (commissions). Cependant, il est à noter qu’une partie des assurés commencent à prendre de la distance vis-à-vis de ces comparateurs, qui font l’objet de critiques croissantes de la part des consommateurs et parfois des assureurs eux-mêmes…
La guerre des prix n’aura pas lieu
Chez les assureurs, la guerre des prix souhaitée par le gouvernement n’aura (probablement) pas lieu compte tenu des contraintes de rentabilité existantes. Aujourd’hui les coĂťts d’acquisition (marketing, vente) et de gestion (remboursements en cas de sinistres) sur les contrats d’assurance automobile et habitation ne sont en effet amortis que grâce aux profits générés par les produits financiers réalisés sur les provisions. La situation n’étant pas prête de s’améliorer en raison de la hausse du coĂťt de la sinistralité en France, les assureurs ne baisseront vraisemblablement pas leurs tarifs de cotisations.
Un réel retard des programmes de fidélisation
Jusqu’ici rien de bien étonnant. La surprise concerne plutôt la faible importance accordée par les assureurs aux stratégies de fidélisation : en France 62% des clients ayant changé de prestataire d’assurance affirmeraient que leur assureur n’a rien tenté pour les retenir. Ce chiffre est d’autant plus surprenant que conquérir de nouveaux clients coĂťte en moyenne cinq fois plus cher que de fidéliser ceux que l’on a déjà [2], sans compter les bénéfices sur l’image de marque que constitue la conservation d’assurés fidèles et satisfaits.
Pour « retenir » les clients, il pourrait ainsi être opportun d’adopter la démarche suivante :
- Identifier ses propres indicateurs de départs et déterminer le poids de chacun des groupes suivants en tenant compte de l’impact de la loi Hamon : les « inconditionnels », les « prêts à partir » et les « sur le départ »
- Calculer les « Life-time Value » [3] par type de client : Elaborée à partir de la durée de vie moyenne d’un client et de l’évolution théorique de sa consommation, la life time value doit permettre de déterminer la limite haute du coĂťt d’acquisition et de rétention client
- Définir un plan d’action en veillant à ne pas se faire doubler par ses concurrents
Cela passera notamment par l’établissement d’une relation de confiance, la proposition de services intégrés de qualité (en mettant en avant les services de l’Assistance par exemple) ou encore la capacité à répondre aux nouveaux besoins des clients au bon moment (up-selling / cross-selling)‌
L’utilisation du numérique : une arme efficace pour revisiter la relation client
Dans cette optique de fidélisation, l’utilisation des outils du numérique devrait s’avérer un précieux atout :
- Les outils de social CRM [4] permettent désormais de détecter les temps forts de chaque relation client.
- L’essor des objets connectés rend possible l’élaboration d’offres d’assurance personnalisées (ex : Pay as you drive, journée de ski, nouvel achat high-tech, etc.) .
- Les applications mobiles permettent de multiplier les occurrences de contact client-assureur : avant-vente, vente, après-vente.
- Les plateformes de co-création de produits permettent de répondre au plus près aux besoins des clients‌
En conclusion, la Loi Hamon est un tournant à ne pas rater dans l’histoire de la relation entre les particuliers et leurs assureurs. Plus qu’une menace de se retrouver hors-jeu, la loi Hamon offre l’opportunité à chaque assureur d’accélérer la mise en place de nouvelles stratégies de fidélisation, à adapter à sa culture propre et à son cĹ“ur de clientèle.
[1] : La génération de lead est une technique marketing permettant de détecter l’intérêt d’un consommateur pour un contrat d’assurance. Ceux-ci prennent la forme de fiches qualifiées (devis) permettant d’identifier un prospect et ses besoins en assurance. Ces fiches sont ensuite transmises aux assureurs contre rémunération
[2] : Reichheld, Frederick F. The Loyalty Effect, Harvard Business School Press, 1996. (Revised 2001)
[3] : Life-time Value : La valeur vie client ou « life time value » (LTV) est la somme des profits actualisés attendus sur la durée de vie d’un client.
[4] : Social CRM : Le « social CRM » désigne la relation entre assureurs et assurés/prospects sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, forums, ‌). Certains logiciels permettent d’optimiser la gestion de la relation client sur ces réseaux sociaux.
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